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L'astragale de Cassiopée
14 novembre 2013

La folie persistante de la bataille de la Somme 1er juillet 1916 par Adam Hochschild traduite en français

Veterans Day, quatre-vingt quinze ans plus tard

La folie persistante de la bataille de la Somme

Par Adam Hochschild


Dans un pays qui met à profit chaque occasion de célébrer ses «guerriers », beaucoup ont oublié que l’on fête aujourd'hui ce qui fut à l'origine un accord de paix. Le Veterans Day s’appelait à l'origine Armistice Day aux Etats-Unis et commémorait le cessez le feu qui, à 11 heures le 11 Novembre 1918, a mis fin à la Première Guerre mondiale.

Jusque-là, c’avait été la guerre la plus destructrice de l'histoire, avec un total de victimes civiles et militaires d'environ 20 millions. Des millions d'autres avaient été blessés, beaucoup ayant perdu les bras, ou les jambes, les yeux, les organes génitaux, et en raison du blocus naval des puissances centrales par les Alliés, des millions d'autres étaient aux bords de la famine : en moyenne les civils allemands ont perdu 20% de leur poids  au cours de la guerre.

Le monde stupéfait n’avait jamais rien connu de tel. Dans certains pays, des années plus tard, le 11 novembre, le trafic, les chaînes de montage, et même les machines minières souterraines s’arrêtaient à 11 heures pour deux minutes de silence, un silence souvent rompu, aux dires des témoins des années 1920, par le bruit des femmes en pleurs.

Comme la plupart des guerres , la guerre de 1914-1918 a débuté dans l'espoir d'une victoire rapide, elle a créé plus de problèmes qu'elle n'en a résolus, et elle a été ponctuée de moments de folie tragique. Après que les années ont passé, un cas en est venu à symboliser les illusions, la destructivité, l'orgueil, la mort inutile de toute la guerre - et des autres guerres depuis – c’est le premier jour de la bataille de la Somme.

Les préparatifs de cette bataille ont duré des mois : les généraux et leurs états-majors ont élaboré des plans dans les châteaux  qui leur tenaient lieu de quartiers généraux, les chevaux, les tracteurs, et des soldats en sueur ont mis des milliers de canons lourds de 13 tonnes en position ; des avions de reconnaissance ont analysé les lignes allemandes ; des colonnes sans fin de chariots de ravitaillement hippomobiles ont apporté des obus d'artillerie et des munitions de mitrailleuse en première ligne, des centaines de milliers de soldats de l'autre côté de l'Empire britannique, des îles Orcades au Punjab, ont occupé les tranchées de première ligne, les tranchées de réserve, et les bases de soutien à l'arrière. Tout ça en préparation de la grande offensive qui allait certainement changer le cours de la guerre. Et puis finalement, le premier juillet 1916, précédée par le bombardement le plus massif jamais tiré par l'artillerie britannique, la bataille a commencé.

On peut voir les résultats de la première journée de la bataille dans des dizaines de cimetières militaires répartis dans ce coin de la France, mais peut-être le plus frappant est un des plus petits, sur une colline, caché dans un bosquet d'arbres. Chaque pierre tombale a un nom, un grade et un numéro de série ; 162 ont croix et un une étoile de David. Lorsqu’il est connu, un âge est gravé sur la pierre : 19, 22, 23, 26, 21, 20, 34. Sur dix de ces tombes figure simplement, « un soldat de la Grande Guerre, connu de Dieu seul ».

Presque tous les morts sont du Devonshire Regiment de Grande-Bretagne, et la date sur leurs pierres tombales est : 1er Juillet, 1916. La plupart ont été victimes d'une seule mitrailleuse allemande située à plusieurs centaines de mètres de cet endroit, et ils ont été enterrés ici dans une section de la tranchée de première ligne, dont ils étaient sortis le matin. Le capitaine Duncan Martin, 30 ans, commandant de la compagnie et un artiste dans la vie civile, avait fait un modèle en argile du champ de bataille à travers lequel les Britanniques avaient prévu d'attaquer. Il a prédit l'endroit exact où lui et ses hommes viendraient sous le feu de la mitrailleuse lorsqu’ils apparaîtraient sur un coteau découvert. Lui aussi est là, l'un des quelques 21.000 soldats britanniques tués ou mortellement blessés le jour du plus grand carnage de tous les temps de l'armée de leur pays.

RÊVES DE VICTOIRE RAPIDE

Dans presque toutes les guerres, semble-t-il, la prochaine offensive planifiée est considérée comme la grande percée, le choc écrasant et décisif qui ouvrira la voie à la victoire rapide. En 1916, au milieu de la Première Guerre mondiale, les troupes des deux camps étaient embourbées depuis près de deux ans dans les lignes de tranchées qui s’étendaient dans le nord de la France et dans un coin de Belgique. Les barbelés et les mitrailleuses avaient rendu impossible la guerre de mouvement spectaculaire et les charges de cavalerie glorieuses dont les généraux des deux côtés avaient rêvé.

Pour mettre fin à cette impasse frustrante, l'armée britannique avait prévu une énorme offensive à partir d'un point situé près de la Somme, là où ses eaux herbeuses serpentent lentement parmi les champs de blé et de betteraves à sucre de France. Une avalanche de matériel a commencé à se déverser dans la région pour équiper le demi-million de soldats de l'Empire britannique concernés, dont 120.000 devaient attaquer dès le premier jour. Ce devait être le « Big Push », une concentration d’hommes et d'artillerie si massive et si concentrée sur un petit espace que les défenses allemandes allaient être englouties, comme si elles frappées par les inondations.

Une fois les Allemands débordés à la baïonnette dans leurs tranchées, ce serait une question de ce que le général Douglas Haig, le commandant en chef britannique, appelait « combattre l'ennemi en plein air », de sorte que les bataillons ont été instruits de manière intensive à manœuvrer à travers des prés dépourvus de tranchées. Enfin, bien sûr, dévalant à travers l'espace entre les lignes viendrait la cavalerie, la valeur de trois divisions. Après tout, les glorieuses charges de cavalerie n’avaient-elles été un élément décisif dans la guerre depuis des millénaires ?

Les troupes ont déroulé 70,000 miles (112 000km) de câbles téléphoniques. Des milliers d'autres ont déchargé et empilé des munitions dans d'immenses réserves, torse nu, étouffant dans la chaleur de l'été, ils ont creusé sans relâche pour construire des routes spéciales afin d’accélérer la fourniture de matériel aux lignes avant. On a construit une nouvelle ligne ferroviaire à voie normale de cinquante-cinq miles (88 km). Avec autant de soldats britanniques entassés dans la zone du lancement de l’offensive que la population d'une ville de bonne taille, de nouveaux puits ont dû être forés et des dizaines de miles de conduites d'eau posées. Aucun détail n'avait été oublié.

Les troupes britanniques, selon le plan, iraient vers l'avant à travers le no man's land par vagues successives. Tout était précis : chaque vague avancerait en une ligne continue 100 mètres devant la suivante, à un rythme régulier de 100 mètres à la minute. Comment les mettre à l'abri des tirs allemands de mitrailleuses ? Simple : le bombardement d'artillerie préliminaire à l’assaut détruirait non seulement les barbelés allemands, mais aussi les bunkers qui abritaient leurs mitrailleuses. Comment pourrait-il en être autrement alors qu’il y avait une pièce d'artillerie tous les 15 mètres de la ligne d’avant, qui ferait pleuvoir au total un million et demi d’obus sur les tranchées allemandes ? Et si cela ne suffisait pas, une fois les troupes britanniques sorties de leurs tranchées, au final un «feu roulant » d’obus les précéderait, un rideau mobile de feu criblant de shrapnells (d'éclats) les Allemands survivants qui émergeraient de leurs abris souterrains pour tenter de combattre.

Le plan de l'attaque de la première journée du 1er Juillet 1916, était long de 31 pages et la carte comportait les noms britanniques avec lesquels les tranchées allemandes avaient déjà été rebaptisées. Des préparatifs de cette envergure étaient difficiles à cacher, et il y avait parfois des signes énervants que les troupes allemandes en savaient presque autant que les Britanniques. Lorsqu’une unité se mit en position, elle trouva un panneau qui s'élevait au-dessus des tranchées allemandes : BIENVENUE À LA 29ÈME DIVISION.

Plusieurs semaines avant l'attaque, 168 officiers diplômés d'Eton se réunirent pour un dîner d’« Old Etonians » à l'Hôtel Godbert à Amiens, une ville française située derrière les lignes. En latin, ils portèrent un toast à leur alma mater [1]- « Floreat Etona ! » - et ils entonnèrent la chanson de l'école , « Carmen . Etonense » Les hommes de troupe se divertissaient par d'autres moyens . La scène bouleversante d’un film documentaire datant de ces derniers mois, pris d'une péniche de la Croix- Rouge descendant un canal derrière les lignes, montre des centaines de soldats alliés complètement nus, pataugeant, se baignant ou bronzant sur la berge du canal, souriant et faisant signe à la caméra. Sans casques ni uniformes, il est impossible de dire leur nationalité, leurs corps nus ne portent la seule marque d’êtres humains.

Montant un cheval noir et avec son escorte habituelle de lanciers, le général Haig inspectait ses divisions alors quelles répétaient leurs attaques sur les terrains d'entraînement où des bandes blanches sur le sol représentaient les tranchées allemandes. Le 20 Juin, le commandant en chef écrivait à sa femme : « La situation nous est de plus en plus favorable ». Le 22 Juin il ajoute, «Je pense que chaque étape de mon plan a été établie avec l'aide divine ». Le 30 juin, alors que le grand barrage d'artillerie tonnait depuis cinq jours, Haig a écrit dans son journal : « les hommes sont dans un état d’esprit splendides .... Le fil [barbelé] n'a jamais été aussi bien coupé, ni la préparation d'artillerie si complète ». Pour faire bonne mesure, les Britanniques libérèrent des nuages de gaz de chlore mortel vers les lignes allemandes.

Comme on s’approchait de l’heure zéro, fixée à 7h30 le 1er juillet, les hommes firent exploser dix énormes mines plantées par les sapeurs britanniques dans un tunnel profond sous les tranchées allemandes. Près du village de La Boisselle, le cratère à partir de l'une d’entre elles demeure, une lourde indentation béante dans la campagne environnante ; même partiellement remplie après un siècle d' érosion, le trou fait toujours 55 pieds (16,50 mètres) de profondeur et 220 pieds (66 mètres) de large.

Lorsque le barrage d'artillerie atteignit son apogée, 224 221 obus dans les soixante-cinq dernières minutes, le grondement se fit entendre d'aussi loin que Hampstead Heath à Londres. Plus d'obus furent tirés par les Britanniques cette semaine-là que dans l'ensemble des douze premiers mois de la guerre, certains artilleurs saignaient des oreilles après sept jours de feu ininterrompu. Dans une forêt près de Gommecourt, des arbres entiers furent déracinés et projetés en l'air par les bombardements et la forêt elle-même a pris feu.

Les soldats du Premier d’Infanterie légère du Somerset étaient assis sur le parapet de leur tranchée, acclamant les explosions énormes. Les officiers distribuèrent une forte ration de rhum aux hommes qui allaient pénétrer dans le no man's land. Le capitaine W.P. Nevill du huitième bataillon de l’East Surrey a donné à chacun de ses quatre pelotons un ballon de football et a promis une récompense au premier qui lancerait le ballon dans la tranchée allemande . Un peloton peignit sur son ballon la légende :

GRANDE COUPE D'EUROPE
FINALE
EAST SURREYS c. BAVAROIS

Partout dans les îles britanniques, des millions de gens savaient qu’une grande offensive allait commencer. « L'hôpital a reçu des instructions pour dégager tous les convalescents et se préparer à une arrivée massive de blessés », se souvient l'écrivain Vera Brittain, qui travaillait comme aide-soignante à Londres. « Nous savions que déjà un énorme bombardement avait commencé, car nous ne pouvions sentir la vibration des canons ... Heure après heure, comme les convalescents partaient, nous avons ajouté des longues rangées de lits d'attente, si sinistres dans leur vide blanc en attente ».

« DIEU, MON DIEU, OÙ EST LE RESTE DES GARS ? »

Haig attendait avec impatience dans son quartier général avancé au Château de Beauquesne, à 10 miles (16 km) derrière le champ de bataille. Alors, après une semaine entière de feu ininterrompu, les canons britanniques brusquement se turent.

Quand les sifflets ont retenti à 7h30, les vagues successives de soldats ont commencé leur progression prévue de 100 mètres-à-la-minute. Chaque homme se déplaçait lentement avec plus de 60 livres (27 kg) de barda - 200 cartouches, des grenades, des pelles, la nourriture et l'eau pour deux jours, et plus encore. Mais quand les soldats escaladèrent les échelles de tranchées et passèrent le parapet, ils découvrirent rapidement quelque chose d’épouvantable. Les multiples ceintures de barbelés devant les tranchées allemandes et les emplacements de mitrailleuses bien fortifiées étaient encore largement intactes.

Les officiers en regardant à travers leurs jumelles périscopiques l’avaient déjà soupçonné. Les plans pour une attaque, cependant, ont une fois lancés, une inertie formidable, et rare est le commandant prêt à reconnaître que quelque chose va mal. Annuler une offensive nécessite du courage, car le général qui le fait risque d'être pris pour un lâche. Haig n’était pas un tel homme. Les sifflets retentirent, les hommes applaudirent, la compagnie du capitaine Nevill de l'Est Surreys lança ses quatre ballons de football. Les soldats espéraient rester en vie - et rêvaient parfois de quelque chose de plus : les troupes du Premier Régiment de Terre-Neuve savaient qu'au pays une jeune femme de la haute société avait promis d'épouser le premier homme dans le régiment qui gagnerait la plus haute distinction de l'Empire, la Victoria Cross.

La semaine de bombardements s'est révélée avoir été impressionnante surtout par le bruit. Plus d'un obus britannique sur quatre ont raté et se sont enfouis dans la terre, explosant, peut-être, lorsqu'il sera heurté plus tard par la charrue d’un agriculteur français malchanceux nombre d'années ou de décennies plus tard. Deux tiers des obus étaient des obus à éclats (shrapnells), pratiquement inutiles pour détruire des nids de mitrailleuses en acier et en béton armé ou en pierre. Pas plus qu’ils ne pourraient, avec leurs éclats, dispersant des billes d'acier léger, détruire les lignes denses de barbelés allemands, épais de plusieurs pieds, sauf à éclater juste à la bonne hauteur. Mais les fusibles étaient redoutablement peu fiables et généralement ils n’explosaient qu’après s’être déjà enfoncés en terre, ne détruisant pas grand chose et incorporant tellement métal dans le sol que les soldats tentant de se diriger dans l'obscurité ou la fumée se trouvaient parfois avec leurs boussoles hors service .

Les obus britanniques restants étaient hautement explosifs, qui pouvaient bien détruire un nid fortifié de mitrailleuse allemand, mais seulement s’ils frappaient avec une extrême précision. Avec des canons tirant de plusieurs miles de distance, c’était presque impossible. Les serveurs de mitrailleuses allemands avaient attendu le bombardement dans des puits descendant jusqu’à 40 mètres sous terre et alimentés en électricité, en eau et ventilés. Dans l'un des rares endroits où les troupes britanniques atteignirent la ligne de front allemande le 1er juillet, ils trouvèrent dans un puits la lumière électrique encore allumée .

Inexplicablement, une mine souterraine avait explosé sous les lignes allemandes 10 minutes avant l'heure zéro, un signal clair que l'attaque allait commencer. Puis, comme un dernier avertissement, les mines restantes sautèrent à 07h28 , suivies d'une attente de deux minutes pour permettre aux débris – soufflés à des milliers de pieds en l'air - de retomber à terre avant que les troupes britanniques sortent de leurs tranchées pour avancer. Ces deux minutes donnèrent aux mitrailleurs allemands le temps remonter en courant les échelles et les escaliers de leurs puits et de rejoindre leurs postes fortifiés, environ un millier dans le secteur de la ligne attaquée. Pendant ces deux minutes, les Britanniques purent entendre les clairons appelant les fusiliers et les mitrailleurs allemands à rejoindre leurs positions.

« Ils arrivaient à un rythme régulier et facile comme s'ils s'attendaient à ne rien trouver de vivant dans nos tranchées de première ligne », ainsi se souvient un soldat allemand de l'avance britannique. «  ... Quand le premier la ligne britannique a été à moins de 100 mètres, le bruit des mitrailleuses et des tirs de fusil [ allemands ] ont éclaté sur toute la ligne ... Des fusées rouges se sont élevées dans le ciel bleu pour donner le signal à l'artillerie, et immédiatement après, une masse d'obus venant des batteries allemandes à [l’] arrière a déchiré l'air et éclaté entre les lignes qui avançaient ».

Les Allemands, comme les Britanniques, avaient beaucoup de pièces d'artillerie ; celles-ci étaient sous des filets de camouflage et n'avaient tout simplement pas été utilisés pendant des semaines précédentes, afin de ne pas révéler leurs positions aux avions britanniques. Maintenant, ils tiraient leurs shrapnels meurtriers, dont les Allemands pouvaient voir les effets : « Tout au long  de la ligne on pouvait voir des hommes jetant leurs bras en l'air en s'effondrant pour ne plus jamais bouger. Les blessés graves se roulaient sur eux-mêmes dans leur agonie ... avec ... des appels à l'aide et les derniers râles de la mort ».

Les plans de marche ordonnée en ligne de front vers l'avant furent rapidement abandonnés alors que les hommes se séparaient en petits groupes pour chercher l'abri des buttes et des trous d’obus. Mais il n'était pas question pour les troupes britanniques durement touchées de retourner en arrière, car chaque bataillon avait des soldats désignés comme « police de bataille », poussant les retardataires vers l’avant. « Quand nous sommes arrivés au barbelé allemand j'ai été absolument stupéfait de le voir intact, après ce qu’on nous avait dit », se souvient un soldat britannique. « Le colonel et moi nous sommes mis à couvert derrière une petite butte, mais après un peu le colonel lui-même s’est soulevé sur les mains et les genoux pour mieux voir. Immédiatement, il a été frappé au front d’une seule balle ».

Parce que le bombardement d'artillerie avait si peu détruit les barbelés, les soldats britanniques devaient se tasser pour passer à travers les quelques interstices qu'ils pouvaient y trouver - devenant une cible encore plus évidente. Beaucoup de soldats sont morts lorsque leurs vêtements, en particulier les kilts des Ecossais, se sont pris dans les barbelés. « Il n’y en a que trois dans notre compagnie à être passés » rappelle un soldat du quatrième bataillon écossais de Tyneside. «C’était mon lieutenant, un sergent et moi-même .... L'officier a dit : «Dieu, mon Dieu, où est le reste des gars ? "

Le fameux « feu roulant » glissa vers l'avant selon l’horaire fixé - et il a ensuite continué à glisser inutilement dans le lointain, longtemps après que les troupes britanniques qui étaient censés suivre derrière sa couverture avait été accrochées par les enchevêtrements de barbelés allemands intacts. La cavalerie attendait derrière les lignes britanniques, mais en vain. Certains de ceux qui avaient survécu dans le no-man's land essayèrent, à la nuit tombée, de ramper vers leurs propres tranchées, mais même alors, le feu continuel des mitrailleuses allemandes envoyait des gerbes d'étincelles lorsque que les balles frappaient les barbelés britanniques.

Sur les 120.000 soldats britanniques partis au combat le 1er juillet 1916, plus de 57.000 étaient morts ou blessés avant la fin du jour - près de deux victimes par mètre de ligne de front ; 19.000 avaient été tués, la plupart d'entre eux dans la désastreuse première heure, et environ 2.000 de plus mourraient plus tard dans les postes de secours et les hôpitaux. Il y avait environ 8000 victimes allemandes. Parce qu'ils avaient conduit leurs troupes hors des tranchées, le bilan fut le plus lourd parmi les officiers qui avaient pris part à l'attaque, les trois quarts d'entre eux tués ou blessés. Il s'agit notamment ceux qui avaient assisté au dîner des « Old Etonians » quelques semaines avant : plus de 30 anciens d’Eton hommes perdirent la vie le 1er juillet. Le capitaine Nevill du Surreys -Orient, qui avait distribué les ballons de football, mourut d’une balle dans la tête reçue dans les premières minutes .

Le premier Régiment de Terre-Neuve, celui qui attendait son récipiendaire de la Victoria Cross et la jeune femme qui s'était promise en récompense, a été pratiquement anéanti. Des 752 hommes qui sortirent de leurs tranchées pour avancer vers les ruines du squelette d'un verger de pommiers sous le feu d’une mitrailleuse allemande, à la fin de la journée, 684 étaient morts, blessés ou disparus, parmi lesquels la totalité des officiers. Les troupes allemandes que ceux de Terre-Neuve avaient attaquées ne subirent pas une seule victime .

Les soldats attaquants avaient reçu l'ordre de ne pas s’occuper des camarades blessés, mais de les laisser pour les brancardiers qui suivraient. Parmi les morts et les blessés, cependant, se comptaient des centaines de brancardiers eux-mêmes, et il n'y avait de loin pas assez d'hommes pour transporter les blessés graves à des postes de premiers secours dans le temps. Les civières manquaient, certains blessés furent portés à deux sur un brancard ou sur des feuilles de tôle ondulée dont les bords ravageaient les doigts des porteurs. De nombreux blessés qui avaient survécu à la première journée ne quittèrent jamais le champ de bataille. Pendant des semaines après leurs camarades sont tombés sur eux dans des trous d'obus, où ils avaient rampé pour s’abriter, pris leurs Bibles de poche, et s’étaient enveloppés dans leurs tapis de sol imperméables pour mourir, dans la douleur et seuls.

À d'autres égards aussi, cette terrible journée a prélevé son tribut après les faits. Un commandant de bataillon, le lieutenant-colonel ETF Sandys, après avoir vu plus de 500 de ses hommes tués ou blessés au cours de cette journée, a écrit à un collègue deux mois plus tard, « je n'ai jamais eu un moment de paix depuis le 1er juillet ». Puis, dans une chambre d'hôtel à Londres, il s'est tiré une balle.

UNE TRANCHÉE CALME

Gravés sur une plaque de pierre dans le petit cimetière où reposent les victimes du Devonshire Regiment lors de cette journée, on trouve les mots que les survivants ont gravé sur un panneau en bois alors qu’ils enterraient leurs morts :

LES DEVONSHIRES TENAIENT CETTE TRANCHÉE

LES DEVONSHIRES LA TIENNENT POUR TOUJOURS

Dans le livre d’or du cimetière, sur quelques pages l'encre des noms et des remarques a été salie par des gouttes de pluie - ou était-ce des larmes ? « Payé nos respects à trois de nos concitoyens » « Dormez, les gars ». « N'oublions jamais. » « Merci, les mecs ». « Grand-oncle merci, repose en paix ». " .

Un seul visiteur donne un accent différente : «Plus jamais ça ».


 



[1] Université (litt : mère nourricière)

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