l'énigme de Chloé...
"Joëlle et les enfants sont repartis pour Paris. Les tasses et soucoupes de café commencent à s'accumuler. La cafetière italienne fonctionne à plein régime. J'adore ce moment où la mousse émerge de la buse, instant fatidique dont dépend la qualité du moka. Fringale de musique-- il me faut combler un creux de trois années. Les récitatifs d'Il Ritorno de Tobia me trottent dans la tête dès le matin. Je sélectionne surtout les airs chantés par l'ange Raphaël. Il se cache sous le nom d'Azarias et s'offre à conduire Tobie en Médie.
L'odeur du neuf domine à présent la maison. Castor et Pollux ont débarqué ce matin. Ils ont changé. Je les trouve plus avenants-- enfin, c'est une façon de parler, moins fermés en tout cas. Il se peut que je me trompe, mais ils semblent contents de reprendre le travail. Est-ce l'effet du printemps? Pollux se met à siffler. Quelques notes, à vrai dire. Elles prétendent imiter, je pense, les trilles enjoués du merle. Peut-être tient-il à apporter sa contribution au chant universel qui emplit les Tilleuls. Au susurrement des rouges queues noirs, aux gammes cristallines des mésanges, il ajoute sa propre musique. Cela ne cadre pas avec l'idée que je me faisais du personnage.
J'ai cru un moment que les Dioscures allaient manifester leur mauvaise humeur. Mes deux garçons se sont amusés avec les outils et ont quelque peu chamboulé le rez-de-chaussée. Mais non, ils n'ont rien remarqué. A moins qu'ils n'aient décidé de fermer les yeux.
L'ambiance de chantier me convient bien. Il flotte dans cette maison aux relents de colophane et de dissolvant un climat d'attente, une sorte de suspense qui répugne à l'épilogue. J'aimerais que cette situation se prolonge indéfiniment.
L'eau térébrante du matin à la pompe, ces pièces auxquelles il a été attribué des fonctions inédites, bref l'atmosphère du bivouac me ravit. Je n'ai pas envie de m'installer. Qu'adviendra-t-il une fois que tout sera terminé?"
Sans être à proprement parler un indice, cette image sonore participe du climat de l'énigme