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L'astragale de Cassiopée
10 septembre 2012

Une voix du silence...

Ce blog va reprendre, à un rythme modéré, après l'interruption estivale liée au festival de musique de Pordic. Pour illustrer cette sortie du silence, voici un article du Los Angeles Times. Par les temps qui courent, c'est un beau message d'optimisme. J'espère vous le faire partager.

Eva et sa cyber-voix, par Deena Goldstone

9 septembre 2012

Il m'est apparu l'autre jour qu'il est de moins en moins nécessaire de parler. Pourquoi parler quand vous pouvez envoyer un SMS, tweeter ou e-mailer? Pourquoi prendre le téléphone lorsque Facebook met à jour pour vous tous les détails de la vie de vos amis? Il semblerait que la voix humaine devienne hors de propos, et j’en suis follement heureuse. Vous savez, j'ai une fille qui ne parle pas.

Quand Eva, qui va bientôt atteindre la trentaine, a eu 6 mois, nous avons reçu le diagnostic officiel de paralysie cérébrale. Ce n'était pas une surprise. L’accouchement était devenu soudain d’abord difficile, puis dangereux - un rythme cardiaque en baisse rapide, un bébé dans une détresse profonde, une césarienne d'urgence. Après avoir veillé sur elle avec impatience les trois semaines qu'elle a passées au e aux soins intensifs de l’unité néonatale de l'hôpital, on nous a dit de prendre notre fille à la maison et de «voir comment elle se développerait." Nous saurions bien assez tôt quels dommages le manque d'oxygène avait créé.

Au cours de ces premiers mois de désespoir, mon esprit était préoccupé par les scénarios catastrophiques. Saurait-elle jamais s'asseoir? Oui, s'est-il avéré. Saurait-elle marcher, s'habiller, manger par elle-même? Non, rien de tout cela, avons- nous réalisé comme elle grandissait.

Il m'a fallu un certain temps pour réaliser que j'avais laissé horsma liste de questions la plus fondamentale : mon beau bébé serait-il jamais capable de parler? Il était impossible d'imaginer le genre de vie qu'elle aurait si elle ne pouvait pas parler. Pour moi, l’absence de parole signifiait l’absence de communication. L’absence de communication signifiait : pas de lien humain. Pas de lien humain signifiait une vie sans joie. Mais je me trompais.

Grâce coup de chance, nous avons trouvé le Programme d'intervention pour les enfants handicapés de l’UCLA (Université de Californie Los Angeles), une école maternelle qui menait des expériences sur les moyens par lesquels de tout jeunes handicapés pourraient utiliser les ordinateurs. Eva s’y est mise tout de suite. Malgré l’usage limité qu’elle avait de ses mains, elle pouvait encore frapper sur un grand levier relié à un Apple IIe et jouer à un jeu ou, à notre grand étonnement, laborieusement épeler le mot qu'elle voulait "dire." Elle n'avait même pas 3 ans et par le miracle de l'ordinateur, elle nous disait qu'elle était intelligente, qu’en quelque sorte, elle avait appris à lire toute seule. Il n'y avait pas une personne sur la planète qui aurait pu prédire ça la nuit de sa naissance.

Eva a grandi ; la technologie aussi. Puis vint le Unicorn Board, qui prend la place du clavier d'un ordinateur. Il s'agit d'une grande tablette tactile qui contient l'alphabet. Avec son poing gauche, ma fille déterminée, son épaisse queue de cheval blonde se balançant au rythme de tous ses efforts, faisait pression sur les lettres qu'elle voulait et des phrases simples apparaissaient à l'écran. C'est alors que nous obtînmes son sourire magnifique : Maman, je l'ai fait!

Au moment où elle a eu 10 ans, l'effort requis pour utiliser le Unicorn Board a rendu impossible la communication sophistiquée. Mon mari, qui avait été forcé par les circonstances à devenir un maître en technologie, a inventé quelque chose qui s'appelle une HeadMouse, une façon pour Eva d’utiliser l'ordinateur avec sa tête plutôt que ses mains.

Nous avons placé un petit point argenté réfléchissant de la taille d'une gomme de crayon sur son front. Celui-ci s'interface avec un lecteur optique, perché en haut de l'écran, qui suit le point et traduit les mouvements de tête d'Eva en mouvements directement proportionnels d'une souris ordinaire.

Pour tout type d'écriture, comme le courriel ou le SMS, une réplique d'un petit clavier apparaît en bas de l'écran et Eva sélectionne chaque lettre en déplaçant la tête, pour une fraction de seconde calibrée, sur la touche dont elle a besoin. L'ordinateur lit "clic" et la lettre instantanément s'affiche sur l'écran.

Au fil des années, elle est devenue si rapide avec ce genre de "frappe" que la personne à l'autre bout de la connexion n'a aucun moyen de savoir qu'elle fait autre chose que de se servir de ses doigts sur un clavier.

Maintenant que la plupart des gens passent beaucoup de temps sur leur ordinateur ou iPad ou smartphones à saisir ce qu'ils veulent dire, lettre par lettre, c'est comme si le monde avait rattrapé le style de communication d'Eva. Ce phénomène est parvenu jusqu’à moi récemment, lorsque Eva a postulé pour un emploi.

L'annonce était en ligne. Elle l'a trouvé sur Craigslist . Les candidats étaient invités à soumettre des échantillons d'écriture ainsi que leurs applications. C’est ce qu’elle a fait. Cette société est une start-up Internet et toute sa communication passait via le Web. Eva posait sa candidature comme tout le monde. Sa capacité à écrire était le critère sur lequel ils jugeaient, pas sa capacité à parler ou à marcher dans une pièce. Et ils n'avaient aucune idée, et d’ailleurs ils s’en fichaient, de la façon dont elle avait écrit.

Parmi les 300 personnes qui avaient postulé, elle a été sélectionnée pour un stage rémunéré et m'a demandé de venir dans les bureaux de la société pour signer le contrat et rencontrer ses collègues de travail. Elle m'a appris la nouvelle comme elle était apparue par courriel, heureuse, un sourire glorieux répandu sur son visage.

Le courriel m'a donné à réfléchir. Toute les technologies qui rendaient sa vie et sa communication possibles ne pouvaient rien faire pour mener une telle réunion au succès. Je lui ai suggéré d'expliquer un peu son handicap dans un courriel de retour, et qu'il serait préférable de leur donner un signal (head's-up ?) avant d’entrer dans la pièce en fauteuil roulant, son grand infirmier à ses côtés. Elle a rédigé une note leur disant combien elle était heureuse de faire ce travail et qu'elle voulait qu'ils sachent qu'elle utilisait un fauteuil roulant. De plus , elle était convaincue que sa capacité à faire ce travail - écrire - n'était pas affectée par son handicap.

Voici, en partie, la réponse qu'elle obtint. "Eva, nous vous embauché en raison de votre capacité, et non de votre invalidité. Tout le monde est handicapé d’une manière ou d’une autre. Je pense que vous trouverez chez nous un environnement favorable et accueillant."

J'ai lu la réponse de l'entreprise les larmes aux yeux. Ce qu’elle me disait, c'est que ma fille, qui n'aura jamais prononcé un mot de sa vie, avait été entendue.

Deena Goldstone, scénariste, vit à Pasadena.

Copyright © 2012, Los Angeles Times

Source : Finding a voice for Eva  In a world of texting, tweeting and emailing, a woman with cerebral palsy can communicate despite being unable to speak. By Deena Goldstone http://www.latimes.com/news/opinion/commentary/la-oe-goldstone-technology-speech-20120909,0,4064272.story

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