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L'astragale de Cassiopée
19 décembre 2011

Révolution constitutionnelle en Hongrie...

 

Il ne s'agit pas de science fiction, puisque ça se passera dès le premier janvier prochain. Mais, à défaut de science fiction, cela rappellera peut-être des souvenirs. Comme dit Ingeborg Bachmann (1932-1973), Es kommen härtere Tage.

La semaine dernière, Paul Krugman a consacré un article dans le New York Times à l'évolution inquiétante de la politique en Hongrie. Pour étayer cela, [il a] mis à contribution son collègue de Princeton Kim Lane Scheppele, qui a beaucoup travaillé sur la situation. Voyez ci-dessous.

Révolution constitutionnelle en Hongrie par Kim Lane Scheppele

La semaine dernière, la chronique de Paul Krugman «La dépression et la démocratie» a attiré l'attention sur la dérive autoritaire de la Hongrie. Étant l'une des sources de son article, je voudrais expliquer pourquoi je suis alarmé à la fois par l'état constitutionnel et par la démocratie en Hongrie.

Dans une élection libre et équitable au printemps dernier en Hongrie, le parti de centre-droit politique, le Fidesz, a obtenu 53% des voix. Cela s’est son traduit par 68% des sièges au parlement du fait de l’actuelle loi électorale disproportionnée. Avec cette majorité qualifiée, le Fidesz a obtenu le pouvoir de changer la constitution. Ils ont utilisé ce pouvoir de façon tout à fait extrême, en modifiant la constitution dix fois dans la première année de leur mandat puis en promulgant une constitution entièrement nouvelle qui entrera en vigueur le 1 Janvier 2012.

Cette activité constitutionnelle a transformé le paysage juridique nécessaires pour éliminer le contrôle de la puissance du gouvernement et de mettre pratiquement tous les pouvoirs entre les mains du parti qui régissent actuellement pour l'avenir prévisible.

La nouvelle constitution a attiré beaucoup de critiques de la Commission de Venise pour la démocratie par le droit du Conseil de l'Europe, du Parlement européen et des Etats-Unis . Mais le gouvernement Fidesz n’y a prêté aucune attention.

Dans le nouvel ordre constitutionnel, le pouvoir judiciaire a pris le plus gros choc. La Cour constitutionnelle , qui auparavant avait la responsabilité d'examiner la constitutionnalité de toutes les lois de, a été liquidée de trois façons. Tout d'abord, le gouvernement a élargi le nombre de juges et rempli les nouveaux postes de leurs propres alliés politiques (pensez à Roosevelt faceà la cour suprême). Ensuite, le gouvernement a restreint la compétence de la Cour, qui ne peut plus examiner aucune loi qui aurait un impact sur le budget, comme les lois relatives aux impôts et aux programmes d'austérité, à moins que cette loi ne porte atteinte à certains droits énuméré restrictivement. Enfin, le gouvernement a modifié les règles d'accès à la cour afin qu'elle ne soit plus guère en mesure d'examiner a priori (in the abstract) la conformité des lois avec la Constitution. Par ailleurs, les citoyens ne pourront plus contester la constitutionnalité des lois, sans passer d'abord par un long processus devant les tribunaux ordinaires. L’ancienne Cour Constitutionnelle, qui a joué un rôle majeur de contrôle sur le pouvoir gouvernemental dans un système parlementaire monocaméral, est maintenant fonctionnellement morte.

Le système judiciaire ordinaire a subi un sort semblable. Le gouvernement a abaissé l'âge de la retraite pour les juges de 70 à 62 ans, donnant aux juges seulement quelques mois pour s'adapter à leur nouvel avenir. Plus de 200 juges seront forcés de prendre leur retraite à partir du 1er Janvier, y compris la plupart des présidents de tribunaux qui gerent le fonctionnement quotidien des tribunaux. La nouvelle loi sur le pouvoir judiciaire exige que le président de la Cour suprême ait au moins cinq ans d'expérience judiciaire en Hongrie. L' actuel président de la Cour suprême est disqualifié parce que ses 17 ans d'expérience en tant que juge à la Cour européenne des Droits de l'Homme ne comptent pas. Par conséquent, il devra lui aussi quitter ses fonctions le 1er Janvier.

La loi sur le pouvoir judiciaire crée aussi un nouveau conseil national de la magistrature avec une seule personne à la tête qui aura le pouvoir de remplacer les juges à la retraite et de nommer les futurs juges. Cette personne a également le pouvoir de déplacer tout juge dusiège dans un tribunal différent. Un nouvel amendement constitutionnel - à la nouvelle constitution! - permettra à la fois au procureur general et au patron de ce nouveau conseil national de la magistrature de choisir le juge qui sera saisi dans chaque affaire.

L' indépendance du pouvoir judiciaire prend fin quand un gouvernement met ses propres juges en fonctions, les déplacer à volonté, puis sélectionne ceux qui traiteront  des cas particuliers.

Le vice-président de la Commission européenne pour la Justice, les Droits fondamentaux et la citoyenneté, Viviane Reding, a émis une demande très ferme pour plus d'informations sur la nouvelle loi la semaine dernière et a exigé des réponses immédiates du gouvernement hongrois. Elle a également prié instamment le gouvernement «d’assurer. . . qu'aucune mesure ne sera mise en œuvre avant que les doutes sur sa conformité avec le droit communautaire soient levés. "Le gouvernement a répondu en disant que tous ces changements sont des améliorations et il semble aller de l'avant avec la mise en œuvre du nouveau cadre constitutionnel, malgré l’avertissement fort de Bruxelles.

Dans le nouveau système constitutionnel, le contrôle juridique des élections a également été modifié. Avant les dernières élections, la norme était pour la Commission électorale de cinq membres d’être politiquement diversifiée et pour le gouvernement en place de consulter l'opposition avant la nomination des candidats. Mais les règles ont été changées l'année dernière de sorte que chaque nouvelle élection nationale sera maintenant accompagnée d'un nouveau choix de commissaires électoraux. En conséquence, les commissaires actuels ont été retirés de leurs bureaux sans leur permettre de terminer leur mandat, et désormais la Commission électorale est composée de cinq membres du parti au pouvoir.

La nouvelle loi électorale précise les limites précises de nouvelles circonscriptions électorales qui enverront des représentants au parlement. Mais les nouvelles circonscriptions sont dessinées de telle façon qu'aucun parti politique en dehors du Fidesz ne soit susceptible de gagner les élections. Un think tank respecté hongrois a recalculé les trois dernières élections en utilisant les limites des nouvelles circonscriptions. Fidesz aurait remporté les trois élections, y compris les deux qu’ils ont effectivement perdues.

Pratiquement toutes les institutions politiques indépendantes ont pris des coups. Les droits humains, la protection des données et les médiateurs pour les affaires des minorités ont été regroupées en un seul poste de moindre envergure. Le procureur général, la Cour nationale de contrôle des Comptes et, plus récemment, la Banque centrale sont tous voués à une gestion plus ouvertement politique dans le nouvel ordre juridique.

Et tout cela est arrivé alors que la presse fonctionne jour après jour sous intimidation. Un ensemble draconien de lois sur les médias a créé un nouveau conseil des média – truffé de partisans de Fidesz avec un président nommé par le Premier ministre pour un mandat de neuf ans. Ce conseil peut examiner tous les médias publics et privés pour leur conformité à une norme nébuleuse de politique "équilibrée" et a le pouvoir de mettre en faillite toute organisation nouvelle grace à de fortes amendes. Il n'est pas surprenant que les médias s’auto-censurent désormais. Ce nouveau régime pour les médias a été sévèrement critiqué par le commissaire européen pour les communications , entre autres .

La nouvelle constitution accepte aussi la doctrine sociale chrétienne conservatrice comme politique d'Etat, dans un pays où seulement 21% de la population est pratiquante. Le fœtus est protégé dès le moment de la conception. Le mariage n'est légal qu’entre un homme et une femme. La constitution «reconnaît le rôle du christianisme dans la préservation de la nation» et affirme que «la famille et la nation constituent le cadre principal de notre coexistence." Bien que ces croyances religieuses soient inscrites nt en dur dans la Constitution, une nouvelle loi sur la statut de la religion réduire le nombre  des églises reconnu par l'état à seulement quatorze, désinscrivant 348 autres églises .

Dans une démocratie, la population peut «sortir les sortants" et remplacer le gouvernement par un autre qui peut changer les politiques dépourvues de soutien public. Mais ce sera presque impossible sous cette constitution. En plus de compromettre les institutions qui sont nécessaires pour une élection libre et équitable - comme une presse libre et un appareil électoral neutre - la nouvelle constitution intègre le contrôle du Fidesz, même si un autre parti politique déjoue tous les pronostics et remporte une élection.

La nouvelle constitution rend d'énormes pans de politique publique modifiable seulement par un vote des deux tiers de tout parlement ultérieur. A partir de là, tous les impôts et la politique budgétaire devront être décidés par une majorité des deux tiers. Même les limites précises des circonscriptions électorales ne peuvent être modifiées que par une majorité des deux tiers. Si un nouveau gouvernement obtient la majorité simple, les politiques en place durant le gouvernement Fidesz ne pourront pas être changé.

Ce n'est pas tout. Le bras séculier de l'actuel gouvernement Fidesz pourra mettre à mal tout gouvernement dans un avenir prévisible par les responsables qu'ils sont en train de mettre en place . Le nouvel ordre constitutionnel prolonge le mandat du ministère public (9 ans), du chef de la Cour nationale de contrôle des Comptes (12 ans), du chef du conseil national de la magistrature (9 ans), le chef du conseil des médias (9 ans), le chef du conseil du budget (6 ans) et plus encore. Chacune de ces positions a été occupée par des partisans loyalistes de Fidesz qui seront capables de mener des enquêtes publiques, d'intimider les médias, de monter des accusations criminelles et ils continueront de peupler les tribunaux longtemps après que le mandat actuel du gouvernement aura pris fin. Par ailleurs, sauf s'il ya un vote des deux tiers pour remplacer ces titulaires de charges nouvelles, ils pourront rester en fonctions jusqu'à ce qu’un vote des deux tiers soit atteint, ce qui pourrait encore prolonger ces mandats de longue durée.

Comment tous ces morceaux marchent-ils ensemble? Un exemple permettra d'illustrer. La Constitution crée un Conseil du budget national avec le droit de veto sur tous les budgets futurs qui ajouterait à la dette nationale, ce que tous les budgets prévisibles feront. Les membres du Conseil du budget ont été choisis par ce gouvernement pour un mandat de 6 ou 12 ans et ne peuvent être remplacés que si les deux tiers du parlement peuvent s'entendre sur de nouveaux candidats. Une autre partie de la Constitution exige que le parlement adopte le budget le 31 Mars de chaque année. Si le Parlement ne parvient pas à le faire, le président du pays peut dissoudre le parlement et convoquer de nouvelles élections. Lorsque ces pièces sont assemblées, les contraintes sur tout futur gouvernement apparaissent clairement. Un nouveau gouvernement fera voter un budget - mais ce budget peut être refusé par les loyalistes de Fidesz de sorte que le délai ne sera pas respecté pour le budget, puis le président (également nommé par le Fidesz) va convoquer de nouvelles élections. Et cela peut être répété jusqu'à ce qu'un gouvernement “acceptable” revienne au pouvoir.

Les seuls partis qui pourraient remplacer le Fidesz dans le paysage actuel hongrois sont le Parti Socialiste ou, dans un scénario de cauchemar, le Jobbik d'extrême-droite. En vertu des lois qui ont précédé l'élection du Fidesz, l'an dernier, les partis politiques qui sont anti-constitutionnels peuvent être interdits. Certains ont suggéré que le Fidesz pourrait éliminer Jobbik de cette façon. En fait, l'Europe ne serait probablement pas fâchée que Jobbik soit exclu de la vie publique, car d'autres pays européens peuvent interdire les partis extrémistes aussi. Mais qu'en est-il du concurrence primordial de Fidesz - les socialistes?

Selon un amendement constitutionnel proposé , les crimes de l'ancien parti communiste seront répertoriés dans la constitution et le délai de prescription pour la poursuite des crimes commis pendant la période communiste sera levé. L'ancien parti communiste est repute être une organisation criminelle et l'opposition actuelle (le Parti socialiste) est désignée comme son successeur légal. Il est encore difficile, juridiquement parlant, de savoir ce que cet amendement signifie. Mais ce n'est probablement pas de bon augure pour le principal parti d'opposition.

Le gouvernement Fidesz a accompli cette révolution constitutionnelle par des moyens légaux après une élection démocratique. Mais si le Fidesz a été élu démocratiquement et a accompli ce programme à travers les changements constitutionnels, la Hongrie n'est pas une démocratie constitutionnelle. Au lieu de cela la Hongrie est, comme Paul Krugman l’a déclaré, en train de glisser dans l'autoritarisme.

Source : http://krugman.blogs.nytimes.com/2011/12/19/hungarys-constitutional-revolution/?nl=opinion&emc=tyb1

Le document a été traduit rapidement avec l’aide de Google. J’ai revu aussi soigneusemnt que possible, mais la version qui fait autorité est bien sûr celle du New York Times.

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Commentaires
K
Martinas, <br /> <br /> pour vous "fleurs, oiseaux, fruits, c'est vrai, je les ai conviés,
M
magnifique PJ .
K
@Oui , Martinas, pourquoi nous nous devons vous moi et tous les Cassiopéens d'Insister-pour le plaisir ,bien entendu et pour cela :<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> "-<br /> <br /> -<br /> <br /> -<br /> <br /> facile à dire ! Et trop facile de jongler<br /> <br /> avec le poids des choses une fois changées en mots !<br /> <br /> On bâtissait le char d'Elie avec des graines<br /> <br /> légères, des souffles, des lueurs, on prétendait<br /> <br /> se vêtir d'air comme les oiseaux et les saints...<br /> <br /> <br /> <br /> frêles signes, maison de brume ou d'étincelles, <br /> <br /> jeunesse...<br /> <br /> <br /> <br /> puis les portes se ferment en grinçant<br /> <br /> l'une aprés l'autre...<br /> <br /> <br /> <br /> Et néanmoins je dis encore,<br /> <br /> non plus porté par la course du sang, non plus ailé,<br /> <br /> hors de tout enchantement,<br /> <br /> trahi par tous les magiciens et tous les dieux,<br /> <br /> depuis longtemps fui par les nymphes<br /> <br /> même au bord des rivières transparentes<br /> <br /> et même à l'aube,<br /> <br /> mais en me forçant à parler, plus têtu<br /> <br /> que l'enfant quand il grave avec peine son nom<br /> <br /> sur la table d'école,<br /> <br /> <br /> <br /> j'insiste, quoique je ne sache plus les mots,<br /> <br /> quoique ce ne soit pas ainsi la juste voie<br /> <br /> -qui est droite comme la course de l'amour<br /> <br /> vers la cible, la rose enflammée,<br /> <br /> alors que moi, j'ai une canne obscure<br /> <br /> qui, plus qu'elle ne trace aucun chemin, ravage<br /> <br /> la dernière herbe sur ses bords, semée<br /> <br /> peut-être un jour par la lumière pour un plus<br /> <br /> hardi marcheur...<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Extrait d'un poème de ???<br /> <br /> <br /> <br /> :
K
Martinas , Merci
M
Un peu en retard dans la lecture de ce blog,je viens de lire avec grand intérêt -et inquiétude-toutes les infos et commentaires sur la Hongrie (dont j'ignorais tout ... jusqu'à qqs énigmes de Kara!)<br /> <br /> Merci à J.O et à Kara de nous tenir ainsi en éveil .<br /> <br /> A vous donc et à tous les Cassiopéens:<br /> <br /> "Il est grand temps de rallumer les étoiles." (Guillaume Apollinaire)<br /> <br /> Voeux pour 2012 ...
L'astragale de Cassiopée
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