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L'astragale de Cassiopée
3 novembre 2013

Où sont passés tous les cimetières ? par Adam Hochschild (auteur de To end all wars)

Où sont passés tous les cimetières ?

La guerre qui n’a pas été la der des der, et celles qui ont suivi, sans fin.

par Adam Hochschild

 

Et si, dès le début, tous les tués dans les guerres en Irak et en Afghanistan avaient été enterrés dans un seul grand cimetière facilement accessible au public américain? Cela mènerait-il les combats à s’arrêter plus rapidement si l'on pouvait voir des centaines de milliers de pierres tombales, militaires et civiles, colline après colline, champ après champ, à travers l'ensemble de notre paysage?

J’y ai récemment songé en visitant l'étroite bande de territoire du nord de la France et de la Belgique où se trouve la plus forte concentration de tombes d’hommes jeunes au monde. C'est le vieux front occidental de la Première Guerre mondiale. Aujourd'hui, c’est le dernier repos pour plusieurs millions de soldats. Près de la moitié de leurs corps, soufflés en fragments méconnaissables par les quelque 700 millions d'obus d’artillerie et de mortier tirés ici entre 1914 et 1918, se trouvent dans des tombes anonymes ; les autres sont dans des centaines et des centaines de cimetières militaires, toujours soigneusement entretenus et tondus, les rangées bien ordonnées de pierres tombales ou de croix couvrant les collines et les prairies.

Tenez-vous sur une colline dans l’un des sites des plus grands massacres - Ypres, la Somme, Verdun - et vous pouvez voir jusqu'à un demi-douzaine de cimetières, petits et grands, qui vous entourent. Dans le seul cimetière de Tyn Cot en Belgique, il y a près de 12.000 tombes britanniques, canadiennes, sud-africaines, australiennes, néo-zélandaises, et antillaises.

Chaque année, des millions de personnes visitent les cimetières du Front de l'Ouest et les monuments aux morts, laissant derrière eux des fleurs et des photographies de parents morts depuis longtemps. Les plaques et les monuments sont souvent modestes et remarquablement peu martiaux. Au moins deux de ces monuments célèbrent les soldats des deux camps qui émergèrent des tranchées et prirent part, sans la permission de leurs commandants, à la célèbre trêve de Noël informelle de 1914, marquée par un match de football dans le no man's land.

D'une manière curieuse, le nombre de morts de cette guerre qui date de près d'un siècle, et dans laquelle plus de 100.000 Américains sont morts, est devenu beaucoup plus visible que les décès dans nos guerres d'aujourd'hui. Est-ce pour cela que la Première Guerre mondiale est presque toujours considérée, contrairement à nos guerres actuelles, non seulement comme une tragédie, mais comme une folie meurtrière qui a effacé partiellement une génération et qui, dans tous les sens a refait le monde pour le pire?
À Paris – ou à Bagdad

Ces six dernières années, j'ai mentalement vécu dans ce monde de 1914-1918, rédigeant un livre sur cette guerre qui a tué quelque 20 millions de personnes, militaires et civils, et a laissé de grandes parties de l'Europe en ruines. J'ai hanté les champs de bataille et les cimetières, j’ai demandé à un agriculteur belge si je pouvais entrer à l'intérieur d'un bunker en béton datant de la guerre, et qui abrite aujourd'hui ses chèvres, et j’ai marché à travers les tranchées reconstituées et un tunnel souterrain qui protégeait les troupes canadiennes transportant leurs munitions pour la ligne de front.

Dans les archives gouvernementales, j'ai regardé les rapports laconiques rédigés par des officiers ayant survécu à des batailles dans lesquelles la plupart de leurs soldats étaient morts ; j'ai écouté des enregistrements d’anciens combattants et j’ai parlé à un homme dont le grand-père militant est passé en cour martiale pour avoir écrit une lettre au Daily Mail où il se plaignait que chaque officier britannique se soit vu attribuer un domestique privé. Dans la beauté déchirante d’un cimetière ombragé plein de soldats britanniques fauchés avec leur commandant (comme celui-ci avait prédit qu'ils le seraient) par une unique mitrailleuse allemande, le premier jour de la bataille de la Somme, j'ai trouvé un commentaire dans le livre d'or: "Plus jamais ça"

Je ne peux pas m'empêcher de me poser la question : où sont les lieux publics de deuil du nombre croissant des victimes des guerres d'aujourd'hui? Où est ce sentiment de plus jamais ça ?

La chose étrange quand vous étudiez la Première Guerre mondiale c’est la façon dont vous ne pouvez pas vous empêcher de penser à l'actualité du jour. Considérons, par exemple, comment ça a commencé. De hauts fonctionnaires de l'Empire austro-hongrois déclinant, inquiets du nationalisme ethnique des Serbes à l’intérieur des frontières de l’Empire, ont voulu démembrer la Serbie voisine, dont ils considéraient l'existence en tant qu'Etat indépendant comme une menace. Les commandants militaires austro-hongrois avaient même établi des plans d'invasion.

Quand un Serbe de 20 ans a tiré deux coups de feu mortels sur l’archiduc François-Ferdinand d'Autriche et son épouse à Sarajevo dans l'été 1914, les commandants ont trouvé l'excuse parfaite pour mettre leurs plans à exécution - même si l’assassin était un citoyen austro -hongrois et s’il n'y avait aucune preuve que le gouvernement de la Serbie était au courant de son complot. Bien que la guerre se soit rapidement étendue à de nombreux autres pays, les premiers coups de feu en ont été tirés par les canonnières austro-hongroises du Danube bombardant la Serbie.

Plus j'en apprenais sur l'ouverture de la guerre, plus je pensais à l'invasion américaine de l'Irak. Le président George W. Bush et ses principaux conseillers visaient depuis longtemps à déloger le dictateur irakien Saddam Hussein du pouvoir. Comme l'assassinat de l'archiduc, les attentats du 11 Septembre 2001, leur ont donné l'excuse qu'ils attendaient - même s'il n'y avait aucun lien entre les terroristes (pirates de l'air), principalement des Saoudiens, et le régime de Saddam Hussein.

Il ne manque pas d'autres parallèles entre la Première Guerre mondiale et les guerres d'aujourd'hui. Vous pouvez voir des photos datant de 1914 et montrant des soldats allemands monter dans les wagons avec "à Paris" crânement inscrit à la craie sur les wagons, et les soldats français monter à bord de wagons similaires marqués «à Berlin».

"Vous serez rentrés à la maison", a dit à ses troupes en août le Kaiser Guillaume II confiant, "avant que les feuilles sont tombées des arbres." Ne vient-il à l'esprit l'atterrissage de Bush sur un porte-avions en 2003 déclarant, devant une banderole «Mission accomplie» fabriquée par la Maison-Blanche, que «les opérations majeures de combat en Irak sont terminées»? Un billion (millier de milliards) de dollars et des dizaines de milliers de morts plus tard, quelle que soit la « mission » elle reste tout sauf accomplie. De même, en Afghanistan, où Washington s’attendait (et pensait avoir obtenu) la plus rapide et la plus décisive des victoires, l'armée américaine reste embourbée dans une des plus longues guerres de l'histoire américaine.

Les mots fleuris de guerre

Comme la Première Guerre mondiale en a douloureusement apporté la preuve, quand les politiciens et les généraux mènent les nations à la guerre, ils supposent presque toujours une victoire rapide, et ont une tendance remarquablement durable à ne pas prévoir les problèmes qui, avec le recul, paraissent évidents. En 1914, par exemple, aucun pays n’avait prévu les mitrailleuses de l'autre partie, une arme que les puissances coloniales européennes avaient utilisée pendant des décennies principalement comme outil pour liquider les indigènes arrogants.

Les deux parties ont envoyé des forces considérables de cavalerie sur le front occidental - les Allemands huit divisions avec 40.000 chevaux. Mais les mitrailleuses et les barbelés étaient destinés à mettre fin à tout jamais aux jours glorieux des charges de cavalerie. En ce qui concerne les plans tels que le fameux plan allemand de défaire les Français en exactement 42 jours, ils étaient pleins de trous. Les moteurs à combustion interne n’en étaient qu'à leurs balbutiements, et dans les premières semaines de la guerre, 60% des camions de l'envahisseur sont tombés en panne. Ces approvisionnements durent donc être tirés par des chevaux et des chariots. Pour les chevaux, sans parler de tous les inutiles chargeurs de cavalerie, la campagne française ne pouvait tout simplement pas fournir suffisamment de nourriture. A manger le maïs vert, ils tombèrent malades et moururent par dizaines de milliers, ce qui ralentit encore davantage la progression de l'armée allemande.

De même, Bush et ses hauts fonctionnaires étaient si sûrs de leur succès et du fait que les Irakiens se féliciteraient de leur «libération» qu'ils ont consacré étonnamment peu d'attention à ce qu'ils devraient faire une fois à Bagdad. Ils ont conquis un pays doté d’une armée énorme, qu'ils ont dissoute rapidement et sans réfléchir, avec des résultats désastreux. De la même manière, en dépit d'une histoire longue, douloureuse et instructive qui pouvait les guider, les responsables de l'administration n'ont jamais réussi à prendre en compte que, quand bien même la plupart des Afghans détestaient les talibans, ils pourraient venir à mépriser encore plus ces envahisseurs étrangers qui ne rentrent pas chez eux.

Comme la Première Guerre mondiale nous le rappelle quelque compréhensibles que puissent être les motifs de ceux qui entrent en conflit, la définition de la guerre est « d’avoir des conséquences imprévues ». Il est difficile de faire reproche à un jeune Français de marcher au combat en Août 1914. Après tout, l'Allemagne venait d'envoyer des millions de troupes pour envahir la France et la Belgique, où ils se sont rapidement révélés être des occupants assez brutaux. Ne fallait-il pas résister à ça ? Pourtant, quatre ans et demi plus tard, au moment où les Allemands ont finalement été forcés de capituler, la moitié de tous les hommes français âgés de 20 à 32 en 1914 avaient été tués. Il y eut des pertes tout aussi terribles parmi les autres nations combattantes. La guerre a aussi fait 21 millions de blessés, beaucoup d'entre eux se retrouvant les mains, les bras, les jambes, les yeux, les organes génitaux disparus.

Cela valait-il la peine? Bien sûr que non. La quasi-famine en Allemagne pendant la guerre, sa défaite humiliante, et un Traité de Versailles mal conçu ont pratiquement assuré la montée du nazisme, accompagnée d'une deuxième guerre mondiale encore plus destructrice, et d’une occupation encore plus impitoyable de la France  par les Allemands.

La même question doit être posée au sujet de notre guerre actuelle en Afghanistan. Certes, au début, il y avait un motif compréhensible pour faire la guerre : après tout, le gouvernement afghan, contrairement à celui de l'Irak, avait abrité les terroristes des attentats du 11 septembre. Mais près de dix ans plus tard, les civils afghans fois ont subi largement dix fois plus de morts que les victimes tuées aux Etats-Unis ce jour-là – sans compter plus de 2.400 soldats américains, britanniques, canadiens, allemands, et d'autres troupes alliées. Quant aux conséquences imprévues, c’est maintenant un lieu commun, même pour les officiels de haut rang de notre pays, de souligner que les guerres d'Afghanistan et d'Irak ont créé une nouvelle génération de djihadistes.

Si vous avez besoin d'une ressemblance finale entre la Première Guerre mondiale et la nôtre au moment présent, considérons le discours en plein essor. Le cataclysme de 1914-1918 est parfois appelée la première guerre moderne, ce qui, entre autres choses, signifiait qu’était révolue pour toujours l'époque où la « destinée manifeste » ou le « fardeau de l'homme blanc » serait des justifications satisfaisantes pour entrer en guerre. Dans un âge de conscription et de démocratie croissante, la guerre ne peut être menée - officiellement – que pour des motifs plus élevées, moins égoïste.

En conséquence, une fois que le conflit a éclaté, de nobles idéaux ont été répandus : une « guerre sainte de la civilisation contre la barbarie », selon les termes d’un grand journal français ; une guerre pour empêcher la Russie d'écraser « la culture de toute l'Europe occidentale », revendiquait un journal allemand, une guerre pour résister au« joug germanique », précisait un manifeste par des écrivains russes, y compris de gauche. Le Kaiser Guillaume II avouait qu'il se battait pour «le Droit, la Liberté, l'Honneur, la Moralité» (et à cette époque, on écrivait ça en capitales) et contre une victoire des Britanniques, laquelle introniserait « le culte de l'or ». Pour l'anglais Herbert Asquith, premier ministre, la Grande-Bretagne se battait non pas pour « l'avancement de ses propres intérêts, mais pour des principes dont la poursuite est vitale pour le monde civilisé ». Et ainsi allait le monde.

Ainsi, va encore le monde. Le discours d'aujourd'hui la guerre ronflants ne cite naturellement que le plus noble des objectifs : arrêter les terroristes pour l'amour de l'humanité, trouver des armes de destruction massive (vous vous en souvenez ?), diffuser une « mise en œuvre de la démocratie », protéger les femmes contre les talibans. Mais sous ces mots fleuris, l'intérêt national est aussi puissant qu'il était il y près d'une centaine d'années.

De 1914 à 1918, ce n’est apparu nulle part plus visiblement que dans la concurrence pour les protectorats et des colonies. En Afrique, par exemple, l'Allemagne rêvait d'établir la Mittelafrika, une immense ceinture ininterrompue de territoire qui s'étendrait à travers le continent. Et le cabinet britannique a créé le Comité des Desiderata territoriaux, chargé de choisir les possessions plus lucratives de l'adversaire à acquérir lors de la répartition du butin après-guerre. Au sommet de la liste des desiderata : les provinces riches en pétrole de la Turquie ottomane qui, après la guerre, seraient fatalement intégrées dans le protectorat britannique de l'Irak.

A propos de ce pays, personne ne pense que Washington se serait tout à fait autant préoccupé de justice en 2003 si, au lieu de quantités massives de pétrole, son principal produit d'exportation avait été les navets?

Un jour, je n'en doute pas, les morts des guerres d'aujourd'hui seront vus avec le même sentiment de tristesse face à ces pertes inutiles et à la folie que ces millions d'hommes qui reposent dans les cimetières de France et de  Belgique - et des dizaines de millions d'Américains ressentiront un dégoût semblable pour des hommes politiques et des généraux qui auront été si prodigues avec la vie des autres. Mais telle est la question qui me hante : Que faudra-t-il pour nous amener à ce point?

traduction cahiers de l’estran nov. 2013

 

Adam Hochschild vit à San Francisco. Il a écrit sept ouvrages dont King Leopold’s Ghost.  Son dernier ouvrage To End All Wars: A Story of Loyalty and Rebellion, 1914-1918 (Houghton Mifflin Harcourt), vient d‘être publié.

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Commentaires
E
I couldn't agree more …<br /> <br /> Rien à ajouter, si ce n'est que si des gens du calibre intellectuel de Hermann Cohen ont pu à l'époque être pris au piège de la rhétorique guerrière (et ce d'autant plus qu'ils voulaient donner des gages de loyauté à la nation) il ne faut pas trop s'étonner de la cécité ou du mutisme de la plupart de nos "intellectuels".<br /> <br /> Désolée de ne pas avoir plus de temps à vous consacrer même si je passe vous lire avec plaisir. Merci de votre travail et de votre persévérance, Jean-Ollivier et salut amical à tous.
J
l'article de Hochschild en anglais<br /> <br /> Where Have All the Graveyards Gone? <br /> <br /> The War That Didn’t End War and Its Unending Successors <br /> <br /> By Adam Hochschild<br /> <br /> What if, from the beginning, everyone killed in the Iraq and Afghan wars had been buried in a single large cemetery easily accessible to the American public? Would it bring the fighting to a halt more quickly if we could see hundreds of thousands of tombstones, military and civilian, spreading hill after hill, field after field, across our landscape?<br /> <br /> I found myself thinking about this recently while visiting the narrow strip of northern France and Belgium that has the densest concentration of young men’s graves in the world. This is the old Western Front of the First World War. Today, it is the final resting place for several million soldiers. Nearly half their bodies, blown into unrecognizable fragments by some 700 million artillery and mortar shells fired here between 1914 and 1918, lie in unmarked graves; the remainder are in hundreds upon hundreds of military cemeteries, still carefully groomed and weeded, the orderly rows of headstones or crosses covering hillsides and meadows.<br /> <br /> Stand on a hilltop in one of the sites of greatest slaughter -- Ypres, the Somme, Verdun -- and you can see up to half-a-dozen cemeteries, large and small, surrounding you. In just one, Tyn Cot in Belgium, there are nearly 12,000 British, Canadian, South African, Australian, New Zealander, and West Indian graves.<br /> <br /> Every year, millions of people visit the Western Front’s cemeteries and memorials, leaving behind flowers and photographs of long-dead relatives. The plaques and monuments are often subdued and remarkably unmartial. At least two of those memorials celebrate soldiers from both sides who emerged from the trenches and, without the permission of their top commanders, took part in the famous informal Christmas Truce of 1914, marked by soccer games in no-man’s-land.<br /> <br /> In a curious way, the death toll of that war almost a century gone, in which more than 100,000 Americans died, has become so much more visible than the deaths in our wars today. Is that why the First World War is almost always seen, unlike our present wars, not just as tragic, but as a murderous folly that swept away part of a generation and in every way remade the world for the worse?<br /> <br /> To Paris -- or Baghdad<br /> <br /> For the last half-dozen years, I’ve been mentally living in that 1914-1918 world, writing a book about the war that killed some 20 million people, military and civilian, and left large parts of Europe in smoldering ruins. I’ve haunted battlefields and graveyards, asked a Belgian farmer if I could step inside a wartime concrete bunker that now houses his goats, and walked through reconstructed trenches and an underground tunnel which protected Canadian troops moving their ammunition to the front line.<br /> <br /> In government archives, I’ve looked at laconic reports by officers who survived battles in which most of their troops died; I’ve listened to recordings of veterans and talked to a man whose labor-activist grandfather was court-martialed because he wrote a letter to the Daily Mail complaining that every British officer was assigned a private servant. In a heartbreakingly beautiful tree-shaded cemetery full of British soldiers mowed down with their commanding officer (as he had predicted they would be) by a single German machine gun on the opening day of the Battle of the Somme, I found a comment in the visitors’ book: “Never Again.”<br /> <br /> I can’t help but wonder: Where are the public places for mourning the mounting toll of today’s wars? Where is that feeling of never again?<br /> <br /> The eerie thing about studying the First World War is the way you can’t help but be reminded of today’s headlines. Consider, for example, how it started. High officials of the rickety Austro-Hungarian Empire, frightened by ethnic nationalism among Serbs within its borders, wanted to dismember neighboring Serbia, whose very existence as an independent state they regarded as a threat. Austro-Hungarian military commanders had even drawn up invasion plans.<br /> <br /> When a 20-year-old ethnic Serb fired two fatal shots at Austrian Archduke Franz Ferdinand and his wife at Sarajevo in the summer of 1914, those commanders had the perfect excuse to put their plans into action -- even though the killer was an Austro-Hungarian citizen and there was no evidence Serbia’s cabinet knew of his plot. Although the war quickly drew in many other countries, its first shots were fired by Austro-Hungarian gunboats on the Danube shelling Serbia.<br /> <br /> The more I learned about the war’s opening, the more I thought about the U.S. invasion of Iraq. President George W. Bush and his key advisors had long hungered to dislodge Iraqi dictator Saddam Hussein from power. Like the archduke’s assassination, the attacks of September 11, 2001, gave them the excuse they had been waiting for -- even though there was no connection whatsoever between the hijackers, mainly Saudis, and Saddam Hussein’s regime. <br /> <br /> Other parallels between World War I and today’s wars abound. You can see photographs from 1914 of German soldiers climbing into railway cars with “To Paris” jauntily chalked on their sides, and French soldiers boarding similar cars labeled “To Berlin.”<br /> <br /> “You will be home,” Kaiser Wilhelm II confidently told his troops that August, “before the leaves have fallen from the trees.” Doesn’t that bring to mind Bush landing on an aircraft carrier in 2003 to declare, in front of a White House-produced banner reading “Mission Accomplished,” that "major combat operations in Iraq have ended"? A trillion dollars and tens of thousands of lives later, whatever mission there may have been remains anything but accomplished. Similarly, in Afghanistan, where Washington expected (and thought it had achieved) the most rapid and decisive of victories, the U.S. military remains mired in one of the longest wars in American history.<br /> <br /> The Flowery Words of War<br /> <br /> As the First World War made painfully clear, when politicians and generals lead nations into war, they almost invariably assume swift victory, and have a remarkably enduring tendency not to foresee problems that, in hindsight, seem obvious. In 1914, for instance, no country planned for the other side’s machine guns, a weapon which Europe’s colonial powers had used for decades mainly as a tool for suppressing uppity natives.<br /> <br /> Both sides sent huge forces of cavalry to the Western Front -- the Germans eight divisions with 40,000 horses. But the machine gun and barbed wire were destined to end the days of glorious cavalry charges forever. As for plans like the famous German one to defeat the French in exactly 42 days, they were full of holes. Internal combustion engines were in their infancy, and in the opening weeks of the war, 60% of the invading German army’s trucks broke down. This meant supplies had to be pulled by horse and wagon. For those horses, not to mention all the useless cavalry chargers, the French countryside simply could not supply enough feed. Eating unripe green corn, they sickened and died by the tens of thousands, slowing the advance yet more.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Similarly, Bush and his top officials were so sure of success and of Iraqis welcoming their “liberation” that they gave remarkably little thought to what they should do once in Baghdad. They took over a country with an enormous army, which they promptly and thoughtlessly dissolved with disastrous results. In the same way, despite a long, painfully instructive history to guide them, administration officials somehow never managed to consider that, however much most Afghans loathed the Taliban, they might come to despise foreign invaders who didn’t go home even more.<br /> <br /> As World War I reminds us, however understandable the motives of those who enter the fight, the definition of war is “unplanned consequences.” It’s hard to fault a young Frenchman who marched off to battle in August 1914. After all, Germany had just sent millions of troops to invade France and Belgium, where they rapidly proved to be quite brutal occupiers. Wasn’t that worth resisting? Yet by the time the Germans were finally forced to surrender and withdraw four and a half years later, half of all French men aged 20 to 32 in 1914 had been killed. There were similarly horrific casualties among the other combatant nations. The war also left 21 million wounded, many of them missing hands, arms, legs, eyes, genitals.<br /> <br /> Was it worth it? Of course not. Germany’s near-starvation during the war, its humiliating defeat, and the misbegotten Treaty of Versailles virtually ensured the rise of the Nazis, along with a second, even more destructive world war, and a still more ruthless German occupation of France.<br /> <br /> The same question has to be asked about our current war in Afghanistan. Certainly, at the start, there was an understandable motive for the war: after all, the Afghan government, unlike the one in Iraq, had sheltered the planners of the 9/11 attacks. But nearly ten years later, dozens of times more Afghan civilians are dead than were killed in the United States on that day -- and more than 2,400 American, British, Canadian, German, and other allied troops as well. As for unplanned consequences, it’s now a commonplace even for figures high in our country’s establishment to point out that the Afghan and Iraq wars have created a new generation of jihadists.<br /> <br /> If you need a final resemblance between the First World War and ours of the present moment, consider the soaring rhetoric. The cataclysm of 1914-1918 is sometimes called the first modern war which, among other things, meant that gone forever was the era when “manifest destiny” or “the white man’s burden” would be satisfactory justifications for going into battle. In an age of conscription and increasing democracy, war could only be waged -- officially -- for higher, less self-interested motives.<br /> <br /> As a result, once the conflict broke out, lofty ideals filled the air: a “holy war of civilization against barbarity,” as one leading French newspaper put it; a war to stop Russia from crushing “the culture of all of Western Europe,” claimed a German paper; a war to resist “the Germanic yoke,” insisted a manifesto by Russian writers, including leftists. Kaiser Wilhelm II avowed that he was fighting for “Right, Freedom, Honor, Morality” (and in those days, they were capitalized) and against a British victory which would enthrone “the worship of gold.” For English Prime Minster Herbert Asquith, Britain was fighting not for “the advancement of its own interests, but for principles whose maintenance is vital to the civilized world.” And so it went.<br /> <br /> So it still goes. Today’s high-flown war rhetoric naturally cites only the most noble of goals: stopping terrorists for humanity’s sake, finding weapons of mass destruction (remember them?), spreading a “democracy agenda,” protecting women from the Taliban. But beneath the flowery words, national self-interest is as powerful as it was almost a hundred years ago.<br /> <br /> From 1914 to 1918, nowhere was this more naked than in competition for protectorates and colonies. In Africa, for instance, Germany dreamed of establishing Mittelafrika, a grand, unbroken belt of territory stretching across the continent. And the British cabinet set up the Territorial Desiderata Committee, charged with choosing the most lucrative of the other side’s possessions to acquire in the postwar division of spoils. Near the top of the list of desiderata: the oil-rich provinces of Ottoman Turkey that, after the war, would be fatefully cobbled together into the British protectorate of Iraq.<br /> <br /> When it comes to that territory, does anyone think that Washington would have gotten quite so righteously worked up in 2003 if, instead of massive amounts of oil, its principal export was turnips?<br /> <br /> Someday, I have no doubt, the dead from today’s wars will be seen with a similar sense of sorrow at needless loss and folly as those millions of men who lie in the cemeteries of France and Belgium -- and tens of millions of Americans will feel a similar revulsion for the politicians and generals who were so spendthrift with others’ lives. But here’s the question that haunts me: What will it take to bring us to that point?<br /> <br /> <br /> <br /> Adam Hochschild is the San Francisco-based author of seven books, including King Leopold’s Ghost. His new book To End All Wars: A Story of Loyalty and Rebellion, 1914-1918 (Houghton Mifflin Harcourt), has just been published.
L'astragale de Cassiopée
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