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L'astragale de Cassiopée
10 mars 2012

Une énigme d'un nouveau genre : après les mystères d'Eleusis....

..... les mystères du dépassement grec (Die hellenische Aufhebung)

voici une énigme d'un genre particulier : l'auteur du texte est un de mes amis ; il est un improbable hybride de moine bénédictin et d'investment banker. De cette curieuse contradiction dialectique provient ce petit texte sur la situation de la dette grecque qu'il m'a adressé le 09.03.12.

Question de catéchisme: “Que pensait, sur la croix, Jésus de Nazareth ?”- Réponse d’un petit garçon: “Je m’en f… dans trois jours, je ressuscite !”. Insolence d’enfant.

Feu le roi Baudoin de Belgique, ne pouvant se résoudre à promulguer une loi sur l’interruption de grossesse qu’il jugeait contraire à ses convictions catholiques, et répugnant à plonger le pays dans une crise politique en quittant le pouvoir, suivit le conseil qui lui fut donné, d’abdiquer pour les quelques heures pendant lesquelles la loi fut promulguée par une régence, puis de reprendre ensuite les rênes du royaume. Paix à son âme.

Le 27 février dernier, Standard & Poor’s, à l’annonce d’une modification rétroactive des termes des obligations émises par la Grèce, émit un avis de « selective default », étant entendu que l’acceptation « volontaire » de ladite modification permettrait de restaurer la notation de la Grèce après l’intermède, « sans autre » selon l’expression suisse bien connue. Finesse juridique.

Le premier mars, l’ISDA (International Swaps and Derivative Association), saisie d’une demande d’exercice de contrat de couverture de crédit (Credit default Swap ou CDS), prononça qu’elle ne « constatait pas » de situation de défaut de paiement, suivant l’exemple illustre du grand Horatio Nelson auquel il était intimé, par pavillon, de faire retraite : pas plus que l’ISDA ne voyait l’avis de S&P, Nelson ne vit le signal qui lui était fait, car il avait appliqué sa longue vue sur l’orbite de l’œil qu’il avait perdu lors d’une bataille précédente. Il poursuivit donc son attaque et remporta la victoire.

A propos de victoire, à qui faut-il porter les lauriers du « dépassement » grec ? Depuis plusieurs mois, les medias ne parlent que des porteurs du « secteur privé », dont le consentement, exigé par Mme Merkel, était devenu indispensable pour que puisse être scellé l’accord péniblement négocié entre les gouvernements européens et les organes internationaux comme la Banque Centrale Européenne ou le Fonds Monétaire International.

Qui parle au nom de ces porteurs privés dont le total (nominal) des créances est de l’ordre de EUR 200 milliards ? Les médias (spécialisés ou non) observent longtemps une discrétion étonnante, et même lorsque le nom de Charles Dallara et de l’IFI (Institut de Finance Internationale) est évoqué, les micros et les caméras continuent de se précipiter vers Merkozy ou Lagarde, beaucoup plus rarement vers Charles Dallara, ou Joseph Ackermann,  Président de l’IFI (et Président de la Deutsche Bank). Il y aurait pourtant, semble-t-il des questions à poser : en ces temps de période électorale où la France s’adonne au jeu des « primaires » pour désigner un candidat socialiste à l’élection présidentielle qui se profile, où le parti républicain, aux Etats-Unis, dépense beaucoup d’argent pour se livrer au même exercice démocratique, AUCUN média ne pose la question de la représentativité de M. Dallara.

Comment a-t-il été désigné ? Quel mandat a-t-il reçu, de qui ? On parle de 450 institutions, on s’ébahit devant la tâche herculéenne (bien que toute référence au nettoyage des écuries d’Augias, roi d’Elide, reste bannie, probablement en raison du défaut de culture générale du grand public). Les titres de la dette grecque, pour faire simple, sont détenus par (i) des fonds spéculatifs qui les ont achetés à des prix de sacrifice, le plus souvent à crédit, et qui réaliseront une petite fortune, même si le prix négocié par M. Dallara sera, au final, bien inférieur à leur valeur nominale (ii) des banques qui se sont laissées convaincre (par les gouvernements européens, disent-elles, avec la bénédiction de leurs organismes collégiaux bâlois de la Banque des Règlements Internationaux) de les acquérir, en finançant ces acquisitions à hauteur de 91% (capital de 9% !!!) avec des emprunts – dont ceux, à hauteur de centaines de milliards, que leur offre la Banque Centrale Européenne à des taux infinitésimaux et enfin (iii) des fonds de pension ou des investisseurs individuels, convaincus par leurs conseillers financiers (logés dans les mêmes « banques ») de se diversifier et d’améliorer leurs rendements – et ceux-là y sont de leur poche pour 100% de leur investissement. Que représentent, en volume, ces trois groupes d’investisseurs dans le total des titres grecs détenus par des « porteurs privés » ? Quelle compensation (« if any ») est-elle envisagée entre le préjudice auquel ils sont diversement exposés ? Quel mandat ont-ils, les uns et les autres, donné à M. Dallara qui, nous dit-on, négocie « en leur nom » ?

AUCUN média, à notre connaissance, n’a jugé utile de se lancer dans ces questions de façon un peu détaillée. Est-il permis de poser la question du contrôle des medias ? (Pas en Corée du Nord, pas en Birmanie, pas en Russie, pas au Moyen Orient, pas en Chine – chez nous !). La plupart des groupes de presse ne sont-ils pas aux mains d’institutions figurant parmi les « porteurs privés » de la dette grecque ?

Ou bien faut-il considérer que, n’en déplaise au grand Hegel qui pensait discerner l’Esprit à l’œuvre dans l’Histoire, surmontant les contradictions « internes » par des Dépassements successifs dont Karl Marx simplifiera le processus, les valeurs qui prévalent dans l’occident que nous connaissons sont résolument chrétiennes : approfondissant la tradition de remise des dettes tous les 70 ans – l’année jubilaire prescrite dans le Lévitique – Jésus de Nazareth fait l’éloge de l’intendant dénoncé pour malversations, qui, trop faible pour travailler la terre et trop fier pour mendier, trouve in extremis l’idée d’annuler – pardon, de réduire, de « restructurer » -  les dettes des créanciers de son maître afin de se faire des amis :

« …le maître loua cet intendant malhonnête d'avoir agi de façon avisée. Car les fils de ce monde-ci sont plus avisés envers leurs propres congénères que les fils de la lumière. Eh bien ! moi,  je vous dis : faites-vous des amis avec le malhonnête Argent, afin qu'au jour où il viendra à manquer, ceux-ci vous accueillent dans les tentes éternelles » (Luc, XVI)

François-Marie Monnet

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Commentaires
E
κανένα πρόβλημα
L
Σας ευχαριστώ για τα βιβλία ,Έλενί . Γεια σας .
R
Un dimanche studieux nous attend donc .<br /> <br /> (pas sûr que notre cerveau économiquement faible y survive ...)
E
tiens, c'est drôle je suis en plein là-dedans aussi … mais l'année jubilaire ou sabbatique, il me semble plutôt que c'est tous les 49 ou 50 ans (selon que l'on ajoute ou non une année): 7x7 <br /> <br /> <br /> <br /> Autour de cette idée, on peut lire "économie chabbatique et solidarité" de Raphaël Draï (qq pages que l'on trouve sur le net) <br /> <br /> <br /> <br /> Il y a aussi (origines intellectuelles et perspectives différentes, mais tout ça se rejoint): <br /> <br /> — le livre de Christian Arnsperger, Critique de l'existence capitaliste (diagnostiques justes mais vision qui me paraît indûment optimiste des possibilités de s'en sortir).<br /> <br /> — Paul Dumouchel et J-P Dupuy L'Enfer des choses René GIrard et la logique de l'économie (toute la 2ème partie sur la création de la rareté et l'utilisation de la rareté à des fins politiques et idéologiques notamment) <br /> <br /> — Jacques Ellul, L'Homme et l'argent (dans ses Œuvres théologiques republiées sous le titre Le défi et le nouveau)<br /> <br /> et surtout un très grand livre à mon sens<br /> <br /> Christian Laval, L'Homme économique. Essai sur les racines du néolibéralisme (la dé-moralisation à la base de l'autonomie du discours économique)
K
A Ruinesdemartinas de trichercher ( p'tit rire)
L'astragale de Cassiopée
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