l'énigme de ce soir, et de bien d'autres hélas : Pourquoi nous haïssent-ils ?
l'énigme de ce soir n'est pas drôle : pourquoi nous haïssent-ils ? est un article de Mona Eltahawy une journaliste égypto-américaine. En novembre 2011, la police égyptienne l’a tabassée, lui brisant le bras gauche et la main droite, et l’a agressée sexuellement. Elle a été détenue par le Ministère de l’Intérieur let la Sécurité militaire pendant 12 heures.
Elle nous explique que le vraie guerre contre les femmes se passe au Moyen-Orient. La source est : http://www.foreignpolicy.com/articles/2012/04/23/why_do_they_hate_us.
Comme d'habitude j'ai traduit assez rapidement, avec l'aide (???) du système automatique de FPforeignpolicy.com, et malgré le soin apporté à me relire, je peux avoir fait des erreurs d'interprétation. Il est donc bon d'aller voir l'original.
Pour situer le niveau de ce traducteur automatique, et pour sourire un peu, le titre "why_do_they_hate_us" est devenu "Pourquoi haïssent-ils les Etats-Unis ?" Exceptionnalisme américain, quand tu nous tiens ...
Dans sa “Vue éloignée d'un minaret”, la défunte et trop négligée auteure égyptienne Alifa Rifaat, commence sa nouvelle par une femme si peu émue par le fait de faire l’amour avec son mari, qu’alors que celui-ci se concentre seulement sur son propre plaisir, elle remarque une toile d'araignée qu'elle va devoir chasser du plafond, et elle a le temps de ruminer sur le refus répété de son mari de prolonger les rapports jusqu'à ce qu’elle jouisse aussi, comme s’il le faisait exprès pour la frustrer. Juste comme son mari lui refuse un orgasme, l'appel à la prière interrompt le sien propre, et l'homme s’en va. Après s’être lavée, elle se perd en prière, tellement plus satisfaisante qu’elle ne peut attendre jusqu’à la prochaine prière – et regarde dehors la rue depuis son balcon. Elle interrompt sa rêverie pour préparer avec dévouement le café pour son mari après sa sieste. En le portant à leur chambre à coucher pour le verser devant lui comme il aime, elle note qu'il est mort. Elle donne ordre à leur fils d’aller chercher un docteur. “Elle revint à la salle de séjour et se versa le café pour elle-même. Elle était étonnée de son propre calme”, écrit Rifaat.
En trois pages et demie acérées, Rifaat présente un trifecta de sexe, de mort, et de religion, un bulldozer qui écrase le déni et la l’attitude de défense pour atteindre au coeur palpitant de la mysogynie au Moyen-Orient. Aucune pilule n’est dorée ici. Ils ne nous détestent pas en raison de nos libertés, comme le vieux cliché américain post 11 septembre le prétend. Nous n'avons pas une seule liberté parce qu'ils nous détestent, comme cette femme arabe le dit si fort.
Oui : Ils nous haïssent. Il faut le dire.
Certains peuvent demander pourquoi je soulève cette histoire maintenant, à un moment où l’ensemble de la région s’est soulevé, alimenté non pas par la haine habituelle de l'Amérique et d’Israël mais par une exigence générale de liberté. Après tout, chacun ne devrait-il pas obtenir les droits fondamentaux d'abord, avant que les femmes n’exigent un traitement spécial ? Et qu’est-ce que le genre, ou plutôt le sexe, a à faire avec le printemps Arabe ? Mais Je ne parle pas du sexe dissimulé dans les recoins sombres et derrière les portes fermées des chambres à coucher. Un système économique politique et global - un qui traite la moitié de l'humanité comme des animaux -- doit être détruit tout comme les autres tyrannies plus visibles qui obstruent l’accès de la région à son futur. Tant que la fureur ne se sera pas déplacée des oppresseurs dans nos palais présidentiels aux oppresseurs dans nos rues et dans nos maisons, notre révolution n'aura pas même commencé.
Bien sûr, c’est un fait, les femmes ont des problèmes partout dans le monde ; oui, les Etats-Unis ont encore à élire une présidente ; et oui, les femmes continuent d’être des objets dans beaucoup de pays “occidentaux” (je vis dans l'un d'entre eux). C’est là que la conversation prend habituellement fin quand vous essayez de discuter pourquoi les sociétés arabes détestent les femmes.
Mais laissons de côté ce que les États-Unis font ne ou ne font pas pour les femmes. Nommez-moi un pays arabe, et je pourrai vous réciter une litanie d'abus alimentés par un mélange funeste (toxic) de culture et de religion, que bien peu semblent pouvoir ou vouloir démêler de peur de blasphémer ou d’offenser. Lorsque plus de 90 pour cent des femmes mariées en Egypte, y compris ma mère et toutes sauf une de ses six sœurs - ont eu leurs organes génitaux amputés au nom de la pudeur, alors sûrement que nous devons toutes blasphémer. Lorsque les femmes égyptiennes sont soumises à des tests de virginité “humiliants” simplement pour s’être exprimées, ce n’est pas le temps du silence. Quand un article dans le code pénal égyptien dit que si une femme a été battue par son mari dans “de bonnes intentions” aucune indemnité pour dommages-intérêts (punitive damages) ne peut être obtenue, alors au diable le politiquement correct. Et qu’est-ce, je vous prie, que sont ces “bonnes intentions”? Elles sont légalement réputées comprendre toute frappe “sans gravité”» ou “directement sur la figure”. Ce que tout cela signifie, c'est que lorsqu’il s'agit de la condition des femmes au Moyen-Orient, ce n'est pas mieux que vous le pensez. C'est bien, bien pire. Même après ces “révolutions”, on considère plus ou moins que tout va bien en ce monde tant que les femmes sont couvertes, ancrées à la maison, privées du simple droit de se déplacer en prenant leur propre voiture, forcées d'obtenir la permission des hommes pour voyager, et incapables de se marier sans la bénédiction d'un tuteur masculin – pas plus que de divorcer.
Il n’y a pas un seul pays arabes qui s’inscrive dans le “top 100” du rapport global sur la discrimination sexuelle du World Economic Forum (World Economic Forum Gender Gap Report), inscrivant solidement la région dans son ensemble au fin fond du classement planétaire. Pauvres ou riches, nous haïssons tous nos femmes. Les deux pays voisins que sont l'Arabie saoudite et le Yémen, par exemple, peuvent bien se situer à des années-lumière l’un de l’autre en termes de P.I.B., mais seulement quatre places les séparent dans l'index, avec le royaume saoudite au 131ème rang et le Yémen au 135ème sur 135 pays. Le Maroc, souvent vanté pour son droit de la famille “progressiste” (en 2005 un rapport d’experts(?) occidentaux en faisait “un exemple pour les pays musulmans visant à s'intégrer dans la société moderne”), est au 129ème rang ; selon le ministère du Maroc de la Justice, 41.098 filles de moins de 18 ans y ont été mariées en 2010.
Il est facile de voir pourquoi le pays le moins bien classé est le Yémen, où 55 pour cent des femmes sont analphabètes, 79 pour cent ne prennent pas part à la population active, et où une seule femme siège dans un parlement de 301 sièges. Les rapports terrifiants de filles de 12 ans environ mourant en couches font peu pour refouler la vogue du mariage infantile en ces lieux. Bien au contraire, les manifestations en faveur du mariage des enfants dépassent de loin celles organisées contre celui-ci ; elles sont alimentées par des déclarations du clergé selon lesquelles les adversaires de la pédophilie (validée par l’Etat) sont des apostats parce que le prophète Mahomet, selon eux, a épousé sa seconde femme, Aïcha, quand celle-ci était enfant.
Mais au moins, les femmes yéménites peuvent conduire. Ce n'est sûrement pas la fin de leur litanie de problèmes, mais cela symbolise la liberté - et nulle part le symbole ne résonne plus qu'en Arabie saoudite, où le mariage des enfants est également pratiqué et où les femmes restent perpétuellement mineures quel que soit leur âge ou leur éducation. Les femmes saoudiennes sont beaucoup plus nombreuses que leurs homologues masculins sur les campus universitaires, mais elles sont réduites à regarder des hommes beaucoup moins qualifiés contrôler tous les aspects de leur vie.
Oui, l'Arabie Saoudite, le pays où la survivante d’un viol collectif a été condamnée à la prison pour avoir accepté de monter dans une voiture avec un célibataire non membre de sa famille et a eu besoin d'un pardon royal ; l'Arabie Saoudite, où une femme qui a bravé l'interdiction de conduire a été condamnée à dix coups de fouet et a eu elle aussi besoin d'un pardon royal ; l'Arabie Saoudite, où femmes ne peuvent toujours pas voter ou se présenter aux élections, et pourtant on a considéré comme un progrès qu'un arrêté royal a promis de leur donner le droit de vote pour les élections locales presque totalement symboliques en – attendez voir - 2015. Ça va si mal pour les femmes en Arabie Saoudite que ces minuscules tapes paternalistes sur le dos sont saluées avec joie pendant que le monarque qui est derrière tout ça, le Roi Abdullah, est considéré comme réformiste, même par ceux qui devraient savoir mieux, comme Newsweek, qui en 2010 a qualifié le roi d'un des onze leaders mondiaux les plus respectés. Vous voulez savoir comment ça va si mal? La réponse du réformateur aux révolutions jaillissant à travers la région a été d'engourdir son peuple avec encore plus de prébendes du gouvernement, particulièrement pour les fanatiques salafistes desquels la famille royale saoudienne tire sa légitimité. Le Roi Abdullah a 87 ans. Attendez juste de voir le prochain dans la lignée, le prince Nayef, un homme directement sorti du Moyen Âge. Sa mysogynie et son fanatisme font ressembler le Roi Abdullah à Susan B. Anthony.
AINSI POURQUOI NOUS HAÏSSENT-ILS ?
Le sexe, ou plus précisément les hymens, en explique beaucoup.
“Pourquoi les extrémistes se concentrent toujours sur les femmes reste un mystère pour moi”, a dit récemment la Secrétaire d'État des États-Unis Hillary Clinton. “Et il semble que ce soit le cas partout. Quel que soit le pays où ils se trouvent ou la religion dont ils se réclament. Ils veulent avoir le contrôle des femmes”. Cependant Mme Clinton représente une administration qui soutient ouvertement plusieurs de ces despotes misogynes. Les tentatives de contrôle par de tels régimes proviennent souvent du soupçon que faute de contrôle, une femme est pratiquement au bord de l'insatiabilité sexuelle. Observez Yusuf Al-Qaradawi, qui est de longue date le commentateur de télévision conservateur pour Al Jazeera, un religieux populaire qui a montré une attirance stupéfiante pour les révolutions des printemps arabes, une fois celles-ci bien enclenchées, bien sûr, qui a assurément compris qu'elles élimineraient les tyrans qui auront longtemps tourmenté et opprimé à la fois lui-même et les Frères musulmans dont il est issu.
Je pourrais vous trouver un paquet de cinglés qui nous rebattent les oreilles avec “la Femme, Tentatrice Insatiable”, mais je vais rester dans le registre grand public (mainstream) avec Qaradawi, qui jouit d'une large audience sur les chaînes de télévision. Bien qu'il dise que les mutilations génitales (qu'il appelle «circoncision», un euphémisme commun qui tente de mettre cette pratique sur un pied d'égalité avec la circoncision masculine) ne sont pas «obligatoires», vous trouverez également cette observation qui n'a pas de prix dans l'un des ses livres: «Personnellement, j’y suis favorable dans les circonstances actuelles du monde moderne. Quiconque pense que la “circoncision” est la bonne façon de protéger ses filles doit le faire,» écrit-il, ajoutant : "L'opinion modérée penche en faveur de la “circoncision” pour réduire la tentation. " Ainsi, même chez les “modérés”, les filles sont mutilées afin d'assurer que leur désir est tué dans l'œuf – le jeu de mot totalement intentionnel. Qaradawi a depuis émis une fatwa contre les mutilations génitales des femmes, mais il n'est pas surprenant que, lorsque l'Egypte a interdit la pratique en 2008, certains députés des Frères musulmans se sont opposés à la loi. Et certains continuent – y compris une éminente femme parlementaire, Azza al-Garf.
Pourtant ce sont les hommes eux-mêmes qui sont incapables de se tenir dans les rues, où depuis le Maroc jusqu’au Yémen, le harcèlement sexuel est endémique et c’est pour le bien des hommes (for the men's sake) que tant de femmes sont encouragées à se dissimuler. Au Caire il y a une voiture dans le métro réservée aux seules femmes pour nous protéger contre les mains baladeuses, voire pire ; innombrables sont les galeries commerciales saoudiennes réservées aux seules familles, qui interdisent l'entrée aux hommes seuls de à moins qu'ils ne produisent la femme requise pour les accompagner.
Nous entendons souvent dire que les économies en crise du Moyen-Orient ont laissé beaucoup d'hommes incapables de se marier, et certains vont même en tirer argument pour expliquer le niveau croissant de harcèlement sexuel dans les rues. Dans une enquête menée en 2008 par le Centre égyptien pour les droits des femmes , plus de 80 pour cent des femmes égyptiennes ont déclaré être victimes de harcèlement sexuel et de plus de 60 pour cent des hommes ont admis avoir harcelé les femmes. Pourtant, nous n'entendons jamais parler de l’effet d’un mariage tardif, qui affecterait les femmes. Les femmes ont des pulsions sexuelles ou non? Apparemment, le monde arabe n’est toujours pas au clair sur les bases de la biologie humaine.
Écoutez cet appel à la prière et à la sublimation par la religion que Rifaat introduit si brillamment dans sa nouvelle. Tout comme les imams au service des régimes apaisent les pauvres dans l’ensemble de la région avec des promesses de justice – et de vierges nubiles – dans l’autre monde plutôt que de rendre compte de la corruption et du népotisme du dictateur en ce monde, de même des femmes sont réduites au silence par une combinaison mortelle entre des hommes qui les haïssent tout en prétendant avoir Dieu fermement de leur côté.
Je me tourne à nouveau vers l'Arabie saoudite, et pas seulement parce découvrir ce pays à l'âge de 15 ans, m’a traumatisée à en devenir féministe - il n'y a pas d'autre moyen de le dire - mais parce que le royaume n’est nullement décontenancé dans son culte d'un Dieu misogyne et n’en subit jamais de conséquences, grâce à son double avantage d'avoir du pétrole et les deux grands lieux saints de l'islam, La Mecque et Médine.
Alors – dans les années 80 et les années 90 – tout comme maintenant, les religieux sur la TV Saoudienne étaient hantés par les femmes et leurs orifices, en particulier par ce qui en sortait. Je n'oublierai jamais avoir entendu que si un bébé garçon urinait sur vous, vous pouviez poursuivre la prière en gardant les mêmes vêtements, mais que si un bébé fille faisait pipi sur vous, vous deviez vous changer. Qu’est-ce qui pouvait bien vous rendre impure dans l'urine de la fillette ? Je me demande.
HAINE DES FEMMES.
A quel point l'Arabie Saoudite déteste-t-elle les femmes ? Au point que 15 filles sont mortes dans l’incendie d'une école à la Mecque en 2002, après que la police des moeurs les a empêchées de fuir le bâtiment en flammes – et interdit aux sapeurs-pompiers de les sauver – parce que les filles ne portaient pas les foulards et les voiles requis dans l’espace public. Et rien ne s'est produit. Personne n'a été mis en examen. On a fait taire les parents. La seule concession à cette horreur a été que l'éducation des filles a été tranquillement retirée aux fanatiques salafistes par le Prince (à l’époque) Abdullah ; les salafistes sont néanmoins largement parvenus à maintenir leur poigne de fer sur le système éducatif du royaume.
Ce n’est pas un simple phénomène propre à l’Arabie, ce n’est pas une curiosité haïssable dans ce désert riche et isolé. La haine islamiste des femmes brûle de tous ses feux dans toute la région – aujourd'hui plus que jamais.
Au Kowéit, où pendant des années les Islamistes ont combattu le droit de vote et/ou le droit de se présenter aux élections (enfranchisement) des femmes, ils ont traqué les quatre femmes qui sont finalement entrées au parlement, en exigeant que les deux qui ne couvraient pas leurs cheveux portent des hijabs. Quand le parlement koweitien a été dissous en décembre dernier, un parlementaire islamiste a exigé que la nouvelle chambre – dépourvue de la moindre représentante féminine – discute son projet de loi sur la “tenue vestimentaire décente”.
En Tunisie, longtemps considérée comme ce qui était le plus proche d’une image de tolérance dans la région, les femmes ont pris une respiration profonde l'automne dernier après que le parti islamiste Ennahda a obtenu la majorité des voix dans l’assemblée constituante du pays. Les chefs de parti se sont engagés à respecter le code Tunisien du statut de la personne de 1956, qui déclarait le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes en tant que citoyens et qui interdisait la polygamie. Mais les femmes professeurs d'Université et les étudiantes se sont plaintes depuis lors d’agressions et d'intimidation par les islamistes pour le non port du hijab, au moment où beaucoup de militantes des droits des femmes se demandent comment les rumeurs de loi islamique affecteront les lois réelles qu'elles subiront dans la Tunisie post-révolutionnaire.
En Libye, la première chose que le chef du gouvernement intérimaire, Mustafa Abdel Jalil, a promis de faire a été de supprimer les restrictions à la polygamie établies par le tyran défunt. Avant que vous preniez Muammar al-Kadhafi pour un quelconque féministe, rappelez-vous que sous son régime les filles et les femmes ayant survécu à des agressions sexuelles, ou suspectées de “crimes moraux”, étaient jetées dans des “centres de réhabilitation sociale”, en fait des prisons dont elles ne pouvaient sortir qu’à condition qu'un homme accepte de les épouser ou que leurs familles les reprennent.
Et puis il y a l’Egypte, où moins d'un mois après la chute du Président Hosni Mubarak, la junte militaire qui l'a remplacé, apparemment pour “protéger la révolution” a rappelé par inadvertance les deux révolutions dont nous les femmes avons besoin. Après avoir dégagé la place Tahrir des protestataires, les militaires détenaient des douzaines de militants et de militantes. Les tyrans oppriment, battent, et torturent tous. Nous le savons. Mais ces militaires ont réservé des “tests de virginité” aux militantes : un viol déguisé sous forme d’un médecin insérant ses doigts dans leur ouverture vaginale à la recherche des hymens. (Le docteur a été poursuivi et par la suite acquitté en mars).
Quel espoir peut-il y avoir là pour des femmes dans ce nouveau parlement égyptien, dominé comme il l’est par des hommes coincés au septième siècle ? Un quart de ces sièges parlementaires sont maintenant détenus par les Salafistes, qui croient qu’imiter les pratiques originelles du prophète Mahomet est une prescription appropriée à la vie moderne. L'automne dernier, en mettant en place les candidates femmes, le parti égyptien Salafi Nour a affiché une fleur au lieu du visage de chaque femme. Les femmes ne doivent pas être vues ou entendues – même leurs voix sont une tentation – et donc elles sont là au parlement égyptien, couvertes de la tête aux pieds de noir et elles ne disent jamais un mot.
Et nous sommes au beau milieu d'une révolution en Egypte ! C’est une révolution au cours de laquelle des femmes sont mortes, ont été tabassées, abattues, et sexuellement agressées à côté des hommes pour débarrasser notre pays de ce patriarche majuscule – Moubarak – et pourtant tant de patriarches minuscules nous oppriment toujours. Les Frères musulmans, avec presque la moitié du total des sièges dans notre nouveau parlement révolutionnaire, ne considèrent pas qu’une femme (ou un chrétien) puisse être président. La femme qui dirige le comité des femmes du parti politique des Frères musulmans a indiqué récemment que les femmes ne devraient pas marcher ou protester, parce qu'il est plus digne de laisser leurs maris et frères manifester pour eux.
La haine des femmes est profondément ancrée dans la société égyptienne. Celles de nous qui ont marché et protesté ont dû parcourir un champ de mines d’agressions sexuelles menées par le régime et ses laquais, et, tristement, parfois par nos camarades révolutionnaires. Le jour de novembre où j'ai été sexuellement agressée dans la rue Mohamed Mahmoud près de la place Tahrir, par au moins quatre policiers égyptiens des brigades anti-émeute, j'avais été pelotée tout d’abord par un homme sur la place lui-même. Tandis que nous sommes désireuses d'exposer les assauts par le régime, dès lors que nous sommes violées par nos camarades civils nous supposons immédiatement que ce sont des agents du régime ou des gangsters parce que nous ne voulons pas ternir l’image de la révolution.
ALORS QUE FAIRE ?
D'abord cessons de jouer sur les mots. Appelez la haine pour ce qu'elle est. Résistez au relativisme culturel et sachez que même dans les pays subissant des révolutions et des soulèvements, les femmes resteront la monnaie d’échange au meilleur marché. À vous – le monde extérieur – il sera dit que c’est dans notre “culture” et dans notre “religion” de faire X, Y, ou Z aux femmes. Comprenez que quiconque défend ce point n'a jamais été une femme. Les soulèvements arabes ont pu avoir été suscités par un homme arabe – Mohamed Bouazizi, le marchand ambulant tunisien qui s'est immolé par désespoir – mais ils seront achevés par les femmes Arabes.
Amina Filali – la fille marocaine de 16 ans qui s’est empoisonnée après qu'elle a été forcée de se marier avec son violeur, et battue – est notre Bouazizi. Salwa EL-Husseini, la première femme égyptienne à parler publiquement contre les “tests de virginité”, Samira Ibrahim, la première à déposer plainte, et Rasha Abdel Rahman, qui a témoigné à ses côtés – ce sont elles nos Bouazizis. Nous ne devons pas attendre qu’elles meurent pour agir ainsi (to become so). Manal Al-Sharif, qui a passé neuf jours en prison pour avoir bravé l'interdiction aux femmes de conduire, est le Bouazizi de l'Arabie Saoudite. C’est une force révolutionnaire composée d'une seule femme qui lutte contre un océan de mysogynie.
Nos révolutions politiques ne réussiront pas sans être accompagnées des révolutions de pensée – révolutions sociales, sexuelles, et culturelles qui renversent le Moubaraks dans nos esprits aussi bien que nos chambres à coucher.
“Savez-vous pourquoi ils nous ont soumis aux tests de virginité”? m'a demandé Ibrahim peu après avoir passé des heures à marcher ensemble pour marquer le Jour International des Femmes au Caire le 8 mars.Ils veulent nous faire taire, ils veulent chasser les femmes et les faire rentrer à la maison. Mais nous n’irons nulle part.
Nous sommes plus que nos foulards et plus que nos hymens. Écoutez celles parmi nous qui se battent. Amplifiez les voix de la région et frappez (poke) la haine dans l’oeil. Il fut un temps où être islamiste était la position politique la plus vulnérable en Egypte et en Tunisie. Comprenez que maintenant ce pourrait très bien être femme. Comme ça a toujours été.
Mona Eltahawy est une journaliste égypto-américaine. En novembre 2011, la police égyptienne l’a tabassée, lui brisant le bras gauche et la main droite, et l’a agressée sexuellement. Elle a été détenue par le Ministère de l’Intérieur let la Sécurité militaire pendant 12 heures.
Dernière heure : un article de OpenDemocracy daté du 24 mai signale que les Frères Musulmans proposent la “circoncision” des filles (toujours cette hypocrisie scandaleuse, il s’agit en fait d’excision) en tant que service médical, offert par leurs dispensaires mobiles pour un prix symbolique. Les faits signalés par Mariz Tadros ne sont, à ma connaissance, pas recoupés par d’autres observateurs ; le dossier est donc à prendre avec circonspection. Voici un extrait de l’article (je n’ai pas eu le courage de le traduire)
However, I have obtained the flyer that the Freedom and Justice party posted on the streets in the village of Abou Aziz. While the Freedom and Justice party denied that female circumcision was ever offered by the clinic, the information on the flyers suggests otherwise. The flyer which has the party’s logo on it says “The Freedom and Justice party in Abou Aziz is honoured to organize the yearly health clinic which covers all specialisations for a nominal fee of LE 5 for a check up on Friday the 20/4/2012 at the Islamic Institute after Friday prayers”. This was followed by a list of specialists including surgery, gynaecology and obstetrics, dentistry, dermatology etc. At the bottom of the list is a note saying “We receive cases for circumcision for males and females for LE30 a case”. What is significant about this flyer is the reference to male and female circumcision as if the practices were similar, and the fact that these are treated as medical cases, “operations” to be performed by members of a medical team.