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L'astragale de Cassiopée
9 novembre 2013

À la Recherche du Temps Perdu : Marcel Proust au cinéma

Comme annoncé sur près, loin, le blog de Paul edel, voiciune version française de l'article de Peter Bradshaw sur les adaptations de Proust au cinéma. La traduction a été faite rapidement, à la google, puis revue tant bien que mal. Je ne pensais pas que l'article du Guardian serait écrit dans une langue aussi complexe. Quoi qu'il en soit, ça en ne une idée, et comme d'habitude, la v.o. est dans les commentaires

J-o

 

À la Recherche du Temps Perdu : Marcel Proust au cinéma

C'est il y a 100 ans que le premier volume de la Recherche du Temps Perdu a été publié , mais une adaptation cinématographique définitive du roman épique (epic novel  ???) de Proust reste jusqu'à présent insaisissable.

Peter Bradshaw

theguardian.com ,

Jeudi, 7 Novembre 2013 15.20 GMT

                            

Cette année a été ponctuée par une éruption de livres et d’articles anticipant le centenaire de la première guerre mondiale, et en effet tentant de prendre des instantanés de ce à quoi l'Europe ressemblait et ce qu’elle ressentait en 1913, étrangement posé sur le précipice. L'autre centenaire est semblable à bien des égards : le 8 Novembre 1913, Marcel Proust a publié le premier volume de la Recherche du Temps Perdu, son roman monumental sur la mémoire, la mortalité et l'art, la Belle Époque, et les classes aisées et aristocratiques de Paris , une ville bourrée dans les pages de Proust de personnalités plus vives et extraordinaires, destinées à être emportées par la Grande Guerre.

Il ya quatorze ans , à Cannes , j'ai vu la superbe adaptation à l'écran par Raúl Ruiz du volume final : Le Temps retrouvé, dans lequel le narrateur, Marcel, est réuni avec ces personnes après une longue période loin de Paris pour cause de mauvaise santé. Il les trouve tous considérablement vieillis, sur le point de faire leurs derniers pas de la danse de mort, mais il ressent aussi le pouvoir mystérieux de l'art de recouvrer ce que le temps a emporté. À ma honte, j'ai écrit non sans légèreté (slightingly) du film à l'époque. Peut-être étais-je dyspeptique, pas habitué à la tradition cannoise de commencer sa journée de spectateur de film à 8h30, ou peut-être étais-je simplement ignorant et immature.

En fait, le problème était tout simplement que je n'avais pas lu le livre. Je me suis mis à faire, et je suis devenu accro - puis intrigué par l'histoire mouvementée de Proust sur pellicule, et par ce que cela implique quant aux limites de l'adaptation à l'écran. Il se pourrait que Proust adaptations soient uniques en ce sens qu'elles doivent vraiment être vécues comme un complément du roman.

Mon compatriote le critique David Sexton a suggéré aux lecteurs de s'atteler à l'original - avec un dictionnaire français - anglais si nécessaire. Je suis resté loin de cet idéal, m'en tenir à la traduction de Everyman : c'est-à-dire, la révision par DJ Enright de la traduction de Terence Kilmartin/CK Scott Moncrieff, qui ont popularisé le titre In Search of Lost Time (littéralement à la recherche du temps perdu), par opposition à Remembrance of things past dérivée de Shakespeare. C'est dans les articles de David, avant que je commence le livre, que j'ai lu le dénigrement du cinéma par Proust : . « Certains critiques regardent maintenant le roman comme une sorte de procession de choses sur l'écran d'un cinématographe. Cette comparaison est absurde. Rien n'est plus éloigné de ce que nous avons réellement perçu que la vision que le cinématographe en présente »[1]. Bien que , relisant ce passage , il me semble maintenant que ce n'est pas une révocation claire du cinéma en tant qu’art.

Donc, un cinéaste doit-il essayer d'englober l'ensemble, cette chose gigantesque ? Ou est-ce que la concurrence de Résumer Proust des Monty Python? (Or is that like Monty Python's Summarise Proust competition? pas saisi l’allusion J-o) Le metteur en scène, à l'inverse, doit-il s'en tenir à un seul volume? Ou y a-t-il quelque chose d’insatisfaisant et de déroutant à ce sujet, en ce que cela détache les personnages du contexte, ce qui les rend encore plus difficiles à garder en mémoire ? Tenter l’ensemble, c’est faire tenir un gallon dans un pot d'un litre. Ne traiter qu’un volume c’est une pinte dans un pot d'un litre.

Dirk Bogarde , qui avait été approché à la fois par Luchino Visconti et par Joseph Losey afin de jouer dans leurs différents projets de Proust voués à l’échec, a écrit que le public - les laïcs non-proustiens - serait perplexe en tout cas : « Vont-ils savoir qui est qui ou quoi est quoi? " C'est une bonne question.

En l'état, la seule tentative d’une adaptation théâtrale complète, classique est une version un peu bizarre pour la télévision française, datant de 2011, adaptée pour l'écran et réalisée par Nina Companeez. Le tout est réduit à deux épisodes de long métrage, il balaie le passé comme un soap opera pour après-midi venteux. Le premier et le plus célèbre volume, du côté de chez Swann, est réduit à presque rien, Swann lui-même - l'esthète et collectionneur dont la vie et l'amour obsessionnel font une telle impression sur Marcel, et dont le judaïsme est au centre des observations de Proust sur l'antisémitisme et l'affaire Dreyfus - est réduit à un camée. Sa maîtresse devenue épouse Odette disparaît entièrement de l'histoire. Mischa Lesca, qui joue le jeune narrateur Marcel, a un look guindé, pop-eyed ????- bien que ses difficultés soient celles de n'importe quel acteur dans ce rôle. Est-ce que vous vous attendiez à transmettre le riche matériau textuel dense de l'écriture de Proust, avec des expressions faciales gurning ?????

Mis à part cela, le scénariste (et nécrologue du Guardian) Ronald Bergan a écrit au sujet de sa participation à un projet vidéo massif, ouvert, visant à englober l'ensemble du livre, intitulé Le Baiser De La Matrice de Véronique Aubouy, dans lequel des milliers de personnes liront chacune une seule page du roman de Proust face à la caméra dans le lieu de leur choix.

En fait , les trois films de Proust importantes qui ont vu la lumière du jour, ou plutôt la lumière du projecteur de film, sont des adaptations d’un seul volume : Un amour de Swann de Volker Schlöndorff ( 1984), basé sur le premier volume ; Le Temps Retrouvé de Ruiz (1999), basé sur le dernier, et la Captivede Chantal Akerman (2000), basée sur le cinquième volume, la Prisonnière, dans lequel Marcel invite la belle et jeune Albertine à vivre avec lui dans l'appartement familial.

Avant cela, l'histoire du cinéma est jonchée de coûteux et navrants échecs proustiens. Le paysage est parsemé de manière invisible de costumes et de décors inutilisés. L’acttrice et productrice Nicole Stéphane (à la ville la baronne Nicole de Rothschild), après avoir acquis les droits au début des années 1960, a tenté sans succès d'intéresser François Truffaut à filmer Du côté de chez Swann. Ensuite, est apparu Visconti, un candidat plus plausible, que l'on disait avoir avec lui en permanence un exemplaire de Proust, relié de cuir rouge. Finalement, Visconti a abandonné le film, peut-être dépassé par la tâche et peut-être secrètement terrifié par l'humiliante possibilité de se tromper – bien qu’il ait eu ses moments « proustiens » dans Le Guépard (1963), avec sa scène finale de bal et Mort à Venise (1971), dans lequel les séquences de l'Hôtel des Bains du Lido ressemblent à ceux de Balbec dans le roman de Proust.

Dans les années 1970, ce fut au tour de Losey, qui d'une manière similaire a dû abandonner ses plans pour l’ensemble lorsque les fonds se sont taris. Mais son A La Recherche du Temps Perdu (1972) est un grand film perdu, ou un film fantôme, ou un film imaginaire, parce que, en 1978, Harold Pinter a publié le scénario que Losey lui avait commandé, et il est fascinant de lire ça tout en essayant de « jouer » le film dans sa tête. Le temps de projection était estimé à un peu moins de quatre heures, ce qui représente environ le temps de lecture[2]. Tous les metteurs en scène devraient peut-être créer un projet sans producteur comme le Proust de Losey/Pinter, un film que les téléspectateurs doivent se fabriquer eux-mêmes.

Le scénario de Pinter est une audacieuse et radicale compression, ou une distillation : toute la richesse textuelle et l'amplitude se sont évaporées, et on se retrouve avec une reconfiguration audacieuse, une série de brillants aperçus fragmentaires. C'est une lecture brillante et très « pinteresque » de Proust, avec une véritable passion pour l’œuvre. La biographie de Losey par David Caute cite de façon amusante un non-bailleur de fonds ironisant : «C'est l'âge des Gene Hackman et des Barbra Streisand. Il n'y a pas de rôle pour eux ici. ». En fait, étant donné le grand succès de John Malkovich dans Le Temps Retrouvé de Ruiz dans le rôle du baron de Charlus, un jouisseur acariâtre et snob, je ne suis pas si sûr ; Hackman aurait pu faire un bon, un tatillon docteur Cottard.

Swann in Love de Schlöndoff (1984) est la tentative la plus conventionnelle, et pour ceux qui ne connaissent pas le livre le film le plus accessible et le plus explicable. C'est une adaptation joliment meublée, bien rembourrée du premier volume, Du côté de chez Swann, qui traite de la liaison de Swann avec la courtisane Odette, et qui en fait un drame autonome de l'amour obsessionnel. Jeremy Irons joue Swann l'élégant célibataire avec aisance et distinction, et son succès lui a valu sans doute plus tard des rôles similaires, mais moins intéressants de dilettantes épicuriens dans Fatale de Louis Malle (1992) et Lolita d'Adrian Lyne (1997).

Irons est particulièrement bon à la fin , quand il est plus âgé et fragile : cette adaptation utilise la séquence de la fin du troisième volume, Le Côté de Guermantes , quand Swann doit dire à la duchesse de Guermantes qu'il n’ira pas à Venise avec elle parce qu'il est en train de mourir. Mais une grande palette de nuances se perdent en détachant Swann de l'histoire de Marcel et de Gilberte, et même de celle de Marcel et Albertine ; en outre la distribution semble discutable aujourd'hui : Ornella Muti n'est pas particulièrement intéressante danse Odette, et Alain Delon en moustachu a l’air conscient de lui et contraint en Charlus bouc ? (the goatish Charlus). Pourtant, le film est enlevé et ne manque pas d’allure, et c'est peut-être l'heure de gloire d’Irons.

Le Temps retrouvé de Ruiz (1999 ) est un film merveilleux à revoir : une reconstitution du volume final, Le Temps Retrouvé. À certains moments, c'est comme un ballet expressionniste, ou comme un spectacle de lanterne magique incroyablement sophistiqué, ou un théâtre de marionnettes. Ruiz relie presque sans césure le passé et le présent et, comme avec ses Mystères de Lisbonne (2010), parvient également à créer un style cinématographique en phase avec le prétérit littéraire. La chorégraphie de ses mouvements de caméra est aussi audacieuse et fluide que celle de Max Ophüls, mais vertigineusement compliquée du fait qu’elle voit des pans entiers de la distribution dans les scènes de groupe se déplacer comme les chiffres sur une boîte à musique complexe qui prend vie quand on la remonte.

L'acteur italien Marcello Mazzarella se sort bien du rôle difficile de Marcel lui-même : dans une scène, transporté par une performance musicale, il incline la tête, avec une main sur la joue, afin de rappeler la célèbre photo de l'auteur. Tout en marchant avec Gilberte, jouée par Emmanuelle Béart, Marcel est surpris par un orage et le couple doit se mettre à couvert. C'est un moment fascinant d’artifice. L’éclair dans leurs visages semble avoir été réalisé avec une simple lumière derrière la caméra, et la "feuille" mince de pluie semble aussi artificielle que traditionnellement dans les films. Pourtant, l'artifice est absolument assuré et évoque une qualité truquée (fabricated), l'animation d'une planche de couleur dans un livre, créée par la mémoire et dirigée par l'art.

Mazzarella est éclipsé par certaines performances remarquables. Pascal Greggory est imbattable en tant que Robert Saint-Loup le vieil ami de Marcel, et personne ne pourrait être meilleur que Malkovich en baron de Charlus, libertin homo. Il saisit toutes les qualités du personnage, la désapprobation acide etméticuleuse, l'affirmation ouverte de sa richesse et de son pedigree, la prétention, la décadence et l’orgueil d'un jouisseur et satiriste. Son déclin dans l'extrême vieillesse est un tour de force d'acteur. Il est impossible d'oublier son salut dédaigneux et méprisant à une dame dans la rue - presque plié en deux. Cependant, sûrement la prestance naturelle de Catherine Deneuve l’aurait mieux distribuée en duchesse de Guermantes qu’en Odette ?

Peut-être la seule chose dont je ne suis toujours pas sûr, c'est le rendu du fameux passage du livre dans lequel Marcel revient à Paris après plusieurs années et ne peut pas surmonter la pantomime absurde de paraître vieux : c'est comme si ces gens avaient peint leurs cheveux en blanc et avaient gonflé leurs ventres et leurs joues. Ruiz ne transmet pas la même différence dramatique. (traduction douteuse)

Peut-être le film le plus extraordinaire à revoir c’est La Captive de Akerman, sorti un an plus tard, en 2000. Le film est un remaniement proche et l'actualisation du cinquième volume, La Prisonnière, dans lequel le narrateur maintient Albertine dans son appartement de la famille (théoriquement, en tant qu'invitée ; il est ici rebaptisé Simon et elle Ariane. C'est un arrangement quasi- conjugal, mais sans la franchise et l'intimité d'un mariage, et une relation dans laquelle Ariane a effectivement consenti à être sa captive, autorisée dans son lit rarement et fondamentalement pour pelotage et dry humping ???? (oserai-je dire que je sèche ?), après quoi il lui est méticuleusement et poliment demandé de se retirer. c'est une version « domestiquée » (domesticised) de la relation homme aliéné/maîtresse, et peut-être une reconstitution « effondrée » de la passion de Swann pour Odette, mais avec des aspects spécifiques. C'est une maison de famille, pas un appartement de célibataire, ce qui fait peut-être que l'aménagement n'a pas besoin de faire scandale : ses parents sont absents, bien que sa grand-mère adorée soit dans la scène, et Simon inconsciemment, dans les moments de grande épreuve émotionnelle, fera irruption dans sa chambre pour l'embrasser .

Dans un autre contexte , un tel film ressemblerait à un film noir psychologique, ce qui conduirait inexorablement à une finale en violence. Pas ici. En tant que morceau de cinéma, c’est génériquement inconnaissable, en intensifiant le mystère. Ariane , la prisonnière, est traitée avec le contrôle obsessionnel qu’on pourrait prodiguer à un amoureux errant - constamment questionnée au sujet de ses allées et venues . Elle est épiée, et les incohérences dans son récit ultérieur des événements de la journée froidement notées . Ariane est interrogé sur ses tendances apparemment lesbiennes, mais jamais ouvertement affrontée sur ce point, et leurs relations sont toujours situées à un niveau incroyablement raffiné de courtoisie et même de sollicitude, peu importe le degré de dysfonctionnement de la situation. Le moment où Simon est le plus proche de perdre ouvertement son calme se situe alors qu’il entraîne Ariane hors d’une fête donnée par Léa la belle actrice à la mode ; Ariane obéit simplement avec le haussement d'épaules le plus doux possible. Elle ne se sent pas humiliée, et il ne se sent pas en colère - du moins pas à ce niveau de la surface de démonstration affective où la plupart des mortels non-proustiens ordinaires mènent leurs relations humaines ( bien que dans les derniers moments du film, d'autant plus émouvant par leur réserve, Ariane exprime sa perplexité face à son obsession de tout savoir à son sujet, et déclare que ses sentiments pour lui demeurent vivaces parce qu'il tient quelque chose en retour ).

En relisant mon examen initial de La captive, je peux voir que sans aucune connaissance de la matière d'origine, j'étais condamné à la perplexité - même s’il s’agit d’une perplexité intriguée – face à ce film opaque et énigmatique. Simon est joué par Stanislas Merhar, Ariane par Sylvie Testud, et la jeune Bérénice Bejo -  qui trouvera plus tard la gloire avec Michel Hazanavicius The Artist (2011) etAsghar Farhadi Le passé (2013) - joue Sarah, l'une des amies homo d'Ariane. Merhar est un portrait de la misère crispé, les yeux brillants d'angoisse froide à l'inconnaissabilité des femmes et des autres personnes en général. Pour n'importe quel acteur dans ce rôle, il doit y avoir une tendance à lui donner une sorte de légèreté moustachue, un sourire triste jouant sur les lèvres, comme s'il savourait déjà tous ces paradoxes et ces nuances qu'il pourra apporter plus tard dans l'acte d'écrire. Mais la performance de Merhar dépasse cela, et ajoute une douleur permanente avalée par quelqu'un qui est un mélange surprenant de caractéristiques excentriques : personne âgée invalide, enfant choyé, esthète hors du monde, savant réservé - et adulte fortuné, dorloté.

Dès le début, il ya quelque chose d'étrange et captivante dans La Captive . Au volant de sa bulbous ? Rolls -Royce (une touche pas tout à fait inappropriée d’anglophilie proustienne?), déprimé, attentif, Simon suit Ariane qui se promène dans Paris dans sa voiture de sport décapotable. C’est très hitchcockien. Dans son véhicule à l'ancienne, son lourd costume et son manteau, Simon semble provenir d'un Hitchcock des années  50 ou 60, en tout cas une époque bien antérieure à celle d’Ariane  - mais pas vraiment la belle époque. Revoyant La Captive, j'ai senti combien ce film était semblable à un autre film sur l'obsession d'un connaisseur : Dans la ville de Sylvia de José Luis Guerin (2007).

Il ya quelque chose de si étrangement détaché dans les scènes de dialogue entre Simon et Ariane (qui bien sûr ne font jamais rien d'aussi banal que de discuter de leur «relation») qu'il est tout à fait possible de soupçonner qu’une sorte de récompense ???? (some kind of M Night Shyamalan-type payoff) va être servie. Il se pourrait que la situation dans son ensemble soit un jeu érotique complexe dans lequel tout le monde, pas seulement Simon et Ariane, participe. Mais c'est peut-être plutôt que Akerman a pressenti la qualité somnambulique de La Prisonnière - et « somnambulisme » est bien sûr une analogie courante pour le comportement des classes dirigeantes de l'Europe dans l'année précédant la Grande Guerre. C'est un grand poème de désir et de désespoir en prose stylisée.

Ce sont les trois grands saluts à Proust, tous notables selon leurs propres critères, et pourtant ils sont inévitablement incomplets s’ils ne vous ramènent au livre. Et ma propre expérience de lecture de Proust est que rien ne peut vous préparer à la façon dont, paradoxalement, l’œuvre elle-même semble incomplète - peu importe combien colossale elle semble au lecteur, ce lecteur est toujours au courant que beaucoup n’est pas dit.

Il ya autre chose aussi. Pour tout journaliste, sans doute, l'un de ses passages les plus glorieux du sixième volume, Albertine Disparue, ou La Fugitive, où nous sommes au courant des sentiments de Marcel, l'écrivain potentiel, sur l'obtention de son premier article publié dans Le Figaro. Pourquoi ce passage n'est pas enseigné dans toutes les écoles de journalisme? Pourquoi ne figure-t-il pas dans l’anthologie de chaque collection consacrée au journalisme ? Nous lisons d'excitation enfantine de Marcel essayant de recréer la façon dont quelqu'un se sentirait juste tomber par chance sur son article («J'ai ouvert le journal négligemment comme le ferait un tel lecteur, même en prenant l'air de ne pas savoir ce qu'il y avait ce matin dans mon journal ...») . Et puis - chef-d'œuvre comique ! - Marcel ordonne à sa bonne Françoise d’acheter d'autres exemplaires de ce jour du Figaro, ostensiblement pour qu'il puisse les donner à des amis, mais en réalité pour qu’il puisse lire son article en double, en triple, côte-à- côte avec lui-même, les yeux écarquillés avec étonnement devant ce phénomène : différentes personnes lisant son article, et ayant des pensées différentes à ce sujet. Fascinant! Ce passage inspiré suffit pour guérir tout journaliste d'être blasé sur le privilège d' écrire des choses que d'autres personnes liront. Pour moi, il m’aura ramené à mon excitation lors de ma première publication personnelle : un article dans la Revue littéraire Auberon Waugh en 1988.

Et maintenant, bien sûr, il ne reste plus qu’à revenir au volume un et à recommencer, en français cette fois .



[1] Retraduit de l’anglais

[2] Du scénario de Pinter, j’imagine

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Commentaires
J
l'article sur Proust en anglais (v.o.)<br /> <br /> Remembrance of things past: Marcel Proust on film<br /> <br /> It's 100 years since the first volume of À La Recherche du Temps Perdu was published, but a definitive cinematisation of Proust's epic novel has so far proved elusive<br /> <br /> Peter Bradshaw theguardian.com, Thursday 7 November 2013 15.20 GMT <br /> <br /> <br /> <br /> This year has been punctuated by a rash of anniversary-themed books and articles anticipating the first world war centenary, and indeed attempting snapshots of how Europe looked and felt in 1913, eerily poised on the precipice. The other centenary is similar in many ways: on 8 November 1913, Marcel Proust published the first volume of À La Recherche du Temps Perdu, his monumental novel about memory, mortality and art, the belle époque, and the leisured and aristocratic classes of Paris, a city crammed in Proust's pages with the most vivid and extraordinary personalities, destined to be swept away by the Great War.<br /> <br /> Fourteen years ago, at Cannes, I saw Raúl Ruiz's superlative screen adaptation of the final volume: Time Regained, in which the narrator, Marcel, is reunited with these people after a long spell away from Paris recovering from ill-health. He finds them all dramatically aged, about to take their final steps in the dance of death, but senses also the mysterious power of art to recover what time has taken away. To my shame, I wrote slightingly of the film at the time. Perhaps I was dyspeptic, unused to the Cannes routine of beginning one's film-watching day at 8:30am; perhaps I was just ignorant and immature.<br /> <br /> Above all, though, the issue was simply that I hadn't read the book. I set out to do so, and became hooked – and then intrigued by the troubled history of Proust on film, and what it implies about the limits of screen adaptation. It could be that Proust adaptations are unique in that they really must be experienced as an adjunct of the novel.<br /> <br /> My fellow critic David Sexton has suggested readers should knuckle down to the original – with a French-English dictionary if necessary. I fell short of this ideal, sticking with the Everyman translation: that is, DJ Enright's revision of the Terence Kilmartin/CK Scott Moncrieff text, which popularised the title In Search of Lost Time, as opposed to the Shakespeare-derived Remembrance of Things Past. It was in David's columns, before I began the book, that I first read Proust's dismissal of the cinema: "Some critics now liked to regard the novel as a sort of procession of things upon the screen of a cinematograph. This comparison is absurd. Nothing is further from what we have really perceived than the vision that the cinematograph presents." Although, rereading that passage, it strikes me now that it is not a clear-cut dismissal of the cinema as art.<br /> <br /> <br /> <br /> So should a film-maker try to encompass the whole, gigantic thing? Or is that like Monty Python's Summarise Proust competition? Should the director, conversely, stick to one single volume? Or is there something unsatisfying and baffling about that, in that it detaches characters from the larger context, making them even more difficult to keep track of? Trying the whole thing is putting a quart in a pint pot. Doing one volume is a pint in a quart pot.<br /> <br /> <br /> <br /> Dirk Bogarde, who had been approached by both Luchino Visconti and Joseph Losey to act in their various doomed Proust projects, wrote that audiences – the non-Proustian laity – might be perplexed in any event: "Will they know who is who? Or what is what?" It's a fair question.<br /> <br /> As things stand, the only attempt at a complete, conventional dramatic adaptation is the somewhat odd 2011 version for French television, written for the screen and directed by Nina Companeez. The whole thing is reduced to two feature-length episodes; it whizzes past like a breezy daytime soap. The first and most famous volume, Swann's Way, is truncated almost to nothing, Swann himself – the aesthete and collector whose life and obsessive love make such an impression on Marcel, and whose Judaism is at the centre of Proust's observations on antisemitism and the Dreyfus affair – is reduced to a cameo. His mistress-turned-wife Odette vanishes from the story entirely. Mischa Lesca, playing the young narrator Marcel, has a stilted, pop-eyed look – although his difficulties are those of any actor in this role. Are you expected to convey the rich, dense textual material of Proust's writing with gurning facial expressions?<br /> <br /> Aside from that, the film writer and Guardian obituarist Ronald Bergan has written about his participation in a massive, open-ended video project, aimed at encompassing the whole book, called Le Baiser De La Matrice by Veronique Aubouy, in which thousands of different people will each read a single page of Proust's novel to the camera in a location of their own choosing.<br /> <br /> In fact, the three substantial Proust films that have seen the light of day, or rather the light of the film projector, are single-volume adaptations: Volker Schlöndorff's Swann in Love (1984), based on the first volume; Ruiz's Time Regained (1999), based on the last; and Chantal Akerman's The Captive (2000), based on the fifth volume, The Prisoner, in which Marcel invites the beautiful young Albertine to live with him in the family apartment.<br /> <br /> Before this, movie history is littered with expensive, heart-breaking Proust failures. The landscape is invisibly strewn with unused costumes and sets. Actor and producer Nicole Stéphane (otherwise the Baroness Nicole de Rothschild), having acquired the rights in the early 1960s, tried without success to interest François Truffaut in filming Swann's Way. Then Visconti was brought in, a more obvious candidate who was said to carry a copy of Proust with him at all times, bound in red leather. Eventually, Visconti abandoned the film, perhaps overwhelmed by the task and perhaps secretly scared by the possible humiliation of getting it wrong – though he had his "Proustian" moments in The Leopard (1963), with its final ball scene, and Death in Venice (1971), in which the sequences at the Hotel Des Bains on the Lido resemble those at Balbec in Proust's novel.<br /> <br /> In the 1970s, it was the turn of Losey, who in a similar way had to drop his plans for the whole thing when funds dried up. But his À La Recherche du Temps Perdu (1972) is a great lost film, or ghost film, or imaginary film, because in 1978 Harold Pinter published the screenplay Losey commissioned from him, and it is fascinating to read this while attempting to "play" the movie in your head. The running time was estimated at just under four hours, which is about the reading time. Perhaps all directors should create an unproduced project like the Losey/Pinter Proust, a DIY film that viewers must conjure up for themselves.<br /> <br /> Pinter's Proust screenplay is a bold, radical compression or distillation: all the textual richness and amplitude is boiled away, and we are left with an audacious repatterning, a series of stark, fragmentary glimpses. It is a brilliant and very Pinteresque reading of Proust, with a real passion for the work. David Caute's biography of Losey amusingly quotes one derisive non-backer: "This is the age of Gene Hackman and Barbra Streisand. There are no roles for them here." Actually, given John Malkovich's great success in Ruiz's Time Regained as the cantankerous sensualist and snob Baron de Charlus, I'm not so sure; Hackman might have made a good, fussy Dr Cottard.<br /> <br /> Schlöndoff's Swann in Love (1984) is the most conventional attempt, and for those unfamiliar with the book the most accessible and explicable film. It's a handsomely furnished, well upholstered adaptation of the first volume, Swann's Way, which addresses Swann's liaison with the courtesan Odette and makes it serve as a standalone drama of obsessive love. Jeremy Irons plays the elegant bachelor Swann with poise and distinction, and his success probably later landed him with similar, but less interesting epicure-connoisseur parts in Louis Malle's Damage (1992) and Adrian Lyne's Lolita (1997).<br /> <br /> Irons is especially good at the end, when he is older and frail: this adaptation uses the sequence from the end of volume three, The Guermantes Way, when Swann has to tell the Duchess of Guermantes that he will not be coming to Venice with her because he is dying. But so much of the nuance is lost by detaching Swann from the story of Marcel and Gilberte, and indeed that of Marcel and Albertine, and the casting looks questionable now: Ornella Muti is not especially interesting as Odette, and the moustachioed Alain Delon looks self-conscious and constrained as the goatish Charlus. Yet the film is carried off with some style, and it is possibly Irons's finest hour.<br /> <br /> Ruiz's Time Regained (1999) is a wonderful film to revisit: a re-enactment of the final volume, Le Temps Retrouvé. At times, it is like an expressionist ballet, or impossibly sophisticated magic lantern show, or puppet theatre. Ruiz contrives an almost seamless robe of past and present and, as with his Mysteries of Lisbon (2010), also manages to create a cinematic style that engages with the literary past tense. The choreography of his camera movements is as daring and fluid as Max Ophüls's, but dizzyingly complicated by having whole sections of the cast in group scenes move like figures on an intricate music box that stirs into life when wound.<br /> <br /> The Italian actor Marcello Mazzarella does well in the difficult role of Marcel himself: in one scene, transported by a musical performance, he inclines his head, with a hand against the cheek, in order to recall the famous author photograph. While walking with Gilberte, played by Emmanuelle Béart, Marcel is surprised by a lightning storm and the couple have to take cover. It is a fascinatingly artificial moment. The flash in their faces looks as if it has been achieved with a simple light meter from behind the camera, and the thin "sheet" of rain looks as artificial as it traditionally does in the movies. Yet the contrivance is absolutely assured and conjures up a fabricated quality, the animation of a colour plate in a book, created by memory and directed by art.<br /> <br /> Mazzarella is upstaged by some outstandingly good performances. Pascal Greggory is unbeatable as Marcel's old friend Robert de Saint-Loup, and Malkovich could not be bettered as the licentious gay Baron de Charlus. He captures all the character's qualities, acidly fastidious disapproval, airy assertion of wealth and breeding, entitlement, decadence, and the hauteur of a sensualist and satirist. His decline into extreme age is an actor's tour de force. It's impossible to forget his contemptuous and dismissive bow to a lady in the street – almost bent double. However, surely Catherine Deneuve's natural presence and queenliness would have made her better casting as the Duchess of Guemantes, and not Odette?<br /> <br /> Time Regained <br /> <br /> Perhaps the only thing I'm still not sure about is Ruiz's rendering of the famous passage in the book in which Marcel returns to Paris after many years away and can't get over the pantomime absurdity of looking old: it is as if these people have painted their hair white and inflated their bellies and cheeks. Ruiz doesn't convey the same dramatic difference.<br /> <br /> <br /> <br /> Perhaps the most extraordinary film to revisit is Akerman's The Captive, released a year later, in 2000. The film is a close reworking and updating of volume five, La Prisonnière, in which the narrator keeps Albertine in his family apartment (notionally, as a guest; he is here renamed Simon and she Ariane. This is a quasi-conjugal arrangement, but without the frankness and intimacy of a marriage, and a relationship in which Ariane has effectively consented to be his captive, permitted into his bed infrequently and basically for frottage and dry humping, after which she is fastidiously, if politely, requested to absent herself. It is a domesticised version of the alienated gentleman/mistress relationship, and perhaps a "collapsed" re-enactment of Swann's passion for Odette, though with distinctive aspects. This is a family home, not a bachelor establishment, which is perhaps why the arrangement need not outrage public opinion: his parents are absent, though his adored grandmother is on the scene, and Simon will unselfconsciously at moments of great emotional trial burst into her bedroom and embrace her.<br /> <br /> In any other context, such a film would look like a psychological noir, leading inexorably to a finale of violence. Not here. As a piece of cinema, it is generically unknowable, intensifying the mystery. Ariane, the prisoner, is treated with the obsessive scrutiny one might lavish on an errant lover – constantly quizzed about her comings and goings. She is spied upon, and the inconsistencies in her subsequent account of the day's events coldly noted. Ariane is questioned about her apparently lesbian tendencies, though never openly confronted on the point, and their relations are always conducted at an impossibly refined level of courtesy and even solicitude, no matter how dysfunctional the situation. The closest Simon comes to overtly losing his temper is dragging Ariane out of a party given by the beautiful and fashionable actress Léa; Ariane simply complies with the mildest possible shrug. She does not feel humiliated, and he does not feel angry – at least not on that surface level of emotional demonstration where most ordinary non-Proustian mortals conduct their human relationships (although in the film's final moments, made all the more moving for their reserve, Ariane expresses her bafflement at his obsession with knowing everything about her, and declares that her feelings for him are kept alive because he keeps something back).<br /> <br /> Rereading my original review of The Captive, I can see that without any knowledge of the source material, I was condemned to bafflement – although an intrigued bafflement – at how opaque and enigmatic this film is. Simon is played by Stanislas Merhar, Ariane by Sylvie Testud, and a young Bérénice Bejo – later to find fame in Michel Hazanavicius's The Artist (2011) and Asghar Farhadi's The Past (2013) – plays Sarah, one of Ariane's gay friends. Merhar is a picture of clenched misery, eyes blazing with cold agony at the unknowability of women and other people generally. For any actor in this part, there must be a tendency to give him a kind of moustachioed airiness, a sad smile playing about the lips, as if he is already savouring all those paradoxes and nuances that he will later bring into the act of writing. But Merhar's performance precedes this, and adds a continuing, swallowed pain to someone who is a startling medley of eccentric attributes: elderly invalid, pampered child, unworldly aesthete, reserved scholar – and cosseted, moneyed adult.<br /> <br /> From the very first, there is something captivatingly strange about The Captive. At the wheel of his bulbous Rolls-Royce (a not entirely inappropriate touch of Proustian Anglophilia?), moody, broody Simon follows Ariane as she drives around Paris in her open-topped sports car. It is very Hitchcockian. In his old-fashioned vehicle, and in his heavy suit and topcoat, Simon seems to come from Hitchcock's 50s or 60s, at any rate an epoch much earlier than Ariane's – though not the beautiful epoch itself. Rewatching The Captive, I felt how similar it was to another film about a connoisseur's obsession: José Luis Guerin's In the City of Sylvia (2007).<br /> <br /> <br /> <br /> There is something so eerily detached in the dialogue scenes between Simon and Ariane (who of course never do anything as banal as discuss their "relationship") that it is quite possible to suspect some kind of M Night Shyamalan-type payoff is going to be served up. It could be that the whole situation is a complex erotic game in which everyone, not merely Simon and Ariane, are participants. But perhaps it is more that Akerman has intuited the somnambulist quality of La Prisonnière – and "sleepwalking" is of course a commonplace analogy for the behaviour of Europe's governing classes in the year before the Great War. It is a great stylised prose-poem of desire and despair.<br /> <br /> <br /> <br /> These are the three great tilts at Proust, all notable on their own terms, and yet they are inevitably incomplete if they don't lead you back to the book. And my own experience of reading Proust is that nothing can prepare you for how paradoxically incomplete the work itself feels – no matter how colossal it seems to the reader, that reader is always aware of a great deal withheld.<br /> <br /> There is something else, too. For any journalist, surely, one of its most glorious passages is in the sixth volume, Albertine Disparue, or The Fugitive, where we are privy to the feelings of Marcel, the would-be writer, on getting his first article published in Le Figaro. Why is this passage not taught in every journalism school? Why is it not anthologised in every collection about journalism? We read of Marcel's childlike excitement in trying to recreate how someone would feel just chancing across his article ("I opened the paper carelessly as would such a reader, even assuming the air of not knowing what there was this morning in my paper …"). And then – the comic masterpiece! – Marcel orders his maid Françoise out to buy more copies of that day's Le Figaro, ostensibly so he can give them to friends, but really so he can read his article in duplicate, triplicate, side-by-side with itself, wide-eyed with astonishment at the phenomenon of many different people reading his article, and having different thoughts about it. Amazing! This inspired passage is enough to cure any journalist of being jaded about the privilege of writing things that other people read. For me, it brought back my excitement at my first own publication: a piece in Auberon Waugh's Literary Review in 1988.<br /> <br /> And now of course all that remains is to return to volume one and begin again, in French this time.
L'astragale de Cassiopée
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