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L'astragale de Cassiopée
27 novembre 2013

1. Quelques défis du monde actuel, décrits par le pape (extrait de l'EXHORTATION APOSTOLIQUE EVANGELII GAUDIUM

Après les exhortations à la guerre contre l'Iran d'un néoconservateur américain, un texte pontifical... Rassurez-vous, je n'ai pas viré ma cuti, mais ces textes me semblent aussi intéressants qu'inhabituels.J'ai graissé ce qui me paraissait le plus significatif. (Je n'ai pas tout lu, ça doit faire dans les 200 pages)

 

EXHORTATION APOSTOLIQUE EVANGELII GAUDIUM DU PAPE  FRANÇOIS AUX ÉVÊQUES  AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES AUX PERSONNES CONSACRÉES ET À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS SUR L'ANNONCE DE L'ÉVANGILE DANS LE MONDE D'AUJOURD'HUI

Evangelii Gaudium  : Exhortation Apostolique post-synodale sur l'annonce de l'Évangile dans le monde actuel (2013)[est publiée en Allemand,  Anglais,  Espagnol, Français, Italien,  Polonais,  Portugais] source : http://www.vatican.va/holy_father/francesco/apost_exhortations/index_fr.htm

 

1. Quelques défis du monde actuel

52. L’humanité vit en ce moment un tournant historique que nous pouvons voir  dans les progrès qui se produisent dans différents domaines. On doit louer les  succès qui contribuent au bien-être des personnes, par exemple dans le cadre de  la santé, de l’éducation et de la communication. Nous ne pouvons cependant pas  oublier que la plus grande partie des hommes et des femmes de notre temps vivent  une précarité quotidienne, aux conséquences funestes. Certaines pathologies  augmentent. La crainte et la désespérance s’emparent du cœur de nombreuses  personnes, jusque dans les pays dits riches. Fréquemment, la joie de vivre  s’éteint, le manque de respect et la violence augmentent, la disparité sociale  devient toujours plus évidente. Il faut lutter pour vivre et, souvent, pour  vivre avec peu de dignité. Ce changement d’époque a été causé par des bonds  énormes qui, en qualité, quantité, rapidité et accumulation, se vérifient dans  le progrès scientifique, dans les innovations technologiques et dans leurs  rapides applications aux divers domaines de la nature et de la vie. Nous sommes  à l’ère de la connaissance et de l’information, sources de nouvelles formes d’un  pouvoir très souvent anonyme.

Non à une économie de l’exclusion

53. De même que le commandement de “ne pas tuer” pose une limite claire pour  assurer la valeur de la vie humaine, aujourd’hui, nous devons dire “non à une  économie de l’exclusion et de la disparité sociale”. Une telle économie tue. Il  n’est pas possible que le fait qu’une personne âgée réduite à vivre dans la rue,  meure de froid ne soit pas une nouvelle, tandis que la baisse de deux points en  bourse en soit une. Voilà l’exclusion. On ne peut plus tolérer le fait que la  nourriture se jette, quand il y a des personnes qui souffrent de la faim. C’est  la disparité sociale. Aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité et  de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible. Comme conséquence  de cette situation, de grandes masses de population se voient exclues et  marginalisées : sans travail, sans perspectives, sans voies de sortie. On  considère l’être humain en lui-même comme un bien de consommation, qu’on peut  utiliser et ensuite jeter. Nous avons mis en route la culture du “déchet” qui  est même promue. Il ne s’agit plus simplement du phénomène de l’exploitation et  de l’oppression, mais de quelque chose de nouveau : avec l’exclusion reste  touchée, dans sa racine même, l’appartenance à la société dans laquelle on vit,  du moment qu’en elle on ne se situe plus dans les bas-fonds, dans la périphérie,  ou sans pouvoir, mais on est dehors. Les exclus ne sont pas des ‘exploités’,  mais des déchets, ‘des restes’.

54. Dans ce contexte, certains défendent encore les théories de la “rechute  favorable”,qui supposent que chaque croissance économique, favorisée par  le libre marché, réussit à produire en soi une plus grande équité et inclusion  sociale dans le monde. Cette opinion, qui n’a jamais été confirmée par les  faits, exprime une confiance grossière et naïve dans la bonté de ceux qui  détiennent le pouvoir économique et dans les mécanismes sacralisés du système  économique dominant. En même temps, les exclus continuent à attendre. Pour  pouvoir soutenir un style de vie qui exclut les autres, ou pour pouvoir  s’enthousiasmer avec cet idéal égoïste, on a développé une mondialisation de  l’indifférence. Presque sans nous en apercevoir, nous devenons incapables  d’éprouver de la compassion devant le cri de douleur des autres, nous ne  pleurons plus devant le drame des autres, leur prêter attention ne nous  intéresse pas, comme si tout nous était une responsabilité étrangère qui n’est  pas de notre ressort. La culture du bien-être nous anesthésie et nous perdons  notre calme si le marché offre quelque chose que nous n’avons pas encore acheté,  tandis que toutes ces vies brisées par manque de possibilités nous semblent un  simple spectacle qui ne nous trouble en aucune façon.

Non à la nouvelle idolâtrie de l’argent

55. Une des causes de cette situation se trouve dans la relation que nous avons  établie avec l’argent, puisque nous acceptons paisiblement sa prédominance sur  nous et sur nos sociétés. La crise financière que nous traversons nous fait  oublier qu’elle a à son origine une crise anthropologique profonde : la négation  du primat de l’être humain ! Nous avons créé de nouvelles idoles. L’adoration de  l’antique veau d’or (cf. Ex 32, 1-35) a trouvé une nouvelle et  impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de  l’économie sans visage et sans un but véritablement humain. La crise mondiale  qui investit la finance et l’économie manifeste ses propres déséquilibres et,  par-dessus tout, l’absence grave d’une orientation anthropologique qui réduit  l’être humain à un seul de ses besoins : la consommation.

56. Alors que les gains d’un petit nombre s’accroissent exponentiellement, ceux  de la majorité se situent d’une façon toujours plus éloignée du bien-être de  cette heureuse minorité. Ce déséquilibre procède d’idéologies qui défendent  l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière. Par conséquent,  ils nient le droit de contrôle des États chargés de veiller à la préservation du  bien commun. Une nouvelle tyrannie invisible s’instaure, parfois virtuelle, qui  impose ses lois et ses règles, de façon unilatérale et implacable. De plus, la  dette et ses intérêts éloignent les pays des possibilités praticables par leur  économie et les citoyens de leur pouvoir d’achat réel. S’ajoutent à tout cela  une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des  dimensions mondiales. L’appétit du pouvoir et de l’avoir ne connaît pas de  limites. Dans ce système, qui tend à tout phagocyter dans le but d’accroître les  bénéfices, tout ce qui est fragile, comme l’environnement, reste sans défense  par rapport aux intérêts du marché divinisé, transformés en règle absolue.

Non à l’argent qui gouverne au lieu de servir

57. Derrière ce comportement se cachent le refus de l’éthique et le refus de  Dieu. Habituellement, on regarde l’éthique avec un certain mépris narquois. On  la considère contreproductive, trop humaine, parce qu’elle relativise l’argent  et le pouvoir. On la perçoit comme une menace, puisqu’elle condamne la  manipulation et la dégradation de la personne. En définitive, l’éthique renvoie  à un Dieu qui attend une réponse exigeante, qui se situe hors des catégories du  marché. Pour celles-ci, si elles sont absolutisées, Dieu est incontrôlable,  non-manipulable, voire dangereux, parce qu’il appelle l’être humain à sa pleine  réalisation et à l’indépendance de toute sorte d’esclavage. L’éthique – une  éthique non idéologisée – permet de créer un équilibre et un ordre social plus  humain. En ce sens, j’exhorte les experts financiers et les gouvernants des  différents pays à considérer les paroles d’un sage de l’antiquité : «  Ne pas  faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur  enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs ».[55]

58. Une réforme financière qui n’ignore pas l’éthique demanderait un changement  vigoureux d’attitude de la part des dirigeants politiques, que j’exhorte à  affronter ce défi avec détermination et avec clairvoyance, sans ignorer,  naturellement, la spécificité de chaque contexte. L’argent doit servir et non  pas gouverner ! Le Pape aime tout le monde, riches et pauvres, mais il a le  devoir, au nom du Christ, de rappeler que les riches doivent aider les pauvres,  les respecter et les promouvoir. Je vous exhorte à la solidarité désintéressée  et à un retour de l’économie et de la finance à une éthique en faveur de l’être  humain.

Non à la disparité sociale qui engendre la violence

59. De nos jours, de toutes parts on demande une plus grande sécurité. Mais,  tant que ne s’éliminent pas l’exclusion sociale et la disparité sociale, dans la  société et entre les divers peuples, il sera impossible d’éradiquer la violence.  On accuse les pauvres et les populations les plus pauvres de la violence, mais,  sans égalité de chances, les différentes formes d’agression et de guerre  trouveront un terrain fertile qui tôt ou tard provoquera l’explosion. Quand la  société – locale, nationale ou mondiale – abandonne dans la périphérie une  partie d’elle-même, il n’y a ni programmes politiques, ni forces de l’ordre ou  d’intelligence qui puissent assurer sans fin la tranquillité. Cela  n’arrive pas seulement parce que la disparité sociale provoque la réaction  violente de ceux qui sont exclus du système, mais parce que le système social et  économique est injuste à sa racine. De même que le bien tend à se communiquer,  de même le mal auquel on consent, c’est-à-dire l’injustice, tend à répandre sa  force nuisible et à démolir silencieusement les bases de tout système politique  et social, quelle que soit sa solidité. Si toute action a des conséquences, un  mal niché dans les structures d’une société comporte toujours un potentiel de  dissolution et de mort. C’est le mal cristallisé dans les structures sociales  injustes, dont on ne peut pas attendre un avenir meilleur. Nous sommes loin de  ce qu’on appelle la “fin de l’histoire”, puisque les conditions d’un  développement durable et pacifique ne sont pas encore adéquatement implantées et  réalisées.

60. Les mécanismes de l’économie actuelle promeuvent une exagération de la  consommation, mais il résulte que l’esprit de consommation effréné, uni à la  disparité sociale, dégrade doublement le tissu social. De cette manière, la  disparité sociale engendre tôt ou tard une violence que la course aux armements  ne résout ni résoudra jamais. Elle sert seulement à chercher à tromper ceux qui  réclament une plus grande sécurité, comme si aujourd’hui nous ne savions pas que  les armes et la répression violente, au lieu d’apporter des solutions, créent  des conflits nouveaux et pires. Certains se satisfont simplement en accusant les  pauvres et les pays pauvres de leurs maux, avec des généralisations indues, et  prétendent trouver la solution dans une “éducation” qui les rassure et les  transforme en êtres apprivoisés et inoffensifs. Cela devient encore plus  irritant si ceux qui sont exclus voient croître ce cancer social qui est la  corruption profondément enracinée dans de nombreux pays – dans les  gouvernements, dans l’entreprise et dans les institutions – quelle que soit  l’idéologie politique des gouvernants.

Quelques défis culturels

61. Nous évangélisons aussi quand nous cherchons à affronter les différents  défis qui peuvent se présenter.[56] Parfois, ils se manifestent dans des attaques authentiques contre la liberté  religieuse ou dans de nouvelles situations de persécutions des chrétiens qui,  dans certains pays, ont atteint des niveaux alarmants de haine et de violence.  Dans de nombreux endroits, il s’agit plutôt d’une indifférence relativiste  diffuse, liée à la déception et à la crise des idéologies se présentant comme  une réaction contre tout ce qui apparaît totalitaire. Cela ne porte pas  préjudice seulement à l’Église, mais aussi à la vie sociale en général. Nous  reconnaissons qu’une culture, où chacun veut être porteur de sa propre vérité  subjective, rend difficile aux citoyens d’avoir l’envie de participer à un  projet commun qui aille au-delà des intérêts et des désirs personnels.

62. Dans la culture dominante, la première place est occupée par ce qui est  extérieur, immédiat, visible, rapide, superficiel, provisoire. Le réel laisse la  place à l’apparence. En de nombreux pays, la mondialisation a provoqué une  détérioration accélérée des racines culturelles, avec l’invasion de tendances  appartenant à d’autres cultures, économiquement développées mais éthiquement  affaiblies. C’est ainsi que se sont exprimés les Synodes des Évêques de  différents continents. Les évêques africains, par exemple, reprenant  l’Encyclique Sollicitudo rei socialis, il y a quelques années, ont  signalé que, souvent, on veut transformer les pays d’Afrique en simples « pièces  d’un mécanisme, en parties d’un engrenage gigantesque. Cela se vérifie souvent  aussi dans le domaine des moyens de communication sociale qui, étant la plupart  du temps gérés par des centres situés dans la partie Nord du monde, ne tiennent  pas toujours un juste compte des priorités et des problèmes propres de ces pays  et ne respectent pas leur physionomie culturelle ».[57] De la même manière, les évêques d’Asie ont souligné « les influences extérieures  qui pèsent sur les cultures asiatiques. De nouveaux modes de comportement  apparaissent par suite d’une exposition excessive aux médias […] Il en résulte  que les aspects négatifs des médias et des industries du spectacle menacent les  valeurs traditionnelles ».[58]

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Commentaires
K
*laisse sourre
K
Helena, bonsoir <br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour ces conseils de lecture et bonne soirée à vous<br /> <br /> <br /> <br /> Pour ceux qui lisent ce blog , pour les Pokémons par exemple /<br /> <br /> Ceux qui lisaient la Torah dans le Shtetl étaient certes privilégiés parce qu'instruits,mais<br /> <br /> les considérer comme des nantis,laissent sourdre une note un tant soit peu déplaisante ...<br /> <br /> Je n'aurai pas répondu à cela si je ne connaissais pas votre attente envers l'astragale.<br /> <br /> J'espère vous lire aussi...
K
Helena, bonsoir <br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour ces conseils de lecture et bonne soirée à vous<br /> <br /> <br /> <br /> Pour ceux qui lisent ce blog , pour les Pokémons par exemple /<br /> <br /> Ceux qui lisaient la Torah dans le Shtetl étaient certes privilégiés parce qu'instruits,mais<br /> <br /> les considérer comme des nantis,laissent sourdre une note un tant soit peu déplaisante ...<br /> <br /> Je n'aurai pas répondu à cela si je ne connaissais pas votre attente envers l'astragale.<br /> <br /> J'espère vous lire aussi...
E
Kara,<br /> <br /> à ce propos, Raphaël Draï — le 2ème volume de ses Topiques sinaïtiques, Principes d'économie politique biblique (mais je crois que je l'avais déjà mentionné ici, ainsi que qq commentaires des Pirqé Avot). <br /> <br /> Et dans un genre différent, mais présentant lui aussi l'avantage d'une vision à long terme, les travaux de Karl Polanyi.
J
La redistribution des richesses, la négation de la diversité, de l'inégalité, sont des bêtises dont s'occupent les nantis. Les autres ne théorisent pas : ils se battent.
L'astragale de Cassiopée
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