les marbres du Pathénon et l'identité nationale britannique
un article de Fiona Rose-Greenland en date du 25 Octobre 2013 (OpenDemocracy)
Aujourd'hui, les conservateurs du British Museum font valoir que les sculptures du Parthénon sont «partie intégrante de l'objectif du musée : être un musée mondial qui raconte l'accomplissement culturel de l'humanité ». Mais ce que nous dit l'histoire ?
Mais surtout l’ignoble vantardise du moderne Picte,
Mettant en pièces ce que les Goths, les Turcs et le temps avaient ménagé :
Froid comme les rochers de sa côte natale,
L’esprit aussi stérile et le cœur aussi dur,
Est-ce lui dont la tête a conçu, dont la main a préparé,
rien d’autre que de déplacer les pauvres restes d'Athéna:
Ses fils trop affaiblis pour tenir le sanctuaire sacré en garde,
ressentirent cependant une part des douleurs de leur mère,
Ils n’avaient jamais connu, jusqu’alors, le poids des chaînes du despote. (XII)
Froid est le cœur, belle Grèce ! qui te regarde,
Il ne sent pas comme font les amants la poussière qu'ils aimaient ;
Vide est l'œil qui ne pleure pas à l’idée de voir
Tes murs défigurés, tes sanctuaires dégradés déménagés
Par des mains britanniques, auxquelles il incombait
De garder ces reliques à ne jamais restaurer.
Maudite soit l'heure où ils ont quitté les rivages de leur île,
Et une fois encore frappé ton sein malheureux,
Et arraché tes dieux diminués vers ces climats nordiques abhorrés ! (XV) traduction utilitaire J-o
Lord Byron , Pèlerinage de Childe Harold . Deuxième Canto (1812)
But most the modern Pict’s ignoble boast,
To rive what Goth, and Turk, and Time hath spared:
Cold as the crags upon his native coast,
His mind as barren and his heart as hard,
Is he whose head conceived, whose hand prepared,
Aught to displace Athena’s poor remains:
Her sons too weak the sacred shrine to guard,
Yet felt some portion of their mother’s pains,
And never knew, till then, the weight of Despot’s chains. (XII)
Cold is the heart, fair Greece! that looks on thee,
Nor feels as lovers o’er the dust they loved;
Dull is the eye that will not weep to see
Thy walls defaced, thy mouldering shrines removed
By British hands, which it had best behoved
To guard those relics ne’er to be restored.
Curst be the hour when from their isle they roved,
And once again thy hapless bosom gored,
And snatched thy shrinking gods to northern climes abhorr’d! (XV)
Lord Byron, Childe Harold’s Pilgrimage. Second Canto (1812)
Qu'est-ce qui se passe avec les sculptures du Parthénon, également connues sous le nom de marbres d'Elgin et largement saluées comme le joyau de la couronne du British Museum ?
Lorsque le nouveau musée de l'Acropole d'Athènes a ouvert en Juin 2009, le British Museum a fait face à une pression sans précédent afin de retourner les sculptures à la Grèce. Des intellectuels, des élus et des citoyens ordinaires se sont mobilisés, l'opinion publique semblant en faveur de les redonner. Il semblait que les responsables du Musée pourraient finalement se radoucir. La question est revenue à l’ordre du jour en Juin 2012 , dans un débat sur le rapatriement entre Stephen Fry et le député Tristram Hunt, et de nouveau ce mois-ci dans un discours de Henry Porter où il a fait valoir que le retour des sculptures serait la chose à faire.
Cette question remonte régulièrement à la surface après quelques années. Elle suit un schéma prévisible : un événement (un discours ; un repère historique ; un nouveau bâtiment) relance les demandes de rapatriement , les médias s’emparent de l'histoire, et le British Museum fait la sourde oreille. Pourquoi cette question est-elle apparemment insoluble ? Et comment ces pierres sculptées par des artisans non-britanniques en un lieu non-britannique, en viennent à être considérés comme partie intégrante du British Museum et, implicitement, de la Grande-Bretagne en général ? C'est un problème de nationalisme et de la politique de la culture.
Pour les spécialistes du nationalisme, le cas présente une énigme conceptuelle. La littérature sur le nationalisme prend pour acquis le désir d'une nation de se présenter comme spéciale et élue, en s'appuyant sur les produits culturels autochtones - de la cuisine aux costumes folkloriques et aux œuvres d’art pour renforcer son idée de Nation. Les marbres du Parthénon, cependant, créent une embardée curieuse dans cette ligne de pensée. Les sculptures ont été importées en Grande-Bretagne mais elles sont devenues des emblèmes de la nation britannique.
Pour tous les citoyens, indépendamment de leur tendance scientifique ou politique, l'affaire soulève d'importantes préoccupations concernant le patrimoine culturel et sa signification dans les circuits mondiaux. Nous entendons souvent parler de patrimoine culturel et de son rôle essentiel dans le maintien de l’intégrité des groupes ethniques. Il s'agit d'une proclamation attrayante, mais comment l’évalue-t-on? Que devrions-nous faire, d'ailleurs, même si nous acceptons cette thèse ? Ces questions doivent être ouvertes à la discussion et analysées sérieusement.
Mon analyse se fonde principalement sur les données d'archives et la consultation des procès-verbaux des réunions du British Museum Trustees de 1753 à 1830, ainsi que sur le dossier complet de la Commission spéciale sur la collection de Marbres sculptés du comte d’Elgin (25 Mars 1816). Puis il y a les journaux. Avec l'aide de deux moteurs de recherche numérique, j'ai retrouvé plus de 1.000 articles de journaux et de magazines britanniques du début du dix-neuvième siècle qui mentionnent les sculptures ou Lord Elgin. Ils se sont révélés être une mine de renseignements sur la façon dont les gens en dehors de Londres et des milieux de l'élite artistique donnaient un sens à ces sculptures et les ont progressivement acceptées comme emblèmes de l'identité britannique.
Déménager sans ménagement, depuis l'Acropole d'Athènes jusqu’aux hangars d'Elgin à Londres
Les sculptures du Parthénon datent du troisième quart du cinquième siècle avant J.C. pour le temple d’Athéna Parthénos (vierge) sur l'acropole athénienne. Les écrivains antiques les ont louées pour leur beauté et leur parfaite imitation de la nature. Après le déclin d'Athènes et la chute de sa religion polythéiste, le temple et ses sculptures ont été endommagés par des événements d’origine naturelle ou humaine. Mais les relations de voyage nous disent qu’en dépit de leur état dégradé, le temple et ses statues sont restés respectés et même vénérés par les résidents locaux.
Lord Elgin a vu les choses autrement. En tant qu’ambassadeur à la cour ottomane, Thomas Bruce, septième comte d'Elgin, s'est rendu à Athènes, alors sous domination ottomane. Elgin a décidé que les sculptures seraient retirées du Parthénon et renvoyées au Royaume-Uni. En dépit de sa prétention ultérieure d’avoir agi dans le but de mettre le public britannique au contact de l'art grec antique et de protéger les sculptures de lésions supplémentaires, les lettres privées d'Elgin énoncent clairement qu'il avait l'intention de les envoyer à son domicile en Écosse. À compter de l'été 1801, les ouvriers d’Elgin ont arraché ou détaché au burin un grand nombre de figures de marbre. Certaines furent gravement endommagées ou irrémédiablement brisées. Le travail a été achevé l'année suivante. Ce n'est qu'en 1804, après qu’un navire transportant plusieurs des sculptures a coulé et a dû être renfloué, que la majeure partie d'entre eux est arrivée en Angleterre.
Une fois en Angleterre , les agents des douanes du gouvernement ont considéré les sculptures comme étant sans valeur. Elgin a cherché des amis qui seraient prêts à les exposer dans leurs demeures. Alors qu’Elgin était détenu comme prisonnier de guerre en France (de 1803 à 1805), les marbres ont été entassés dans des caisses et se sont finalement retrouvés à la Chambre des Douanes à Londres.
Après son retour en Angleterre en 1806, Elgin sollicita un réseau de gens de l'élite culturelle bien connectés. Ils lancèrent ce que l'on appellerait aujourd'hui une campagne de relations publiques : lettres aux éditeurs de journaux louant les vertus esthétiques des sculptures, articles dans les magazines félicitant Elgin d’avoir protégé les chefs-d'œuvre antiques, et discours parlementaires mettant en garde contre le fait que les sculptures pourraient être dispersées auprès de collectionneurs étrangers. Grâce à la polémique et à la diplomatie, les trustees (trustees désigne plutôt le conseil d’administration que les conservateurs me semble-t-il) du Musée ont été finalement persuadés de faire l'achat pour la modique somme de £ 35,000.
Comment les sculptures du Parthénon sont-elles passées de sans valeur à inestimable (from worthless to priceless) ? Cette transformation à couper le souffle de l’idée de valeur doit être vue dans un contexte plus large. Comme l'affirme l'historien Holger Hoock, «[au début du XIXe siècle] les nations et les États en vinrent, pour le prestige national, à collecter et à exposer dans leurs espaces publics des trophées de guerre et de conquête. Des batailles diplomatiques et des guerres culturelles internationales furent livrées à propos d’antiquités ». L'acquisition d’antiquités importantes, la construction de nouveaux espaces d'exposition pour l'art, et les commandes de tableaux, de statues, et d’oratorios auront transformé l'État en une nation grandie par la culture classique.
Statues grecques, corps britanniques
La campagne de relations publiques d'Elgin, comme je l'ai appelée tout à l'heure, ne s’est pas limitée à des éditoriaux de journaux ou au lobbying de députés sympathisants. Dans un éclair de génie marketing, Elgin (ou l'un de ses partisans) a pensé à relier les statues mal-aimées du Parthénon au sport très populaire qu’était la boxe.
La preuve clé de cela vient du journal de Joseph Farington. Farington faisait partie d'un cercle exclusif de londoniens qui appréciaient les beaux-arts et se réunissaient régulièrement pour en discuter et rédiger des critiques. Le 20 Juin 1808, Farington et plusieurs de ses amis prirent leur petit déjeuner à la maison de Londres de Sir Anthony Carlisle. Après le petit déjeuner Carlisle conduisit ses invités dans son grand salon, « où nous trouvâmes Gregson, le pugiliste, tout nu, exposé pour nous en raison de l’élégance de ses formes » (Farington 1925 [1808]: 80). Bob Gregson, le champion national d’Angleterre, était l'un des plus célèbres boxeurs de son temps. Un équivalent approximatif moderne serait que les invités découvrent David Beckham tout nu dans le salon de l'hôte. Farington et convives admiraient « la beauté de ses proportions du genou (ou plutôt de la taille) jusqu’en haut » de ses six pieds deux pouces (1, 88 m). Les invités de Carlisle convinrent que Gregson était «le plus beau corps » qu'ils aient vu, et établirent une collection de médailles pour saluer Gregson ( Farington 1925 [1808]: 81). Mais ce n'était qu'un apéritif. Leurs appétits aiguisés, les invités furent invités à visiter le hangar de Lord Elgin dix jours plus tard, afin de comparer le corps de Gregson aux corps sculptés du Parthénon.
Ce hangar était l'espace d'exposition temporaire d'Elgin pour les marbres. Gregson était un attrait puissant. Ce jour-là dans son journal, Farington a écrit qu'il y avait « beaucoup de monde » pour cette deuxième exposition du corps de Gregson. Pendant deux heures, Gregson a été « placé dans différentes attitudes » aux côtés des sculptures, prenant des poses similaires à celles des statues du Parthénon.
Le hangar était maintenant la coqueluche de la ville. Quiconque comptait sur la scène culturelle de Londres voulait le visiter. En Juillet 1808 Elgin mit en scène son meilleur spectacle. Ses invités étaient désormais conviés à assister aux combats de trois couples de boxeurs parmi les marbres. Ce n'étaient pas des boxeurs ordinaires. John Gully était un boxeur à succès et une personnalité immensément populaire. Il prit sa retraite de boxeur en 1808, amassa une fortune, et devint membre du Parlement en 1832. John Jackson détenait le titre de champion de boxe de Grande-Bretagne et était l'entraîneur personnel de Lord Byron. Il faisait partie d'un petit groupe de lutteurs invités à jouer le rôle de pages à l'entrée de l'abbaye de Westminster lors du couronnement de George IV. Jem Belcher était un combattant à mains nues, champion d’Angleterre de 1800 à 1805. En somme, ces hommes étaient plus que des athlètes célèbres : ils étaient des héros nationaux, des idoles adulées. Sam le Hollandais, surnommé l'Homme à la main de fer, fut particulièrement loué pour la correspondance entre son corps et le physique grec idéal.
Que se passait-il donc ? Il était socialement acceptable pour les hommes membres des élites britanniques de voir et de parier sur les matches de boxe. Comme le font remarquer les historiens John Golby et William Purdue: «Beaucoup de partisans de la boxe faisaient valoir qu'il s'agissait d'une activité intrinsèquement anglaise, qui reflétait la solidité, le courage et la virilité de la race. [Ce sport] évoquait l’atmosphère d'une Angleterre ancienne, à moitié imaginaire, où se côtoyaient nobles écuyers sportifs et robustes ouvriers dans leur commune appréciation de l’exploit physique ». Le pugilat dessinait une esthétique dont l’attrait traversait les classes sociales.
Mais ces matchs n’avaient généralement pas lieu dans des galeries de sculpture, et normalement les boxeurs ne posaient pas nus pour les spectateurs. Ce qu’Elgin essayait de faire c’était de persuader son auditoire de la place naturelle des sculptures en Grande-Bretagne et de la configuration naturelle des Britanniques dans l'art classique. Si les célébrités nues ressemblaient aux guerriers grecs enchâssés dans la frise, alors les Britanniques pouvaient se persuader qu'ils étaient l'héritage incarné de l'Athènes antique.
Comment Elgin, les boxeurs, Farington, et un assortiment hétéroclite des élites londoniennes pouvaient-ils regarder les marbres du Parthénon et y voir les Britanniques ? Il importe peut-être de noter que les marbres sont maintenant, et qu’ils étaient à l'époque d’Elgin, blancs. Il n'en a pas toujours été ainsi. Dans l'antiquité, les sculptures étaient peintes de couleurs vives, afin de s'assurer qu'elles seraient visibles depuis le sol [voir photo]. Les peintures originales se sont érodées au fil des ans, laissant une patine crème pâle. Les premiers collectionneurs de sculpture avaient remarqué des traces de peinture sur la statuaire grecque et romaine, et quelques traces s’en retrouvent dans des aquarelles. Mais au dix-neuvième siècle, la sculpture blanche était supposée être plus exacte que la version en couleur.
En l’absence de couleur, il est difficile pour quiconque à l’exception des experts en histoire de l'art de distinguer les différences entre les vêtements, les armes, et les marqueurs ethniques des sujets sculptés. L'absence de couleur permet le flou, même l’effacement, de l'origine ethnique, rendant ainsi plus facile d’y projeter des identités multiples. En outre, le « blanc pur impérial » était en contraste avec la couleur impure, barbare, comme l'écrit l'anthropologue Anne McClintock. Les bruns et les rouges vermeils qui avaient été effectivement utilisés pour décrire la peau masculine grecque auraient diminué la possibilité d'un engagement téléologique des Britanniques blancs du XIXe siècle avec les sculptures. La monochromie efface également le temps. L'ancienneté du groupe de sculptures ne peut être niée, mais sans couleur, les sculptures peuvent être représentées aussi comme intemporelles : pour les contemporains d’Elgin comme pour nous aujourd'hui, le manque de couleur se traduit par un manque de spécificité vestimentaire, ce qui permet aux statues de sembler présentes, pertinentes et récupérables par nous.
Grâce à leur apparence physique et à leur insertion concertée dans l'expérience somatique de l'élite métropolitaine, les marbres ont été préparés ??? amorcés pour leur absorption dans la nation britannique. Compte tenu de l'obsolescence de la Grèce antique, la Grande-Bretagne a pu la fois faire valoir rhétoriquement son droit à l’héritage de la civilisation grecque et le mettre en œuvre visuellement par un affichage au premier plan des sculptures du Parthénon. Diffusées par le biais de la culture savante puis populaire, les origines grecques des sculptures ont été progressivement supprimées. Les marbres ont servi de modèles pour les nouveaux morceaux de la couronne de George III. Ils sont apparus dans les caricatures du magazine politique Punch, sur des cartes postales bon marché, et dans les livres de dessin. Les britanniques (hommes et femmes) qui ne pouvaient pas se rendre à Londres purent profiter des moulages en plâtre des sculptures, qui furent finalement exposées dans des musées à travers le pays. Une nouvelle identité nationale a été greffée sur eux.
Cosmopolitisme, identité nationale, une impasse
Aujourd'hui, les trustees du British Museum font valoir que les sculptures du Parthénon font « partie intégrante de l'objectif du musée en tant que musée mondial qui raconte l'accomplissement culturel de l'humanité ». De plus, selon le site internet du British Museum :
La répartition actuelle des sculptures survivantes entre les musées de huit pays, pour des quantités à peu près égales entre Athènes et Londres, permet de raconter des histoires différentes et complémentaires à leur sujet, en se concentrant respectivement sur leur importance pour l'histoire d'Athènes et de la Grèce, et sur leur signification pour la culture mondiale. Cet arrangement, aux dires des conservateurs (trustees) du Musée, offre l’utilité publique maximale au monde en général et affirme le caractère universel de l'héritage grec.
Associer un récit supranational aux sculptures contredit l'argument qu'ils font partie intégrante de l’identité nationale grecque. En outre, le musée affirme être au service de la «culture mondiale», réduisant la contribution d'Athènes à « l'histoire d'Athènes et de la Grèce ».
Les élites britanniques avaient interprété avec succès les sculptures comme pré-nationales en présentant l'Athènes antique comme une utopie perdue déconnectée de la Grèce contemporaine. De la sorte, elles appartiennent à tout le monde, mais à personne en particulier. C'est la position structurelle du British Museum, et c’est le fondement ontologique de l'identité nationale britannique.
À certains égards, les sculptures du Parthénon présentent un cas unique. En effet, c'est le cadre de raisonnement adopté par ceux qui appellent à la restitution des sculptures à la Grèce. En affirmer les caractéristiques uniques - la beauté inhabituelle des sculptures, par exemple, ou leur place exceptionnelle dans l'histoire d’Athènes - est peut-être destiné à rassurer les autorités du British Museum ; le retour de ces objets n’ouvrirait pas la porte aux demandes de rapatriement provenant d'autres nations.
Les sculptures du Parthénon sont uniques (one-of-a-kind), comme l’est toute création artistique, mais en tant que phénomène d'histoire sociale et de lutte identitaire, elles appartiennent à une catégorie bien définie. Il s'agit du patrimoine culturel, un angle de vue qui nous pousse à considérer des questions plus générales liées à la culture, aux nations, et à l’identité au XXIe siècle.
Trois questions ouvertes sur le patrimoine culturel :
Qui décide ? « Patrimoine culturel » est un concept élaboré par la société. Comme l’anthropologue et archéologue Lynn Meskell l’a montré, les femmes et les hommes des pays du Sud ne voient pas toujours du même œil que leurs homologues du Nord quand il s'agit de politique du patrimoine. Cela est dû à de profondes différences structurelles vis-à-vis de ce qui est considéré comme «biens» culturels ainsi que de la meilleure façon d'utiliser les outils de la politique et de sa mise en œuvre pour les protéger ou les gérer. Du temps d'Elgin, la décision de retirer les marbres du Parthénon a été justifiée au motif que les autorités britanniques savaient mieux comment apprécier les sculptures et en prendre soin. C'est une vision paternaliste qui s'est révélée étonnamment robuste depuis deux siècles. Chaque instance de destruction du patrimoine attire l'attention internationale et, souvent, la dérision. Mais pour chaque explosion d'un Bouddha de Bamiyan, il ya des centaines de cas qui restent inaperçus, de populations locales qui prennent soin des objets et des sites, de façon simple et quotidienne. Cela nous pousse à réfléchir sur des questions plus larges qui entourent la garde, la conservation et le flux naturel de la production et de la décomposition des produits culturels. Ces questions sont abordées par les anthropologues travaillant dans le domaine critique du patrimoine culturel, et les lecteurs curieux devraient explorer ces études pour plus de cas et les réponses potentielles.
Évaluation à quelle fin? Que la valeur de patrimoine culturel soit inestimable est une épée à double tranchant. Une sorte de valeur quantitative, que ce soit en unités monétaires, en nombre d'emplois créés ou en visites de musées enregistrées, est requise pour que les ressources nécessaires soient mobilisées pour protéger un site particulier, un objet ou monument. Mais tout comme les membres du Parlement, en 1817, ont eu du mal à mettre un prix (ou à donner une valeur) aux sculptures du Parthénon, les universitaires et les décideurs politiques contemporains se débattent avec des problèmes philosophiques fondamentaux : est-ce que l'histoire a une valeur monétaire? Dans le cas d’évaluations contradictoires, celle de qui adoptons-nous ? Et si les membres du groupe culturel dont le « patrimoine » est dit être en jeu, souhaitent vendre leur patrimoine et utiliser l'argent à d'autres fins, cela doit-il être autorisé? Chacune de ces questions attire des tentatives de réponses de fond et/ou spécifiques, mais chacune d’entre elles reste ouverte.
Quel rôle devrait jouer le public? Au moment où j'écris ceci, un groupe croissant de militants et d’amateurs jouent un rôle actif dans le suivi de la circulation mondiale des objets et des œuvres d'art. Il ya une poignée de plateformes virtuelles pour ce travail, y compris des blogs, des groupes de discussion à but non lucratif, et Chasing Aphrodite - probablement le plus connu d'entre eux. Une plate-forme web open source, provisoirement dénommée « WikiLoot », est à l’étude pour la diffusion et l'analyse des dossiers de sources primaires et les photographies documentant le commerce mondial des antiquités pillées. L'idée derrière WikiLoot et d'autres outils de médias sociaux est d'engager une large communauté de contributeurs, depuis les citoyens curieux jusqu’aux décideurs politiques, aux journalistes, et aux archéologues professionnels, dans le suivi des flux mondiaux d'objets dérobés. Le projet de site WikiLoot a attiré de vives critiques, principalement au motif que le commerce des biens culturels est trop sensible et important pour impliquer les membres inexpérimentés du public. Mais qui a le droit d'avoir une voix dans ces échanges ? Comment le « sauvetage » à la Elgin d'un monument antique serait-il vu via WikiLoot aujourd'hui ?
À propos de l'auteur
Fiona Rose-Greenland a obtenu son doctorat en archéologie classique à Oxford et termine son doctorat en sociologie à l'Université du Michigan. Son travail se concentre sur les pratiques et les objets culturels et les constructions socio -politiques qui les limitent et les façonnent, en s'appuyant sur diverses littératures scientifiques comme la sociologie culturelle, la sociologie du nationalisme, et des études scientifiques. Elle a travaillé comme archéologue sur le terrain et conservateur de musée avant de s'orienter dans le domaine de la sociologie.
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