Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'astragale de Cassiopée
19 janvier 2010

Raoul Vaneigem - "Pour l'abolition de la société marchande - Pour une société vivante" : Morceaux 1

Raoul Vaneigem a écrit ce court texte en mai 2002. Plutôt que de commenter, le voici par "morceaux" (Mords sots?).

Incipit :

" Le 9 décembre 1792, les sans-culottes de la rue Mouffetard adressèrent à la Convention un libelle intitulé :
Vous foutez-vous de nous?
Vous ne vous en foutrez plus longtemps!
C'est un langage que les argentiers de la planète, aujourd'hui retranchés dans leurs bunkers et leurs ghettos barbelés, n'ont pas encore entendu et n'entendront pas si ceux qui devraient le tenir ne trouvent aucun moyen de l'étayer par des mesures appropriées.
Seule, à  ce jour, la question du mépris reste posée et seul y répond un ressentiment général. Le mécontentement est partout et les solutions nulle part. Pourquoi, dès lors, les pères conciliaires de l'économie mondiale et leurs affidés politiques se priveraient-ils de prendre de haut des adversaires à qui nul ne pourra reprocher d'avoir fait la révolution à moitié, puisqu'ils ne songent même pas à l'entreprendre."


9782743613051


" Loin de moi l'idée de suggérer que les foules, acculées au chômage, menacées par la précarité du lendemain, indignées et fascinées tout à la fois par la morgue des nantis, soient saisies d'une légitime colère et promènent, fichées sur une pique, les têtes interchangeables de ces hommes sans qualité, dont un chiffre d'affaires subroge le nom
Les exercices peu convaincants de névropathes, spécialisés dans le découpage de patrons, auxquels Andréas Baader, les Brigades rouges et autres Sentiers Lumineux prêtèrent jadis une éphémère renommée, n'ont-ils pas démontré quelle collusion s'établissait spontanément entre les détenteurs de la justice populaire et les défenseurs de la justice bourgeoise, comme on disait alors?
Rien ne ressemble plus au tueur d'une faction que le tueur de la faction adverse. " Tuer un homme, ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme ", lançait déjà Sébastien Castellion à Calvin qui, avec les meilleures raisons théologiques, venait d'envoyer Michel Servet au bûcher.
Les insurrections les plus légitimes n'ont traîné que trop de Calvin dans leurs basques. Toujours prêts à dresser des barricades avec trois révolutions de retard, les spectaculaires "casseurs" courant les rues, le pavé à la boutonnière, n'ont pas une seule idée quand il s'agit de fonder une nouvelle société, mais ils en ont cent pour jouer les Fouquier-Tinville et fournir des prévenus aux tribunaux révolutionnaires, à commencer par leurs propres compagnons.

photo_vaneigemsite_ffdb4


Par ailleurs, allons-nous tolérer longtemps que des créatures, qui n'ont d'autre regard que celui de l'argent, mènent leurs affaires avec l'efficacité d'un défoliant planétaire? Faut-il implorer un "changement dans l'ordre et la dignité", prêcher la modération aux agioteurs, mander sur le troupeau des déshérités la mansuétude des chevillards budgétaires?
N'est-ce pas une triste bouffonnerie que ces cortèges où des êtres humains, amputés de leurs salaires, de leurs revenus, de leurs espérances, de leurs moyens de subsistance, déambulent en exhibant leurs moignons? N'avons-nous d'autres recours qu'en ces danses du scalp faisant se trémousser à Seattle, Millau, Gênes, Porto allegre ou Nijni Novgorod des contestataires heureux d'exhiber leur détermination et malheureux de n'en savoir qu'en faire?
N'est-il pas bien sot d'exhorter les nantis, dont les yeux et les oreilles n'ont de sollicitude qu'à l'endroit des cours monétaires, à percevoir les gémissements de quelques millions d'hommes, de femmes et d'enfants que les flots boursiers expédient chaque jour dans les bas-fonds de la détresse?
Qu'iriez-vous espérer de cupides crapules aménageant, du quatrième cercle de l'enfer dantesque, la liquidation lucrative d'un monde qu'ils vident de sa substance vivante, après s'être purgés de leur propre humanité?
Il n'y a pas de dialogue avec les propagateurs de la misère et de l'inhumanité. Il n'y a pas de dialogue avec le parti de la mort. Aucune discussion  n'est tolérable avec les tenants de la barbarie. Seule l'affirmation obstinée de la vie souveraine et sa conscience briseront les fers qui entravent le progrès de l'homme vers l'humain."


" De moyen indispensable pour se procurer les biens de subsistance, l'argent, fétichisé à l'extrême par la courbe hyperbolique du profit, en est arrivé à n'avoir plus d'autre usage que sa reproduction dans les circuits fermés de la spéculation. Il est devenu fou en s'enroulant sur lui-même, comme le serpent ouroboros qui se dévore la queue. Dans le même temps, le pouvoir qui en émane et dont il est l'émanation s'est à son tour coupé des réalités terrestres où chacun tente, avec un malaise croissant, de s'accommoder de son absolutisme de droit divin."

Publicité
Publicité
Commentaires
J
Le traité du savoir-vivre, j'en ai parlé parce que c'est comme ça que j'ai découvert Vaneigem, à ce moment-là, c'est vieux relativement, ça me correspondait bien.<br /> C'était avant que je perde toute illusion :)
H
Je ne l'ai pas encore lu "Entre le deuil du monde et la joie de vivre" Kara. Et pas lu non plus MCA en parler ici. J'espère qu'il viendra le faire sur ce billet... <br /> Moi, c'est le premier "essai" que je lis de Vaneigem donc je ne vais pas me poser spécialiste. <br /> J'ai voulu vous faire partager les passages forts mais en fait, il n'y a quasiment que cela donc je consacrerai plusieurs billets pour plusieurs morceaux... Après, tout ce qu'il developpe sur la jouissance, cela demande une vraie réflexion (pt-être aussi confrontation avec Lacan) car il dit peut-être de grosses conneries. Mais, pour l'instant, je n'ai pas le retour suffisant pour avancer qques pions...<br /> Raison de plus pour espérer MCA...<br /> Merci Jibé. Vous croyez vraiment qu'il tient la route ce traité de savoir-vivre?... Je suis vraiment emballé par l'intelligence et la puissance de "Pour l'abolition de la société marchande"... <br /> Dans la préface à l'édition de 1992 du traité de savoir-vivre (que j'ai lue hier), Vaneigem semble qd même espérer quelque chose de l'aboutissement capitaliste (qque chose vers le vert et le prendre soin). Sans pharmacologie, sans pensée de la technique, je le trouve bien optimiste...
K
Entre le deuil du monde et la joie de vivre , Verticales | phase deux, 2008.<br /> <br /> <br /> Conseillé par mon chienaussi ici même, je crois et mis sur ma liste immédiatement.<br /> <br /> Merci harmonia : nous pouvons ainsi avoir une idée d'écriture de cet hédonisme savant .Et le texte rejoint ce que tente de faire l'appeldesappels .<br /> <br /> JIBé---Le traité de savoir-vivre à l'usage des nouvelles générations , c'est bien pour tous et ceux là même . Rien que le titre et je vois déjà briller les yeux de quelques uns des étudiants ou jeunes travailleurs que je fréquente...<br /> J'ai bien aimé votre petit message du matin<br /> <br /> Lorsque j'étais étudiante , j'avais lu un livre très réjouissant sur les couvents de dames au Moyen-Age et la façon dont elles ouvraient leur porte à l'étranger.Je vais essayer de le retrouver dans l'isba.<br /> <br /> Une très bonne journée .Kara
J
je crois que je l'ai lu à sa parution, 2002 ou à peu près. Etonnant livre car Vaneigem parvient en 130 pages (c'est très court) à proposer un autre monde, où vivre remplace survivre.<br /> Comme dans le "Traité de savoir-vivre à l'usage des nouvelles générations", c'est une pensée claire, aboutie, cohérente. <br /> Du bon, Harmonia, du très bon.
L'astragale de Cassiopée
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité