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L'astragale de Cassiopée
9 juillet 2012

à propos des Vagues de Virginia Wollf

 

Pierre Assouline parle sur son blog des Vagues de V. Woolf. Paul Edel lui répond. Voici un extrait  bilingue des Interludes. S'il y a une demande, je mettrai les autres en ligne

THE WAVES de Virginia Woolf Traduites par Marguerite Yourcenar

Le premier interlude en version juxtalinéaire anglais-français

The sun had not yet risen. The sea was indistinguishable from the sky, except that the sea was slightly creased as if a cloth had wrinkles in it. Gradually as the sky whitened a dark line lay on the horizon dividing the sea from the sky and the grey cloth became barred with thick strokes moving, one after another, beneath the surface, following each other, pursuing each other, perpetually.

Le soleil ne s'était pas encore levé. La mer et le ciel eussent semblé confondus, sans les mille plis légers des ondes pareils aux craquelures d'une étoffe froissée. Peu à peu, à mesure qu'une pâleur se répandait dans le ciel, une barre sombre à l'horizon le sépara de la mer, et la grande étoffe grise se raya de larges lignes bougeant sous sa surface, se suivant, se poursuivant l'une l'autre en un rythme sans fin.

As they neared the shore each bar rose, heaped itself, broke and swept a thin veil of white water across the sand. The wave paused, and then drew out again, sighing like a sleeper whose breath comes and goes unconsciously. Gradually the dark bar on the horizon became clear as if the sediment in an old wine-bottle had sunk and left the glass green. Behind it, too, the sky cleared as if the white sediment there had sunk, or as if the arm of a woman couched beneath the horizon had raised a lamp and flat bars of white, green and yellow spread across the sky like the blades of a fan. Then she raised her lamp higher and the air seemed to become fibrous and to tear away from the green surface flickering and flaming in red and yellow fibres like the smoky fire that roars from a bonfire.

Chaque vague se soulevait en s'approchant du rivage, prenait forme, se brisait, et traînait sur le sable un mince voile d'écume blanche. La houle s'arrêtait, puis s'éloignait de nouveau, avec le soupir d'un dormeur dont le souffle va et vient sans qu'il en ait conscience. Peu à peu la barre noire de l’horizon s'éclaircit : on eût dit que de la lie s'était déposée au fond d'une vieille bouteille, laissant leur transparence aux vertes parois de verre. Tout au fond, le ciel lui aussi devint translucide comme si un blanc sédiment s'en était détaché, ou comme si le bras d'une femme couchée sous l'horizon avait soulevé une lampe : des bandes de blanc, de jaune, de vert s'allongèrent sur le ciel comme les branches plates d'un éventail. Puis la femme invisible souleva plus haut sa lampe ; l'air enflammé parut se diviser en fibres rouges et jaunes, s'arracher à la verte surface dans une palpitation brûlante, comme les lueurs fumeuses au sommet des feux de joie.

Gradually the fibres of the burning bonfire were fused into one haze, one incandescence which lifted the weight of the woollen grey sky on top of it and turned it to a million atoms of soft blue. The surface of the sea slowly became transparent and lay rippling and sparkling until the dark stripes were almost rubbed out. Slowly the arm that held the lamp raised it higher and then higher until a broad flame became visible; an arc of fire burnt on the rim of the horizon, and allround it the sea blazed gold.

Peu à peu les fibres se fondirent en une seule masse incandescente ; la lourde couverture grise du ciel se souleva, se transmua en un million d'atomes bleu tendre. La surface de la mer devint lentement transparente; les larges lignes noires disparurent presque sous ces ondulations et sous ces étincelles. Le bras qui tenait la lampe l'éleva sans hâte : une large flamme apparut enfin. Un disque de lumière brûla sur le rebord du ciel, et la mer tout autour ne fut plus qu'une seule coulée d'or.

The light struck upon the trees in the garden, making one leaf transparent and then another. One bird chirped high up; there was a pause; another chirped lower down. The sun sharpened the walls of the house, and rested like the tip of a fan upon a white blind and made a blue finger-print of shadow under the leaf by the bedroom window. The blind stirred slightly, but all within was dim and unsubstantial. The birds sang their blank melody outside.

La lumière frappa tour à tour les arbres du jardin, et les feuilles devenues transparentes s'éclairèrent l'une après l'autre. Un oiseau gazouilla, très haut ; il y eut un silence ; plus bas, un autre oiseau reprit le même chant. Le soleil rendit aux murs leurs arêtes tranchantes, le bout de l'éventail du soleil s'appuya contre un store blanc ; le doigt du soleil marqua d'ombres bleues un bouquet de feuilles près d'une fenêtre de chambre à coucher. Le store frémit doucement, mais tout dans la maison restait vague et sans substance. Au dehors, les oiseaux chantaient leurs mélodies vides.

‘I see a ring,’ said Bernard, ‘hanging above me’.... [from page 5] ..... [to page 19] these endless paths, with people pursuing, pursuing.’

Je vois un anneau suspendu au-dessus de ma tête, dit Bernard.  ....Dans les allées sans fin où des gens me poursuivent, me poursuivent…..

 

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Commentaires
C
"-Maintenant, dit Bernard, l'heure est venue. Le jour est venu. Le taxi est à la porte. Mon énorme malle pèse sur les jambes arquées de George. L'horrible cérémonie est terminée, les tapes dans le dos, les au revoir dans le hall. Il y a encore la cérémonie gorge serrée avec ma mère, poignée de main avec mon père ; il faut encore faire signe, continuer jusqu'au tournant. La cérémonie est terminée. Toutes les cérémonies, grâce au Ciel. Je suis seul ; je vais à l'école pour la première fois."
C
des adieux à ma mère, pleine de sanglots étouffés ; et les adieux à mon père, qui me serre la main. Et maintenant, il faut que je continue à agiter mon mouchoir. Je dois continuer à agiter mon mouchoir jusqu'à ce que nous ayons tourné le coin. Enfin, toute cette cérémonie est terminée. Grâce à Dieu toutes les cérémonies sont terminées. Je suis seul. Je vais au collège pour la première fois de ma vie."
C
Après le 2e interlude (aux environs de la page 29). Je copie les deux. pourriez-vous, Jean-Ollivier les comparer à la version originale de V.Woolf. Car cela me parait vraiment différent et j'ai, feuilletant les deux traductions, une préférence pour celle de M.Yourcenar...<br /> <br /> Trad.M.Y<br /> <br /> "Et maintenant, dit Bernard, le moment est venu. Le jour est venu. Le fiacre attend à la porte. Le poids de ma graznde malle arque plus que jamais les jambes cagneuses de Georges. C'est fini, cette odieuse cérémonie, ces pourboires, ces adieux dans le vestibule... Puis, vient la cérémonie
C
Merci, Jean-Ollivier de ce rappel. Ce livre de Virginia Woolf, traduit par Marguerite Yourcenar, est d'une grande Beauté. Quelle finesse dans ces monologues intérieurs suivant les pensées de chacun des six personnages comme des...vagues. Six qui pourraient n'être qu'un seul (qu'une seule) posant toutes les questions qui traversent une vie et approchant la mort. Je suis heureuse Que Paul Edel ait aimé ce livre dans cette traduction...
J
... ce qu'on lui doit. Sa traduction date de 1937, V. Woolf était inconnue ou à peu près, c'était un texte difficile à faire passer (la preuve par la RdL).<br /> <br /> Je trouve qu'elle s'en sort bien ; heureusement elle n'avait pas lu les tonnes d'analyses sur VW psychanalytiques, homosexuelles, politiques, "gender studies" etc. qui ont suivi.
L'astragale de Cassiopée
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