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L'astragale de Cassiopée
22 septembre 2012

peut-on se traduire soi-même, en toute justice ?

Voici un texte étonnant à plusieurs titres. D'abord il est prophétique, car il est publié en 1855. (Il a été écrit antérieurement). Rappelons que l'auteur est coutumier du fait, qui écrit en 1823 :

"Das war ein Vorspiel nur; dort wo man Bücher verbrennt, verbrennt man auch am Ende Menschen."(Almansor)" "Ce n'était qu'un prologue ; là où on brûle des livres, on finit par brûler aussi des hommes".

Ensuite l'auteur s'est traduit lui-même, ce qui ouvre le débat sur l'auto-traduction. Pour laisser à ce texte sa vigueur, je me suis contenté de numéroter des quasi-paragraphes en allemand et en français. Les lecteurs intéressés pourront copier cet extrait sur un traitement de texte quelconque et le réarranger à leur gré.

Il s'agit d'un extrait du chapitre 5 de Zur Geschichte der Religion und Philosophie in Deutschland  de Heinrich Heine traduit en français par Henri Heine sous le titre De l’Allemagne  

Henri Heine De l’Allemagne  NOUVELLE ÉDITION Entièrement revue et considérablement augmentée TOME PREMIER — PARIS — MICHEL LÉVY FRÈRES, ÉDITEURS RUE VIVIENNE, 2 BIS — 1855

 1. Le christianisme a adouci, jusqu'à un certain point, cette brutale ardeur batailleuse des Germains; mais il n’a pu la détruire, et quand la croix, ce talisman qui l'enchaîne, viendra à se briser, alors débordera de nouveau la férocité des anciens combattants, l'exaltation frénétique des Berserkers que les poètes du Nord chantent encore aujourd'hui.

2. Alors, et ce jour, hélas, viendra, les vieilles divinités guerrières se lèveront de leurs tombeaux fabuleux, essuieront de leurs yeux la poussière séculaire ; Thorse dressera avec son marteau gigantesque et démolira les cathédrales gothiques...

3. Quand vous entendrez le vacarme et le tumulte, soyez sur vos gardes, nos chers voisins de France, et ne vous mêlez pas de l'affaire que nous ferons chez nous en Allemagne : il pourrait vous en arriver mal. Gardez-vous de souffler le feu, gardez-vous de l'éteindre : car vous pourriez facilement vous brûler les doigts.

4. Ne riez pas de ces conseils, quoiqu'ils viennent d'un rêveur qui vous invite à Vous défier de kantistes, de fichtéens, de philosophes de la nature; ne riez point du poète fantasque qui attend dans le monde des faits la même révolution qui s'est opérée dans le domaine de l'esprit.

5. La pensée précède l’action comme l'éclair le tonnerre. Le tonnerre en Allemagne est bien à la vérité allemand aussi : il n’est pas très leste, et vient en roulant un peu lentement ; mais il viendra, et quand vous entendrez un craquement comme jamais craquement ne s'est fait encore entendre dans l'histoire du monde, sachez que le tonnerre allemand aura enfin touché le but.

6. A ce bruit, les aigles tomberont morts du haut des airs, et les lions, dans les déserts les plus reculés de l'Afrique, baisseront la queue et se glisseront dans leurs antres royaux. On exécutera en Allemagne un drame auprès duquel la révolution française ne sera qu'une innocente idylle. Il est vrai qu'aujourd'hui tout est calme, et si vous voyez çà et là quelques hommes gesticuler un peu vivement, ne croyez pas que ce soient les acteurs qui seront un jour chargés de la représentation. Ce ne sont que des roquets qui courent dans l’arène vide, aboyant et échangeant quelques coups de dent, avant l'heure où doit entrer la troupe des gladiateurs qui combattront à mort.

7. Et l'heure sonnera. Les peuples se grouperont comme sur les gradins d'un amphithéâtre, autour de l'Allemagne, pour voir de grands et terribles jeux. Je vous le conseille, Français, tenez-vous alors fort tranquilles, et surtout gardez-vous d'applaudir. Nous pourrions facilement mal interpréter vos intentions, et vous renvoyer un peu brutalement suivant notre manière impolie; car, si jadis, dans notre état d'indolence et de servage, nous avons pu nous mesurer avec vous, nous le pourrions bien plus encore dans l’ivresse arrogante de notre jeune liberté. Vous savez par vous-mêmes tout ce qu'on peut dans un pareil état, et cet état vous n'y êtes plus... Prenez donc garde!

8. Je n'ai que de bonnes intentions et je vous dis d'amères vérités. Vous avez plus à craindre de l'Allemagne délivrée, que de la sainte-alliance tout entière avec tous les Croates et les Cosaques. D'abord, on ne vous aime pas en Allemagne, ce qui est presque incompréhensible, car vous êtes pourtant bien aimables, et vous vous êtes donné , pendant votre séjour en Allemagne, beaucoup de peine pour plaire, au moins à la meilleure et à la plus belle moitié du peuple allemand ; mais lors même que cette moitié vous aimerait, c’est justement celle qui ne porte pas d'armes, et dont l’amitié vous servirait peu.

9. Ce qu'on vous reproche, au juste je n'ai jamais pu le savoir. Un jour, à Gœttingue, dans un cabaret à bière, un jeune Vieille-Allemagne dit qu'il fallait venger dans le sang des Français le supplice de Konradin de Hohenstaufen que vous avez décapité à Naples. Vous avez certainement oublié cela depuis longtemps ; mais nous n'oublions rien, nous.

10. Vous voyez que, lorsque l’envie nous prendra d'en découdre avec vous, nous ne manquerons pas de raisons d'Allemand. Dans tous les cas, je vous conseille d’être sur vos gardes ; qu'il arrive ce qu'il voudra en Allemagne, que le prince royal de Prusse ou le docteur Wirth parvienne à la dictature, tenez-vous toujours armés, demeurez tranquilles à votre poste, l'arme au bras. Je n'ai pour vous que de bonnes intentions, et j'ai presque été effrayé quand j'ai entendu dire dernièrement que vos ministres avaient le projet de désarmer la France...

11. Comme, en dépit de votre romantisme actuel, vous êtes nés classiques , vous connaissez votre Olympe. Parmi les joyeuses divinités qui s'y régalent de nectar et d'ambroisie, vous voyez une déesse qui, au milieu de ces doux loisirs, conserve néanmoins toujours une cuirasse, le casque en tête et la lance à la main.

C'est la déesse de la sagesse.

Source : http://books.google.fr (sérieusement revue, la saisie automatique Google étant très fautive)

 

Heinrich Heine: Zur Geschichte der Religion und Philosophie in Deutschland - Kapitel 5 

1. Das Christentum – und das ist sein schönstes Verdienst – hat jene brutale germanische Kampflust einigermaßen besänftigt, konnte sie jedoch nicht zerstören, und wenn einst der zähmende Talisman, das Kreuz, zerbricht, dann rasselt wieder empor die Wildheit der alten Kämpfer, die unsinnige Berserkerwut, wovon die nordischen Dichter so viel singen und sagen.

2. Jener Talisman ist morsch, und kommen wird der Tag, wo er kläglich zusammenbricht; die alten steinernen Götter erheben sich dann aus dem verschollenen Schutt, und reiben sich den tausendjährigen Staub aus den Augen, und Thor mit dem Riesenhammer springt endlich empor und zerschlägt die gotischen Dome.

3. Wenn Ihr dann das Gepolter und Geklirre hört, hütet Euch, Ihr Nachbarskinder, Ihr Franzosen, und mischt Euch nicht in die Geschäfte, die wir zu Hause in Deutschland vollbringen. Es könnte Euch schlecht bekommen. Hütet Euch das Feuer anzufachen, hütet Euch es zu löschen; Ihr könntet Euch leicht an den Flammen die Finger verbrennen.

4. Lächelt nicht über meinen Rat, über den Rat eines Träumers, der Euch vor Kantianern, Fichteanern und Naturphilosophen warnt. Lächelt nicht über den Phantasten, der im Reiche der Erscheinungen dieselbe Revolution erwartet, die im Gebiete des Geistes stattgefunden.

5. Der Gedanke geht der Tat voraus, wie der Blitz dem Donner. Der deutsche Donner ist freilich auch ein Deutscher und ist nicht sehr gelenkig und kommt etwas langsam herangerollt; aber kommen wird er, und wenn Ihr es einst krachen hört, wie es noch niemals in der Weltgeschichte gekracht hat, so wißt, der deutsche Donner hat endlich sein Ziel erreicht.

6. Bei diesem Geräusche werden die Adler aus der Luft tot niederfallen, und die Löwen in der fernsten Wüste Afrikas werden die Schwänze einkneifen und sich in ihren königlichen Höhlen verkriechen. Es wird ein Stück aufgeführt werden in Deutschland, wogegen die französische Revolution nur wie eine harmlose Idylle erscheinen möchte. jetzt ist es freilich ziemlich still; und gebärdet sich auch dort der eine oder der andre etwas lebhaft, so glaubt nur nicht, diese würden einst als wirkliche Akteure auftreten. Es sind nur die kleinen Hunde, die in der leeren Arena herumlaufen und einander anbellen und beißen, ehe die Stunde erscheint, wo dort die Schar der Gladiatoren anlangt, die auf Tod und Leben kämpfen sollen.

7. Und die Stunde wird kommen. Wie auf den Stufen eines Amphitheaters werden die Völker sich um Deutschland herumgruppieren, um das große Kampfspiel zu betrachten. Ich rate Euch, Ihr Franzosen, verhaltet Euch alsdann sehr stille, und bei Leibe! hütet Euch zu applaudieren. Wir könnten das leicht mißverstehen, und Euch, in unserer unhöflichen Art, etwas barsch zur Ruhe verweisen; denn wenn wir früherhin, in unserem servil verdrossenen Zustande Euch manchmal überwältigen konnten, so vermöchten wir es noch weit eher im Übermute des jungen Freiheitsrausches – Ihr wißt ja selber, was man in einem solchen Zustande vermag, und Ihr seid nicht mehr in einem solchen Zustande – nehmt Euch in Acht!

8. Ich meine es gut mit Euch, und deshalb sage ich Euch die bittere Wahrheit. Ihr habt von dem befreiten Deutschland mehr zu fürchten, als von der ganzen heiligen Allianz mitsamt allen Kroaten und Kosaken. Denn erstens liebt man Euch nicht in Deutschland, welches fast unbegreiflich ist, da Ihr doch so liebenswürdig seid und Euch, bei Eurer Anwesenheit in Deutschland, so viel Mühe gegeben habt, wenigstens der besseren und schöneren Hälfte des deutschen Volks zu gefallen. Und wenn diese Hälfte Euch auch liebte, so ist es doch eben diejenige Hälfte, die keine Waffen trägt und deren Freundschaft Euch also wenig frommt.

9. Was man eigentlich gegen Euch vorbringt, habe ich nie begreifen können. Einst im Bierkeller zu Göttingen äußerte ein junger Altdeutscher, daß man Rache an den Franzosen nehmen müsse für Conradin von Staufen, den sie zu Neapel geköpft. Ihr habt das gewiß längst vergessen. Wir aber vergessen nichts.

10. Ihr seht, wenn wir mal Lust bekommen mit Euch anzubinden, so wird es uns nicht an triftigen Gründen fehlen. Jedenfalls rate ich Euch daher auf Eurer Hut zu sein. Es mag in Deutschland vorgehen was da wolle, es mag der Prinz von Kyritz oder der Doktor Wirth zur Herrschaft gelangen, haltet Euch immer gerüstet, bleibt ruhig auf Eurem Posten stehen, das Gewehr im Arm. Ich meine es gut mit Euch, und es hat mich schier erschreckt, als ich jüngst vernahm, Eure Minister beabsichtigen, Frankreich zu entwaffnen –

11. Da Ihr, trotz Eurer jetzigen Romantik, geborene Klassiker seid, so kennt Ihr den Olymp. Unter den nackten Göttern und Göttinnen, die sich dort bei Nektar und Ambrosia erlustigen, seht Ihr eine Göttin, die, obgleich umgeben von lauter Fröhlichkeit und Kurzweil, dennoch immer einen Panzer trägt und den Helm auf dem Kopf und den Speer in der Hand behält. Es ist die Göttin der Weisheit.

Source : http://gutenberg.spiegel.de/buch/378/5 Gutenberg.de (à partir, je pense, de la SekularAusgabe)

 

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Commentaires
E
Untergang, quel naufrage<br /> <br /> <br /> <br /> Börne et Heine sont associés ailleurs, au titre de "poètes juifs", dans le texte tristement célèbre de Wagner, das Judent[h]um in der Musik (avec Meyerbeer en ligne de mire). L’article, dans sa version de 1850, se termine sur l'évocation fort ambiguë de ces deux là ; ce qui peut passer pour un compliment (si on lit vraiment rapidement) se retourne immédiatement en agression et pis encore en volonté de récupération comme machine de guerre contre leur origine : HH ne pouvait émerger qu'en période de décadence, et son principal mérite, poussé qu'il était par "le démon de la négation" (« der unerbittliche Dämon des Verneinens »), consistait apparemment à flageller impitoyablement ses coreligionnaires musiciens (« Auch seine berühmten musikalischen Stammesgenossen geißelte er unbarmherzig ») ; mais le railleur a eu le grand tort de ne pas s’inclure lui-même dans sa volonté de désillusionner — il s’est cru poète (et a été bien puni d’être mis en musique par nos compositeurs).<br /> <br /> Quant à Börne :<br /> <br /> « Nous devons encore parler d'un autre Juif qui s'est fait connaître chez nous comme écrivain, il quitta sa position spéciale de Juif et chercha auprès de nous la Rédemption. Il ne la trouva pas. » <br /> <br /> (« Noch einen Juden haben wir zu nennen, der unter uns als Schriftsteller auftrat. Aus seiner Sonderstellung als Jude trat er Erlösung suchend unter uns: er fand sie nicht »). <br /> <br /> « Mais devenir homme, correspond pour le Juif à ne plus être Juif. » (« Gemeinschaftlich mit uns Mensch werden, heißt für den Juden aber zu allernächst so viel als: aufhören, Jude zu sein. »)<br /> <br /> <br /> <br /> Selon RW, tout le monde est bien sur invité à prendre part à l’œuvre rédemptrice (censée faire accéder à l’universel : « nous serons alors unis et tous pareils »), mais l’éternel soupçon de traîtrise apparaît dans le même souffle (avec l’avertissement « en toute loyauté ») et surtout la conclusion nous apparaît terriblement révélatrice : <br /> <br /> « mais songez bien qu’une seule chose peut vous conjurer de la malédiction qui pèse sur vous, la rédemption d’Ahasvérus : l’anéantissement. » <br /> <br /> « Aber bedenkt, daß nur Eines eure Erlösung von dem auf euch lastenden Fluche sein kann: die Erlösung Ahasvers, – der Untergang! »<br /> <br /> <br /> <br /> Le choix du terme dans la traduction de B. de Trèves (mais je ne pense pas que « disparition » aurait été beaucoup plus rassurant), sa place comme dernier mot du pamphlet dans sa version de 1850, voilà qui fait frissonner — et toutes les notes explicatives incitant à éviter l’anachronisme et indiquant un sens « théologique » n’y peuvent rien.<br /> <br /> <br /> <br /> http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5469256g/f33.image.r=Mozart.langFR
J
Merci Elena, de cet éclairage bienvenu sur un Allemand de la première émigration, cent ans avant l'autre. J'avoue ne pas connaître ce Ludwig Börne. C'est le problème avec les polémiques ; on rend célèbre son adversaire même si celui-ci n'en vaut pas trop la peine.Sans remonter à l'In Verrem de Cicéron, la "petite phrase" comme on dit aujourd'hui en politique de Voltaire sur Fréron a sauvé ce dernier d'un oubli total. <br /> <br /> Un serpent piqua Jean Fréron <br /> <br /> Qe pensez-vous qu'il arriva ?<br /> <br /> Ce fut le serpent qui creva <br /> <br /> (cité de mémoire, bien entendu...)
E
Tempêtes et naufrages dans les eaux agitées de la politique<br /> <br /> <br /> <br /> Hans Blumenberg appelle "pamphlet" (du moins c'est ainsi que le rend son traducteur, Laurent Cassagnau) cet ouvrage écrit sur, ou selon Blumenberg "contre", Ludwig Börne (1786-1837). Journaliste patriote et républicain allemand, auteur des Lettres de Paris (1832-34), celui qui s'est d'abord appelé Baruch Löb est en qq sorte le "frère ennemi" de H. Heine. <br /> <br /> Blumenberg pointe "le cynisme de la scène dans laquelle [Heine] imagine sa rencontre en haute mer avec l'antipode qui a fait naufrage et sur lequel il jette le regard du spectateur afin de pouvoir continuer son voyage." Ce qui intéresse surtout Blumenberg dans cette scène métaphorique ce sont "les raisons invoquées pour se détourner du contemporain, du témoin oculaire".<br /> <br /> <br /> <br /> Après un séjour idyllique de 3 jours à Francfort (en 1812), Börne le regarde partir en malle-poste :<br /> <br /> • "Als ich schon im Coupé des Postwagens saß, blickte er mir noch lange nach, wehmütig, wie ein alter Seemann, der sich aufs feste Land zurückgezogen hat und sich von Mitleid bewegt fühlt, wenn er einen jungen Fant sieht, der sich zum ersten Male aufs Meer begibt ... Der Alte glaubte damals, dem tückischen Elemente auf ewig Valet gesagt zu haben und den Rest seiner Tage im sichern Hafen beschließen zu können." <br /> <br /> •• "J’étais déjà assis dans le coupé de la malle-poste ; il me regarda encore longtemps, tristement, comme un vieux nautonier qui s’est retiré sur terre ferme, et se sent ému de pitié en voyant un jeune gars prendre la mer pour la première fois. Le vétéran croyait avoir dit adieu pour jamais à l’élément perfide, et pouvoir finir ses jours tranquillement au port."<br /> <br /> <br /> <br /> Il se souvient de ce moment lorsqu'il écrit, un quart de siècle plus tard, alors qu'il sait que la situation allait se renverser. <br /> <br /> • "Armer Mann! Die Götter wollten ihm diese Ruhe nicht gönnen! Er mußte bald wieder hinaus auf die hohe See, und dort begegneten sich unsere Schiffe, während jener furchtbare Sturm wütete, worin er zugrunde ging."<br /> <br /> •• "Pauvre homme ! Les dieux ne voulurent pas lui accorder le repos ! Il lui fallut retourner bientôt sur la haute mer, et, là, nos vaisseaux se rencontrèrent pendant la tempête furieuse où il devait périr." <br /> <br /> HH fait allusion à la participation du républicain Börne aux suites de la révolution de Juillet 1830, "au cours de laquelle il repoussa Heine et en fil le représentant d'un esthétisme politiquement peu crédible."<br /> <br /> <br /> <br /> Mais HH ayant survécu à son aîné, il aura le dernier mot — en figurant dans ce Denkschrift de 1840 L. Börne en plein naufrage politique :<br /> <br /> • "Wie das heulte! wie das krachte! Beim Licht der gelben Blitze, die aus dem schwarzen Gewölk herabschössen, konnte ich genau sehen, wie Mut und Sorge auf dem Gesichte des Mannes schmerzlich wechselten! Er stand am Steuer seines Schiffes und trotzte dem Ungestüm der Wellen, die ihn manchmal zu verschlingen drohten, manchmal ihn nur kleinlich bespritzten und durchnäßten, was einen so kummervollen und zugleich komischen Anblick gewährte, daß man darüber weinen und lachen konnte. Armer Mann! Sein Schiff war ohne Anker und sein Herz ohne Hoffnung. Ich sah, wie der Mast brach, wie die Winde das Tauwerk zerrissen ... Ich sah, wie er die Hand nach mir ausstreckte ..."<br /> <br /> •• "Quels hurlements ! quels craquements terribles ! À la lueur des jaunes éclairs qui entr’ouvraient les noires nuées, je pus voir le courage et l’inquiétude se succéder douloureusement sur son visage ! Il était au gouvernail de son navire, et bravait le courroux des vagues qui parfois menaçaient de l’engloutir, parfois seulement l’arrosaient et l’inondaient ; ce qui offrait un coup d’œil lamentable et comique, de sorte qu’on pouvait tout ensemble pleurer et rire. Pauvre homme ! Son vaisseau n’avait plus d’ancre, et son cœur était sans espoir… Je vis son mât se briser, les vents déchirer ses cordages… Je le vis tendre la main vers moi…" <br /> <br /> <br /> <br /> Pour Blumenberg: "Heine reconnaît n'avoir pas saisi la main que celui-ci lui tendait. Et il ajoute en plus qu'il n'aurait pas eu le droit de la saisir pour ne pas mettre en danger le précieux chargement, les trésors sacrés qui lui avaient été confiés. C'est la formule terrible de tous ceux qui, dans le présent, nient la petite humanité pour satisfaire à celle, prétendument plus importante, de l'avenir. La formule de celui qui passe à coté du naufragé sans s'arrêter est d'une précision singulière et glaciale":<br /> <br /> •" Ich durfte sie nicht erfassen, ich durfte die kostbare Ladung, die heiligen Schätze, die mir vertraut, nicht dem sicheren Verderben preisgeben ... Ich trug an Bord meines Schiffes die Götter der Zukunft."<br /> <br /> •• "Je ne pouvais la saisir, je ne pouvais livrer à une perte certaine le précieux chargement, les trésors sacrés qui m’étaient confiés… Je portais à bord de mon vaisseau les dieux de l’avenir." <br /> <br /> (Hans Blumenberg, Naufrage avec spectateur, 77-79; j'ai complété le texte de HH et retrouvé sa version allemande sur le Projekt Gutenberg-DE du Spiegel-online)
E
Prophète ou pas ? <br /> <br /> HH présente la chose d'une façon intéressante (une dénégation qui ressemble à une déclaration de méthode) dans le deuxième volume de son Ludwig Börne Eine Denkschrift (en français, traduction attribuée à HH, mais faut-il le croire, dans Satires et portraits) :<br /> <br /> « Was mag das Schicksal den Deutschen aufsparen? Ich prophezeie nicht gern, und ich halte es für nützlicher, von der Vergangenheit zu berichten, in welcher die Zukunft sich spiegelt. » <br /> <br /> Qu’est-ce que le sort réserve aux Allemands ? Je n’aime pas à prophétiser, et je crois qu’il vaut mieux relater le passé, dans lequel se reflète l’avenir. »
E
Merci J-o ; je savais que Nerval avait traduit certains de ses poèmes, mais je pensais que HH s'était lui-même chargé des autres. Une consolation, je ne suis pas la seule à m'y être fait prendre :<br /> <br /> "Il faut souligner un fait capital concernant ces traductions: à partir de 1835, la totalité d'entre elles, hormis celles de Nerval, furent publiées sans indication du nom du traducteur. Tout portait ainsi à croire — et c'était bien l'opinion la plus répandue — que Heine avait personnellement composé une version française de ses poèmes. Il était lui-même à l'origine de cette mystification. […] Heine préférait passer sous silence le fait qu'il ne maîtrisait pas le français au point de pouvoir écrire des œuvres littéraires directement dans cette langue. Dans la mesure où il revoyait et corrigeait très précisément ses traductions, il n'est cependant pas abusif de lui en attribuer en partie la paternité."<br /> <br /> (Source: Heine en français: brève histoire d'une réception difficile, par Isabelle Kalinowski sur Persée)<br /> <br /> http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1998_num_28_101_4326<br /> <br /> <br /> <br /> Si par hasard vous ne le connaissiez pas, le reste de l'article vous intéressera sans doute, notamment les réflexions sur l'abandon de la structure rythmique mais aussi sur l'impératif de fidélité au texte et de littéralité … à partir de la traduction (celle-là aussi de Nerval) de Meeresstille.
L'astragale de Cassiopée
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