l'énigme du soixante-troisième conte
C'est une curieuse anecdote qui m'amène à poster ce billet. Lors d'un pot de début d'année, il était convenu que chacun apporterait un livre, lequel serait distribué au hasard à un autre participant. Ayant deux exemplaires du Dictionnaire des idées reçues de Flaubert, j'en ai apporté un. J'ai reçu un autre livre et le hasard a fait que j'en possédais déjà un exemplaire ; j'ai donc décidé de poursuivre cet échange avec les lecteurs de l'Astragale, et j'enverrai le livre en question à celui ou celle qui trouvera l'énigme en premier. Cette énigme du samedi soir paraît un vendredi matin, je ne sais pas trop pourquoi ... Si, en fait, c'est pour nous donner à tous un peu d'air après tous ces miasmes venus de Hongrie... et donc, pour nous changer les idées, je vous propose un conte qui vient de très loin. Saurez-vous le nommer ?
LXIII
Jadis une femme voluptueuse pensait : “Oh ! Comment pourrais-je rencontrer un homme qui aurait de l’affection [pour moi]?” Comme il lui était impossible d’exprimer ouvertement ce souhait, elle en fit un rêve qu’elle aurait eu (ce qui était faux), et qu’elle raconta à ses trois flis après les avoir fait venir. Deux d’entre eux répondirent froidement et s’en tinrent là. Le troisième fils interpréta le songe en disant qu’un homme convenable allait venir, ce qui réjouit beaucoup cette femme. [Le fils] pensait : “Les autres hommes sont indifférents, comment pourrais-je l’unir au général Zaigo[1]? “
Il le rencontra un jour où celui-ci était à la chasse. Sur le chemin, il prit son cheval par la bride et lui révéla son idée. Le général eut pitié de la femme et alla chez elle où il coucha.
Comme l’homme ne revenait plus, la femme se rendit à sa maison et l’observa à travers une fente de la clôture. L’homme l’apercevant composa ce poème
Pour être centenaires
Il ne leur manque qu’une année
À ces cheveux blancs en broussaille
Qui semblent épris de moi.
Leur image apparaît à mes yeux.
Voyant qu’il se disposait à sortir, la femme égratignée par les épines[2] retourna chez elle et se coucha. L’homme la regarda en cachette ainsi qu’elle avait fait [chez lui]. La femme soupira :
Sur mon étroite natte de paille
Étendant pour moi seule mon vêtement
Ce soir encore
Sans m’unir à l’homme que j’aime
Devrai-je dormir ?
Alors l’homme eut pitié d’elle et coucha ce soir-là avec elle. C’est une loi de ce monde que les gens pensent à ceux qu’ils aiment et qu’ils ne pensent pas à ceux qu’ils n’aiment pas, mais cet homme avait l’esprit ainsi fait qu’il ne faisait pas de différence entre ceux qu’il aimait et ceux qu’il n’aimait pas.