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L'astragale de Cassiopée
21 janvier 2010

Raoul Vaneigem - "Pour l'abolition de la société marchande - Pour une société vivante" : Morceaux 2

" Le cyclone de la spéculation financière a renversé les valeurs du passé, aucune croyance, aucune idée ne résiste au flux monétaire où tout s'annule en s'échangeant contre tout. Il y aurait lieu de s'en réjouir si la dictature de la valeur d'échange ne banalisait dans le même temps une course au néant qui affole et enténèbre les corps et les consciences.
L'arasement des valeurs anciennes résulte d'un mercantilisme apocalyptique. Sous la coupe de la rentabilité à tout prix, aucune herbe nouvelle ne repousse.
Le "rien n'est vrai tout est permis" ne traduit pas le processus d'éradication du vieux monde, il en solde les ruines, il assure la vente promotionnelle des décombres qui, en nous écrasant, provoquent une réaction en chaîne où la mort et ses astuces prolifèrent à une vitesse panique.
Ceux qui s'insurgeaient hier de mourir pour le capital en croyant mourir pour la patrie se résignent à mourir pour rien depuis que le capital tire un dernier agio de l'agonie planétaire en se dispensant de tout faux-semblant.
La vie ne vaut rien mais une vie perdue vaut de l'argent. Voilà la philosophie des affaires. C'est le tout à l'égout vers lequel s'acheminent, avec une complicité aussi étonnante que consternante, les affairistes des hauts- et bas-fonds et leurs adversaires qui, négligeant de se battre pour se vivre, préfèrent mourir en combattant un ennemi d'autant plus invisible qu'il règne dans leur tête et subvertit leurs plus louables intentions.
Quand admettrez-vous que l'héroïsme du désespoir est un hommage à la cruauté de l'oppresseur?
Le capitalisme financier sait que sa bulle spéculative peut crever d'un jour à l'autre, que le papier-monnaie encourt un risque de combustion, que la réalité vécue par procuration est happée par le tourbillon d'une logique mortifère.
Il mise sur le marché de l'anéantissement pour majorer ses ultimes bénéfices. En jouant les Cassandre d'un effondrement programmé, il précipite dans la frénésie des derniers jours consommables et dans l'hystérie de la vie absente ceux qui ont troqué leurs désirs contre une plus-value."

President_Elect_by_James_Rosenquist

" De même que la honte n'a pas été l'arasement des tours new-yorkaises mais la mort d'hommes et de femmes, victimes du désespoir fanatisé, de même le danger réside-t-il moins dans l'effondrement du capitalisme financier que dans le réflexe de mort qu'elle risque d'enclencher chez ceux qui ne conçoivent d'autre existence qu'économisée jusqu'à la moelle.

[...]

Telle est la source de la haine de soi et des autres. Là réside le danger de voir l'implosion du totalitarisme économique propager, par une réaction en chaîne, un réflexe suicidaire semblable à celui qui infesta l'Allemagne, galvanisée par la politique du désespoir prédateur menée par les nazis. Les démagogues de l'extrême droite ont le même regard dépravé que les tueurs en série qui entretiennent la chronique de l'insécurité.

Nous subissons le harcèlement d'une désolation également propice aux profits boursiers à court terme et aux radiations morbides d'une existence sans attrait.

La survie somnolente risque de s'éveiller à de terribles cauchemars où resurgiront les monstres du passé. Jamais la conscience d'une vie présente et à créer n'aura pesé d'un tel poids dans le devenir du monde."

" Le camp retranché des contestataires patentés ne reflète que trop le système économique qu'il entent combattre si âprement. De même qu'en son stade de parasitisme absolu l'économie se replie sur elle-même et se livre à une accumulation forcenée de l'argent socialement inutile, de même les ennemis du totalitarisme financier se sont-ils installés sur le terrain de l'adversaire pour former le dernier carré de la résistance héroïque, laissant s'accumuler en eux l'indignation, le ressentiment et les pitoyables exorcismes du désespoir. Ils demeurent à la traîne d'une confortable impuissance, elle les dispense de jeter les bases d'une société humaine en faisant fond sur le néocapitalisme en gestation."

Niki_de_Saint_Phalle_Tableau_tir_1961

"Le Dieu de l'Islam souffle les tours de Wall Street et le Dieu des chrétiens soumet la Gomorrhe afghane au feu céleste de machines volantes dont le prix de revient suffirait à reconstruire un pays où la flore, la faune, l'humanité et sa conscience ont été, en fin de compte, offertes en holocauste au Dieu unique du profit et des armées.

L'enjeu est ailleurs. Briser à coups de pavés la vitrine d'une banque ou d'une boutique exhibant aux niais ce qu'il "faut" acheter pour être à la mode, c'est se dédouaner à bon compte de l'absence d'une créativité qui, par exemple, inventerait une activité plus passionnante que la consommation, s'attacherait à découvrir de nouvelles énergies gratuites, piraterait les flux spéculatifs au profit d'une gestion collective des services publics...

Si enthousiaste que j'aie toujours été de la destruction de la colonne Vendôme par Courbet et par la commune de Paris, je persiste à penser que les fédérés eussent fait oeuvre plus utile en s'emparant d'abord des réserves de la Banque de France."

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Commentaires
J
c'est exactement ce que je me dis; que fait-on de Vaneigem, nous, moi? <br /> Bah...
M
Ben ouais, mais je me demande toujours si on le comprend bien, surtout quand je vois les gens qui se prétendent proches de sa pensée ou de celle des situs en général.<br /> Je ne veux pas dire que les gens sont idiots mais si les gens se contentent de le lire sans plus.<br /> Pareil pour Debord que même Sollers revendique.<br /> Enfin, bon...<br /> On peut retourner tout le raisonnement contre moi. Je sais. Bah !...
H
C'est vrai Pimprelle que nous attendons toujours de découvrir notre Hérodote trotter :o)
P
Merci pour ces lectures passionnantes .<br /> kara que deviens notre mysterieux personnage perdu <br /> en Inde ?<br /> Bonne et douce journee à tous
D
Harmonia, j'ai bien eu votre message, merci !<br /> <br /> je rêve où Zoë m'a traité de fou ? je vais aller lui en causer deux mots de ce pas ! non mais.
L'astragale de Cassiopée
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