peut-on se traduire soi-même, en toute justice ?
Voici un texte étonnant à plusieurs titres. D'abord il est prophétique, car il est publié en 1855. (Il a été écrit antérieurement). Rappelons que l'auteur est coutumier du fait, qui écrit en 1823 :
"Das war ein Vorspiel nur; dort wo man Bücher verbrennt, verbrennt man auch am Ende Menschen."(Almansor)" "Ce n'était qu'un prologue ; là où on brûle des livres, on finit par brûler aussi des hommes".
Ensuite l'auteur s'est traduit lui-même, ce qui ouvre le débat sur l'auto-traduction. Pour laisser à ce texte sa vigueur, je me suis contenté de numéroter des quasi-paragraphes en allemand et en français. Les lecteurs intéressés pourront copier cet extrait sur un traitement de texte quelconque et le réarranger à leur gré.
Il s'agit d'un extrait du chapitre 5 de Zur Geschichte der Religion und Philosophie in Deutschland de Heinrich Heine traduit en français par Henri Heine sous le titre De l’Allemagne
Henri Heine De l’Allemagne NOUVELLE ÉDITION Entièrement revue et considérablement augmentée TOME PREMIER — PARIS — MICHEL LÉVY FRÈRES, ÉDITEURS RUE VIVIENNE, 2 BIS — 1855
1. Le christianisme a adouci, jusqu'à un certain point, cette brutale ardeur batailleuse des Germains; mais il n’a pu la détruire, et quand la croix, ce talisman qui l'enchaîne, viendra à se briser, alors débordera de nouveau la férocité des anciens combattants, l'exaltation frénétique des Berserkers que les poètes du Nord chantent encore aujourd'hui.
2. Alors, et ce jour, hélas, viendra, les vieilles divinités guerrières se lèveront de leurs tombeaux fabuleux, essuieront de leurs yeux la poussière séculaire ; Thorse dressera avec son marteau gigantesque et démolira les cathédrales gothiques...
3. Quand vous entendrez le vacarme et le tumulte, soyez sur vos gardes, nos chers voisins de France, et ne vous mêlez pas de l'affaire que nous ferons chez nous en Allemagne : il pourrait vous en arriver mal. Gardez-vous de souffler le feu, gardez-vous de l'éteindre : car vous pourriez facilement vous brûler les doigts.
4. Ne riez pas de ces conseils, quoiqu'ils viennent d'un rêveur qui vous invite à Vous défier de kantistes, de fichtéens, de philosophes de la nature; ne riez point du poète fantasque qui attend dans le monde des faits la même révolution qui s'est opérée dans le domaine de l'esprit.
5. La pensée précède l’action comme l'éclair le tonnerre. Le tonnerre en Allemagne est bien à la vérité allemand aussi : il n’est pas très leste, et vient en roulant un peu lentement ; mais il viendra, et quand vous entendrez un craquement comme jamais craquement ne s'est fait encore entendre dans l'histoire du monde, sachez que le tonnerre allemand aura enfin touché le but.
6. A ce bruit, les aigles tomberont morts du haut des airs, et les lions, dans les déserts les plus reculés de l'Afrique, baisseront la queue et se glisseront dans leurs antres royaux. On exécutera en Allemagne un drame auprès duquel la révolution française ne sera qu'une innocente idylle. Il est vrai qu'aujourd'hui tout est calme, et si vous voyez çà et là quelques hommes gesticuler un peu vivement, ne croyez pas que ce soient les acteurs qui seront un jour chargés de la représentation. Ce ne sont que des roquets qui courent dans l’arène vide, aboyant et échangeant quelques coups de dent, avant l'heure où doit entrer la troupe des gladiateurs qui combattront à mort.
7. Et l'heure sonnera. Les peuples se grouperont comme sur les gradins d'un amphithéâtre, autour de l'Allemagne, pour voir de grands et terribles jeux. Je vous le conseille, Français, tenez-vous alors fort tranquilles, et surtout gardez-vous d'applaudir. Nous pourrions facilement mal interpréter vos intentions, et vous renvoyer un peu brutalement suivant notre manière impolie; car, si jadis, dans notre état d'indolence et de servage, nous avons pu nous mesurer avec vous, nous le pourrions bien plus encore dans l’ivresse arrogante de notre jeune liberté. Vous savez par vous-mêmes tout ce qu'on peut dans un pareil état, et cet état vous n'y êtes plus... Prenez donc garde!
8. Je n'ai que de bonnes intentions et je vous dis d'amères vérités. Vous avez plus à craindre de l'Allemagne délivrée, que de la sainte-alliance tout entière avec tous les Croates et les Cosaques. D'abord, on ne vous aime pas en Allemagne, ce qui est presque incompréhensible, car vous êtes pourtant bien aimables, et vous vous êtes donné , pendant votre séjour en Allemagne, beaucoup de peine pour plaire, au moins à la meilleure et à la plus belle moitié du peuple allemand ; mais lors même que cette moitié vous aimerait, c’est justement celle qui ne porte pas d'armes, et dont l’amitié vous servirait peu.
9. Ce qu'on vous reproche, au juste je n'ai jamais pu le savoir. Un jour, à Gœttingue, dans un cabaret à bière, un jeune Vieille-Allemagne dit qu'il fallait venger dans le sang des Français le supplice de Konradin de Hohenstaufen que vous avez décapité à Naples. Vous avez certainement oublié cela depuis longtemps ; mais nous n'oublions rien, nous.
10. Vous voyez que, lorsque l’envie nous prendra d'en découdre avec vous, nous ne manquerons pas de raisons d'Allemand. Dans tous les cas, je vous conseille d’être sur vos gardes ; qu'il arrive ce qu'il voudra en Allemagne, que le prince royal de Prusse ou le docteur Wirth parvienne à la dictature, tenez-vous toujours armés, demeurez tranquilles à votre poste, l'arme au bras. Je n'ai pour vous que de bonnes intentions, et j'ai presque été effrayé quand j'ai entendu dire dernièrement que vos ministres avaient le projet de désarmer la France...
11. Comme, en dépit de votre romantisme actuel, vous êtes nés classiques , vous connaissez votre Olympe. Parmi les joyeuses divinités qui s'y régalent de nectar et d'ambroisie, vous voyez une déesse qui, au milieu de ces doux loisirs, conserve néanmoins toujours une cuirasse, le casque en tête et la lance à la main.
C'est la déesse de la sagesse.
Source : http://books.google.fr (sérieusement revue, la saisie automatique Google étant très fautive)
Heinrich Heine: Zur Geschichte der Religion und Philosophie in Deutschland - Kapitel 5
1. Das Christentum – und das ist sein schönstes Verdienst – hat jene brutale germanische Kampflust einigermaßen besänftigt, konnte sie jedoch nicht zerstören, und wenn einst der zähmende Talisman, das Kreuz, zerbricht, dann rasselt wieder empor die Wildheit der alten Kämpfer, die unsinnige Berserkerwut, wovon die nordischen Dichter so viel singen und sagen.
2. Jener Talisman ist morsch, und kommen wird der Tag, wo er kläglich zusammenbricht; die alten steinernen Götter erheben sich dann aus dem verschollenen Schutt, und reiben sich den tausendjährigen Staub aus den Augen, und Thor mit dem Riesenhammer springt endlich empor und zerschlägt die gotischen Dome.
3. Wenn Ihr dann das Gepolter und Geklirre hört, hütet Euch, Ihr Nachbarskinder, Ihr Franzosen, und mischt Euch nicht in die Geschäfte, die wir zu Hause in Deutschland vollbringen. Es könnte Euch schlecht bekommen. Hütet Euch das Feuer anzufachen, hütet Euch es zu löschen; Ihr könntet Euch leicht an den Flammen die Finger verbrennen.
4. Lächelt nicht über meinen Rat, über den Rat eines Träumers, der Euch vor Kantianern, Fichteanern und Naturphilosophen warnt. Lächelt nicht über den Phantasten, der im Reiche der Erscheinungen dieselbe Revolution erwartet, die im Gebiete des Geistes stattgefunden.
5. Der Gedanke geht der Tat voraus, wie der Blitz dem Donner. Der deutsche Donner ist freilich auch ein Deutscher und ist nicht sehr gelenkig und kommt etwas langsam herangerollt; aber kommen wird er, und wenn Ihr es einst krachen hört, wie es noch niemals in der Weltgeschichte gekracht hat, so wißt, der deutsche Donner hat endlich sein Ziel erreicht.
6. Bei diesem Geräusche werden die Adler aus der Luft tot niederfallen, und die Löwen in der fernsten Wüste Afrikas werden die Schwänze einkneifen und sich in ihren königlichen Höhlen verkriechen. Es wird ein Stück aufgeführt werden in Deutschland, wogegen die französische Revolution nur wie eine harmlose Idylle erscheinen möchte. jetzt ist es freilich ziemlich still; und gebärdet sich auch dort der eine oder der andre etwas lebhaft, so glaubt nur nicht, diese würden einst als wirkliche Akteure auftreten. Es sind nur die kleinen Hunde, die in der leeren Arena herumlaufen und einander anbellen und beißen, ehe die Stunde erscheint, wo dort die Schar der Gladiatoren anlangt, die auf Tod und Leben kämpfen sollen.
7. Und die Stunde wird kommen. Wie auf den Stufen eines Amphitheaters werden die Völker sich um Deutschland herumgruppieren, um das große Kampfspiel zu betrachten. Ich rate Euch, Ihr Franzosen, verhaltet Euch alsdann sehr stille, und bei Leibe! hütet Euch zu applaudieren. Wir könnten das leicht mißverstehen, und Euch, in unserer unhöflichen Art, etwas barsch zur Ruhe verweisen; denn wenn wir früherhin, in unserem servil verdrossenen Zustande Euch manchmal überwältigen konnten, so vermöchten wir es noch weit eher im Übermute des jungen Freiheitsrausches – Ihr wißt ja selber, was man in einem solchen Zustande vermag, und Ihr seid nicht mehr in einem solchen Zustande – nehmt Euch in Acht!
8. Ich meine es gut mit Euch, und deshalb sage ich Euch die bittere Wahrheit. Ihr habt von dem befreiten Deutschland mehr zu fürchten, als von der ganzen heiligen Allianz mitsamt allen Kroaten und Kosaken. Denn erstens liebt man Euch nicht in Deutschland, welches fast unbegreiflich ist, da Ihr doch so liebenswürdig seid und Euch, bei Eurer Anwesenheit in Deutschland, so viel Mühe gegeben habt, wenigstens der besseren und schöneren Hälfte des deutschen Volks zu gefallen. Und wenn diese Hälfte Euch auch liebte, so ist es doch eben diejenige Hälfte, die keine Waffen trägt und deren Freundschaft Euch also wenig frommt.
9. Was man eigentlich gegen Euch vorbringt, habe ich nie begreifen können. Einst im Bierkeller zu Göttingen äußerte ein junger Altdeutscher, daß man Rache an den Franzosen nehmen müsse für Conradin von Staufen, den sie zu Neapel geköpft. Ihr habt das gewiß längst vergessen. Wir aber vergessen nichts.
10. Ihr seht, wenn wir mal Lust bekommen mit Euch anzubinden, so wird es uns nicht an triftigen Gründen fehlen. Jedenfalls rate ich Euch daher auf Eurer Hut zu sein. Es mag in Deutschland vorgehen was da wolle, es mag der Prinz von Kyritz oder der Doktor Wirth zur Herrschaft gelangen, haltet Euch immer gerüstet, bleibt ruhig auf Eurem Posten stehen, das Gewehr im Arm. Ich meine es gut mit Euch, und es hat mich schier erschreckt, als ich jüngst vernahm, Eure Minister beabsichtigen, Frankreich zu entwaffnen –
11. Da Ihr, trotz Eurer jetzigen Romantik, geborene Klassiker seid, so kennt Ihr den Olymp. Unter den nackten Göttern und Göttinnen, die sich dort bei Nektar und Ambrosia erlustigen, seht Ihr eine Göttin, die, obgleich umgeben von lauter Fröhlichkeit und Kurzweil, dennoch immer einen Panzer trägt und den Helm auf dem Kopf und den Speer in der Hand behält. Es ist die Göttin der Weisheit.
Source : http://gutenberg.spiegel.de/buch/378/5 Gutenberg.de (à partir, je pense, de la SekularAusgabe)