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L'astragale de Cassiopée
21 septembre 2012

Roumanie : confusion entre l'Eglise et l'Etat ?

Roumanie : confusion entre l'Eglise et l'Etat ?

un article de OpenDemocracy signale l'apparition de conflits au sein de l'orthodoxie roumaine. On croit ressentir un vague parfum de Martin Luther ..... Le texte a été traduit rapidement, je demande donc aux lecteurs de m'octroyer l'indulgence.

Luke Dale-Harris , 19 Septembre 2012

Les hommes politiques exercent leur fonction au sein d'une démocratie et peuvent ne pas être réélus. En revanche ce n’est pas le cas de l'Église orthodoxe roumaine, et cette forteresse de puissance et d’influence crée une forme d’autorité inamovible.

La destitution forcée du président roumain Bascescu a mis en question la démocratie roumaine, résonant tout l'été dans les médias, menant à la préoccupation puis à la condamnation en provenance de Bruxelles pour finir par plus ou moins se résoudre avec le référendum du 29 Juillet . Même si l'importance de l’événement ne peut être déniée, une autre influence, peut-être plus menaçante pour la démocratie dans ce pays reste largement ignorée, car elle s'étale à la fois au-dessus des partis politiques, et au-dessous du radar de la presse, avec son pouvoir enraciné dans l’âme du peuple et ses conflits qui se jouent dans de tout petits villages - celle de l'Église orthodoxe roumaine (ROC).  

Vingt ans après la mort de Ceausescu et du communisme roumain, l'Église orthodoxe roumaine est à nouveau partout en Roumanie. Depuis les écoles, les hôpitaux et les pénitenciers, jusqu’à presque toutes les salles à manger du pays, les icônes de la religion orthodoxe semblent conforter les statistiques qui classent le pays au sixième rang parmi les plus religieux du monde et l'Église comme l’institution la plus respectée de Roumanie.

En réalité, les choses sont plus compliquées. En même temps que les Roumains se montrent sincèrement croyants, il ya ce que l’historien de l'Église Liviu Andrescu considère comme «un mécontentement généralisé» avec l’Église orthodoxe roumaine, sa corruption généralisée, l'affichage ostentatoire de sa richesse et son influence politique croissante. Étant donné que «l'allégeance publique à l'Église n'a jamais été vérifiée ou testée de façon significative », Andrescu considère que «le soutien du public pourrait être moins profond qu'il n'y paraît.

Ce paradoxe est apparu avec l'escalade dramatique dans un petit village à l'est de Bucarest cours des dernières années. Les événements qui se sont déroulés autour d'un jeune prêtre nommé Casian Pandelica ont mis au jour la colère des habitants et le potentiel de violence et d’autocratie de l'Église orthodoxe roumaine.

Ça a commencé en 2009 avec une plainte officielle lancée par Pandelica à propos des activités de collecte de fonds de l'Église. Sa position de curé du village l’amenait à collecter des fonds selon un quota mensuel auprès des villageois, allant de porte à porte demander de l’argent. «Si les gens refusaient de payer, nous devions les faire chanter, en leur disant que l'Église ne leur pardonnerait pas leurs péchés ou qu'ils ne seraient pas enterrés à leur mort ». Ils donnaient toujours l'argent, dit-il, mais ne voyaient jamais aucun retour. «Personne n'a jamais su à quoi il servait. Il était remis à l'évêque local et c’était tout. Envolé. Et ce n'était que le premier maillon d'une chaîne de corruption tout au long de l'administration de l'Eglise ».

Quelques semaines après la plainte Pandelica, on lui a annoncé qu'il était muté, pour une durée indéterminée, dans un monastère isolé dans ..... Quand il a refusé, pour raisons de famille, il a été écarté de sa position dans l'église. Diplômé en sciences politiques comme en théologie, Pandelica a noté que cela contrevenait à ses droits de travailleur dans le cadre du droit constitutionnel roumain, et il a donc décidé de contester la décision devant les tribunaux. On lui a dit que dans des circonstances normales il aurait eu raison, mais que les employés de l'Église étaient soumis à une législation différente, celle de la Cultelor Legea, ou loi des Cultes, aux termes de laquelle aucune charge interne ne peut être retenue contre l'Église. 

Pendant ce temps un nouveau prêtre avait été installé à la place de Pandelica et il collectait l'argent auprès des villageois à un taux accru. Consternés par l'injustice d'une taxe non-officielle qu'ils ne pouvaient pas régler, les gens ont commencé à venir voir Pandelica pour lui demander soutien, d'abord quelques-uns, puis de plus en plus au cours des mois suivants.

Pandelica a commencé à servir l’office aux croyants mécontents dans sa propre maison, prêchant exactement la foi enseignée par l'Église, mais sans les pressions qu'exerce l'institution sur ses fidèles. Rapidement, la congrégation a cru et peu après, la quasi-totalité des 300 habitants du village étaient présents, les uns entassés dans son salon et les autres écoutant par les fenêtres ouvertes sur l'extérieur. Sur la place du village, l'église laïque était pratiquement vide.

En Roumanie, contrairement à une opinion répandue, presque toutes les églises appartiennent à l'Etat, pour être mises à disposition de toute institution religieuse représentant les demandes de sa congrégation. Le sachant, Pandelica se mit à remplir les conditions légales nécessaires pour accorder à sa congrégation un statut officiel de religion autonome et, une fois ceci accompli, il reprit ses offices à l'église du village.

Vers la même époque, Pandelica fut approché par le Parti libéral roumain (PDL) qui, voyant sa popularité locale, lui a demandé de se présenter comme candidat lors des prochaines élections. Il a accepté, en disant qu'il savait que «pour avoir un impact significatif sur les affaires de l’église en Roumanie, on doit aussi être impliqué dans la politique."

Les choses se sont passées en douceur au début, sa position politique bénéficiait d’un large soutien et sa congrégation croissant et multipliant, des chrétiens venant des quatre coins du pays découvrir par eux-mêmes ce nouveau mouvement. Puis, un matin, au printemps de cette année , Pandelica a été réveillé par des cris et des coups violents sur la porte de sa maison. Ouvrant la porte en robe de chambre, il a trouvé un groupe d’officiels du clergé orthodoxe, accompagnés par la police militaire. Ils avaient avec eux un décret présidentiel qui interdisait à Pandelica et à sa congrégation l'utilisation de l'église du village.

Comme Pandelica protestait depuis sa porte, les villageois, également réveillés par le bruit et les cris de la police, ont commencé à sortir de leurs maisons et à se rassembler devant l'église, la porte fermée derrière eux. Il y avait plus de cent personnes lorsque la police est intervenue avec des matraques, tabassant tous ceux qui refusaient de se disperser et en laissant deux hospitalisés avec des os brisés. Une fois les marches évacuées, ils ont enfoncé les portes de l'église et l’ont occupée pendant deux jours, jusqu'à ce que de nouvelles serrures et un système d'alarme ait été installé.

Quelques jours plus tard, Pandelica a été abandonné par le PDL. La députée Cristina Pocora a fait une déclaration à la presse pour annoncer que : «Si l'Église a rejeté Casian Pandelica pour désobéissance et violation des règles de l'Église, alors cet homme n'est ni mon collègue ni un représentant du PDL ». Compte tenu du soutien essentiel de l'Église pour assurer les votes dans les régions rurales, on peut supposer que les motifs de la volte-face du parti ne sont pas étrangers aux pressions de l'Église orthodoxe roumaine.

Pour l'instant, il semble que Pandelica soit tenu en échec. Avec tous les moyens juridiques et politiques bloqués par la ROC et des médias locaux qui restent largement indifférents, il n'existe pas de plate-forme à partir de laquelle sa voix, et celle de la communauté qui se tient derrière lui, puisse être entendue.

Pourtant, c'est le moment où c’est le plus nécessaire. L'Église orthodoxe roumaine a connu une croissance rapide depuis sa libération des contraintes du communisme en 1989, et ces quatre dernières années ont vu une augmentation sans précédent de son pouvoir et de son influence sociale. Comme l'État a rétréci du fait des sévères mesures d'austérité imposés par l’Union Européenne, l'Église orthodoxe roumaine (déjà largement considérée comme l’institution la plus riche du pays bien que ses comptes non publiés rendent le fait impossible à confirmer) a connu une hausse spectaculaire de son financement par l'État ainsique la mise en place d'un nouvelle loi prévoyant un «partenariat spécial» dans le domaine de l'assistance sociale, les services sociaux fournis par l'Église étant financés à 80% par l'État. Avec plus de la moitié des écoles et des hôpitaux du pays fermés ou fusionnés au cours des 18 derniers mois, l'influence ROC prend une énorme portée. Le principe de l'Église orthodoxe roumaine, c'est que l'Église et l'État doivent travailler en étroite collaboration, Bogdan Ivanov, un représentant de haut niveau, annonçant: «L'Église est mieux à même que l'État de distribuer l'argent public et à proposer les services dont la société a besoin.

Compte tenu de la corruption qui ronge la vie politique roumaine et la méfiance des Roumains face à leurs dirigeants politiques, il est possible que Bogdan Ivanov ait raison. Mais les hommes politiques exercent leur fonction au sein d'une démocratie et peuvent être révoqués. Ce n’est pas le cas de l'Église orthodoxe roumaine, et cette forteresse de puissance et d’influence constitue une forme d’autorité inamovible, laquelle ne représente pas l'ensemble du pays, mais une partie décroissante de sa population. Comme l'Église orthodoxe roumaine dépasse les lignes jaunes tant juridiques que démocratiques, le mécontentement populaire ne trouve pas de moyens d'expression et ceux qui n'appartiennent pas à ses congrégations seront de plus en plus marginalisés.

Pandelica évoque d'autres exemples à travers le pays où les prêtres se sont dressés contre l'Église orthodoxe roumaine et où leurs congrégations ont suivi. « L'Église, dit-il, a toujours réagi avec un maximum de violence. Ils sont tout à fait conscients que le mécontentement se propage et et va rapidement saper l'autorité de l'Église orthodoxe roumaine. 

source : http://www.opendemocracy.net/luke-dale-harris/romania-church-and-state trad. J-o

 

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